Publié le 02/02/2021

Un des principes du prélèvement d’organes sur donneurs cadavériques est que le donneur doit être déclaré mort avant le début du prélèvement d’organes.

Nous voici rassurés !

Mais les critères de mort varient selon les pays et ne sont pas toujours aussi clairs qu’en France où le diagnostic de mort cérébrale est exigé.

Ailleurs, le prélèvement est le plus souvent possible après la détermination neurologique de la mort selon les critères standard de la mort cérébrale mais parfois également après la détermination de la mort sur le plan circulatoire.

La réalisation de prélèvements suivant la constatation du décès « circulatoire » après retrait des mesures de maintien de la vie est devenue plus fréquente, et les critères utilisés pour déterminer le décès dans ce contexte ont beaucoup varié.

Aussi, cet article s’il n’est pas bien adapté à la pratique française, nous éclaire sur ce qui se passe chez nos voisins.

Ne pas confondre urgence et précipitation

La plupart des protocoles relatifs au don d’organes après constatation de la mort circulatoire recommandent 5 minutes d’observation de l’apnée et de l’absence de pouls déterminée par le moniteur du cathéter artériel, ce temps d’observation variant de 2 à 10 minutes en pratique.

Passée ce laps de temps, en l’absence de tentative de rétablissement de la circulation et alors qu’il n’y a pas de reprise spontanée de la circulation, l’arrêt de la circulation est considéré comme permanent et le prélèvement d’organes peut commencer.

Or, la durée minimale de l’absence de pouls requise avant le don d’organe après le diagnostic de mort circulatoire n’a pas été bien étudiée.

Lacune que s’est proposé de combler une étude observationnelle prospective menée sur des adultes « décédés » après le retrait planifié des mesures de maintien des fonctions vitales dans 20 services de soins intensifs de trois pays (Canada, Tchéquie, Pays-Bas).

Les patients devaient être surveillés pendant 30 minutes après la constatation du décès, pour détecter une éventuelle reprise de l’activité électrique et pulsatile cardiaque, qui était signalée prospectivement par les cliniciens au chevet des patients.

La pression artérielle continue et le tracé ECG enregistrés ont été en revanche examinés rétrospectivement pour confirmer les observations faites au chevet des patients et pour déterminer s’il y avait eu d’autres reprises de l’activité cardiaque.

Aucun patient ayant eu une reprise d’activité cardiaque n’a repris conscience ou n’a survécu

Au total, 1 999 donneurs potentiels ont été identifiés et 631 ont été inclus dans l’étude.

Une reprise de l’activité cardiaque, du mouvement respiratoire ou des deux, confirmée par l’ECG, a été signalée cliniquement chez 5 patients (1 %).

L’analyse rétrospective de l’ECG et des courbes de pression artérielle de 480 patients a permis de retouver 67 cas (14 %) de reprise de l’activité cardiaque après une période d’absence de pouls, y compris les 5 cas signalés par les cliniciens de chevet.

La durée la plus longue après une période d’absence de pouls avant la reprise de l’activité cardiaque a été de 4 minutes 20 secondes.

Le dernier complexe QRS a coïncidé avec le dernier pouls artériel chez 19 % des patients.

Aucun patient ayant eu une reprise d’activité cardiaque n’a repris conscience ou n’a survécu.

Cependant, la reprise transitoire du pouls a bien eu lieu, ce qui laisse supposer que les processus physiologiques de survenue de la mort somatique après l’arrêt des mesures de maintien de la vie peuvent inclure occasionnellement des périodes de cessation et de reprise de l’activité électrique cardiaque et l’activité artérielle pulsatile.

Les cinq dernières minutes

Cette étude soutient l’actuelle recommandation de respecter une période d’observation de 5 minutes requise par la plupart des protocoles avant de procéder au prélèvement d’organes après détermination de la mort sur le plan circulatoire.

Elle confirme également qu’une activité électrique cardiaque se poursuit en l’absence d’activité cardiaque pulsatile et qu’il faut attendre l’arrêt de l’activité ECG pour déterminer la mort circulatoire…

Dr Bernard-Alex Gaüzère

RÉFÉRENCE: Dhananiet S et coll. : Resumption of Cardiac Activity after Withdrawal of Life-Sustaining Measures. N Engl J Med., 2021;384:345-52. DOI: 10.1056/NEJMoa2022713

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Diagnostiquer la mort cérébrale

Donneurs d’organe en arrêt circulatoire : tout dépend de l’heure de la mort