Actualités – publiée le 29/04/2020 par Équipe de rédaction Santélog
Journal of the Royal Society Interface
Le génome ou l’ensemble du matériel génétique d’un individu n’est peut-être pas le bon « livre » de l’histoire de sa vie et de son hérédité, écrivent ces scientifiques de l’Université du Maryland qui réduisent l’ADN à une liste désordonnée d’ingrédients.
Les données qui déterminent l’hérédité seraient plutôt stockées en dehors du génome, dans les interactions moléculaires qui régulent l’ADN cellulaire, soutiennent ces chercheurs dans le Journal of the Royal Society Interface.
La vision commune de l’hérédité est que toutes les informations transmises d’une génération à l’autre sont stockées dans l’ADN de l’organisme.
Mais ce n’est pas l’avis d’Antony Jose, professeur agrégé de biologie cellulaire et de génétique moléculaire à l’Université du Maryland pour qui l’ADN n’est que la liste des ingrédients, et non l’ensemble des instructions qui déterminent et maintiennent en vie un organisme vivant.
Ces fameuses instructions seraient plutôt stockées dans les molécules qui régulent l’ADN d’une cellule ainsi que dans d’autres systèmes.
Un nouveau cadre pour l’hérédité ?
A l’issue de 20 années de recherche génétique et épigénétique, le chercheur décrit l’ADN comme une liste désordonnée d’ingrédients utilisés différemment par différentes cellules à différents moments.
Un ou 2 exemples :
- le gène de la couleur des yeux existe dans chaque cellule du corps, mais le processus qui produit la protéine déterminant la couleur des yeux ne se produit qu’à un stade spécifique du développement et uniquement dans les cellules qui constituent la partie pigmentée des yeux. Ainsi, la couleur des yeux n’est pas une information stockée dans l’ADN ;
- de la même manière, l’ADN ne permet pas aux scientifiques de prédire la forme complexe d’un organe tel qu’un œil. Ainsi, les aspects fondamentaux de l’anatomie sont dictés par des instructions « situées » en dehors de l’ADN ;
- Selon le scientifique, c’est tout le processus de développement, de l’œuf fécondé à l’organisme complexe, qui doit être considéré comme partie intégrante de l’hérédité. L’hérédité n’est donc plus une base d’instructions figées mais tout un système d’information complexe et en réseau auquel participent toutes les molécules régulatrices qui aident la cellule à fonctionner.
L’hérédité devrait plutôt être abordée comme une dynamique moléculaire : cette approche apporte une répondre à de nombreuses questions qui restent sans réponse avec la biologie actuelle centrée sur le génome. « Comprendre la transmission, le stockage et le codage des informations biologiques est un objectif essentiel, non seulement pour la science fondamentale mais aussi pour la médecine régénérative ».
Ce seraient donc ces instructions non codées dans l’ADN mais inhérentes à l’arrangement des molécules au sein des cellules et à leurs interactions les unes avec les autres qui seraient conservées et transmises d’une génération à l’autre.
« Un aspect de l’hérédité, à savoir que l’arrangement des molécules est similaire d’une génération à l’autre, est profondément sous-estimé et conduit à toutes sortes de malentendus sur le fonctionnement de l’hérédité », résume ainsi le chercheur.
Des implications cliniques et pour la recherche :
- en médecine, par exemple, la recherche des facteurs en raison desquels les maladies héréditaires affectent les individus différemment se concentre sur les différences génétiques, chimiques ou physiques. Cette nouvelle vision de l’hérédité suggère que les chercheurs devraient rechercher des différences non génétiques dans les cellules des individus atteints de maladies héréditaires, telles que l’arrangement des molécules et leurs interactions.
Un nouveau paradigme qui nécessitera de nouvelles méthodes et de nouveaux outils de recherche.
- Cette nouvelle vision contribue aussi à expliquer le poids récemment révélé de l’épigénétique : les organismes pourraient évoluer par ces changements dans l’arrangement et les interactions des molécules sans changements dans leur séquence d’ADN.
- Enfin, cette théorie suggère l’insuffisance des banques d’ADN privées donc des informations critiques stockées dans des molécules non-ADN.
Des travaux très expérimentaux mais qui ouvrent de toutes nouvelles perspectives et réflexions sur l’évolution suggèrent des changements importants de paradigme en génétique et en épigénétique.
Source : Journal of the Royal Society Interface April 22, 2020 A Framework for Parsing Heritable Information
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