Accueil Santé Santé Publique – PAR COLINE GARRÉ – PUBLIÉ LE 13/12/2019

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Crédit photo : Photo d’illustration S. Toubon

Deux députés proposent de créer une infraction spécifique condamnant les « thérapies de conversion » et d’inscrire leur interdiction dans le code de déontologie, afin de lutter contre ces pratiques. Après trois mois durant lesquels ils ont écouté une soixantaine de personnes au cours de 28 auditions, Laurence Vanceunebrock (LREM, Allier) et Bastien Lachaud (LFI, Seine-Saint-Denis) ont rendu publiques les conclusions de leur mission « flash » ce 11 décembre. Ils envisagent de déposer sur cette base une proposition de loi en 2020.

L’expression « thérapies de conversion » vient des États-Unis et « a longtemps été employée par des professionnels de santé convaincus à tort que l’homosexualité était une maladie » (elle est sortie de la liste des pathologies en 1992), rappellent les députés. En France, le terme recouvre un spectre large de pratiques, d’origine religieuse (dans plus de la moitié des cas), médicale (pour un tiers) ou sociétale.

Pas de chiffres officiels, mais un phénomène grandissant

À titre d’exemple médical, les députés citent le cas d’une sexologue qui a préconisé à une jeune femme homosexuelle des séances de semi-hypnose à l’occasion desquelles des messages à caractère sexuel lui étaient répétés de nombreuses fois afin d’« habituer son corps à la pénétration masculine ». Une autre victime a été internée dans une clinique privée pour dépression, où pendant deux mois elle a subi des perfusions de valium, l’administration d’anxiolytiques et d’antidépresseurs, ainsi que des séances de sismothérapie.

Les députés regrettent l’absence de statistiques et d’enquêtes sur ces pratiques. Au regard des témoignages qui leur ont été rapportés, il y aurait eu une centaine de cas récents en France ; et de s’alarmer de l’ampleur que semble prendre le phénomène.

Ils alertent sur les dégâts de ces pratiques : dépressions durables, troubles de la personnalité, idées suicidaires, risques d’emprise. Sans oublier que les violences psychologiques sont aggravées lorsque ces pseudo-thérapies sont exercées au sein de cercles familiaux ou communautaires.

Valeur symbolique du délit

Alors que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme appelait à l’interdiction de ces « thérapies » dès 2015 et que plusieurs pays ont légiféré en ce sens, il n’existe en France aucun délit spécifique. Le droit français propose en revanche une multitude de recours pour : torture, acte de barbarie, violences, harcèlement moral, provocation à la haine, à la discrimination, ou à la violence en raison de l’orientation sexuelle, voire exercice illégal de la médecine, etc.

« La mise en place d’une incrimination spécifique aurait une valeur symbolique forte », écrivent les députés, ainsi qu’une valeur pédagogique pour les victimes. Cela permettrait aussi de pouvoir quantifier et qualifier ces pratiques. Elles pourraient être définies, selon le Réseau d’assistance aux victimes d’agressions et de discrimination (RAVAD), comme « le fait de promouvoir, mettre en œuvre ou orienter vers tout traitement ou pratique visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne ».

Reste à définir la peine et l’amende : mais Sébastien Lachaud a indiqué ne pas souhaiter de peine spécifique afin de ne pas « niveler les condamnations ». « Il faut utiliser les autres textes du Code pénal » en fonction de la gravité des faits, certains allant jusqu’à des actes de torture, a-t-il fait savoir.

Modifier le Code de santé publique et de déontologie ?

D’autres mesures visant à renforcer l’arsenal juridique sont sur la table, comme l’établissement d’une condamnation de principe des thérapies de conversion dans le Code de la santé publique, ou la création d’un délit spécifique assimilé à l’exercice illégal de la médecine. Cette dernière option n’a pas la préférence des députés, car le droit actuel ne conditionne pas la sanction des pratiques aux conséquences subies.

La mission propose en outre un meilleur encadrement de l’activité des professionnels de santé en modifiant l’article 7 du Code de déontologie médicale relatif à la non discrimination des patients afin d’y introduire explicitement l’interdiction de ces pratiques. Anne-Marie Trarieux, présidente de la section éthique du Conseil national de l’Ordre des médecins, a quant à elle suggéré la modification, non de l’article (de l’ordre du réglementaire), mais de son commentaire, ce qui dépend de l’Ordre.

Enfin, la mission insiste sur l’importance de sensibiliser toute la société à la lutte contre les thérapies de conversion. Cela devrait notamment se traduire dans les enseignements d’éducation à la sexualité à l’école, et dans la formation des soignants et des policiers et gendarmes.

Coline Garré

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Source : lequotidiendumedecin.fr