Dans moins de 100 jours, Jean-Baptiste Bernaz va disputer ses quatrièmes Jeux olympiques consécutifs, toujours en Laser (un support désormais dénommé « ILCA » pour International Laser Class Association).
Lors de l’une des seules épreuves préparatoires avant Tokyo, à Vilamoura (Portugal), il a terminé ce samedi 24 avril au pied du podium, à la quatrième place, sur une coque qu’il découvrait. Il nous a livré ses impressions.
Ils étaient 139 concurrents à Vilamoura (sud du Portugal), base arrière des JO de Tokyo. | JOAO COSTA FERREIRA
Didier RAVON. Publié le 25/04/2021 à 10h23
Un départ prématuré sous flamme noire et donc une disqualification (BFD), lors de l’avant-dernière journée, lui a ôté quasiment toute chance de remporter cette épreuve internationale de Vilamoura (dans la région de l’Algarve au sud du Portugal) qui servait d’ultime sélection pour certaines nations aux Jeux olympiques de Tokyo (Vilamoura, c’est ici, cliquez sur le lien puis dézoomez).
Mais dans la dernière manche, dans la brise et la houle, Jean-Baptiste Bernaz – l’un des « tauliers » de l’équipe de France et du Team Voile BP Med, systématiquement dans le top cinq mondial depuis des années – a effectué une belle démonstration de technique au portant, menant quasiment tout du long, avant de finalement se faire doubler sur un « shift » (variation de direction du vent) par l’Allemand Philipp Buhl, champion du monde en titre, et vainqueur de l’épreuve.
Désormais entraîné par l’ancien champion de 470 puis de 49er Stéphane Christidis, « JB » – contrairement à la plupart de ses adversaires – étrennait un nouveau Laser – ou plutôt un « ILCA 7 ».
Suite à une sombre affaire politico-économique avec coups bas entre chantiers et architecte pour des histoires de royalties, le Laser reste toujours le même solitaire mais a changé de nom, le logo en forme de soleil dans la voile ayant été remplacé par ILCA (International Laser Class Association)… Passons !
Jean-Baptiste Bernaz termine quatrième de ce « vrai faux » championnat du monde. | JOAO COSTA FERREIRA
Robert Scheidt, 48 ans, est toujours là… et en forme lui aussi
Si Philipp Buhl confirme qu’il est l’un des grands favoris pour une médaille à Tokyo, un « revenant » a signé une performance ahurissante, terminant deuxième, un petit point derrière le champion du monde en titre…
Dans le milieu du Laser (dériveur solitaire dessiné par Bruce Kirby et produit à plus de 200 000 exemplaires depuis 50 ans !), ce coureur est vraiment connu comme le « loup blanc ».
Au Brésil, c’est une légende, comme Torben Graël (cinq médailles aux JO).
Il se nomme Robert Scheidt, a 48 ans, a été double médaillé d’or olympique, et médaillé d’argent, et au moins huit fois champion du monde !
Après une « incursion » en Star, où il a aussi excellé (deux titres mondiaux et deux médailles aux JO notamment), le Brésilien a décidé de revenir à ses premières amours.
Jean-Baptiste Bernaz est son sparing partner, et le considère comme son « père spirituel ».
Les deux régatiers sont d’ailleurs plus qu’amis.
Dire que Scheidt était en tête avant l’ultime manche, disputée dans une bonne brise de sud-est levant une mer formée et croisée… à un âge où les « vieilles » gloires de la voile olympique se voient plutôt confier la barre ou la tactique sur des maxis de riches propriétaires… et évitent de venir se faire laminer par la jeune génération.
Mais pas Robert ! Lui il vient, et ne se fait pas laminer.
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Jean-Baptiste Bernaz est l’un des tout meilleurs au monde au portant dans la brise. | JOAO COSTA FERREIRA
Jean-Baptiste Bernaz, comme à son habitude, ne se défausse pas.
Du Bernaz dans le texte, cash, quelques minutes après la fin du championnat :
« Dernière journée, tout était possible. Le premier était un peu loin mais il y a tellement de points distribués en deux manches que c’était jouable.
Il y a du vent, des vagues, des conditions que j’affectionne.
On commence avec une manche où je suis plutôt à droite et malheureusement ça passe à gauche.
Je ne suis pas très bien à la première bouée au vent, autour de 15-20, puis je remonte 8.
Je reste au contact des trois meilleurs qui sont sur le podium et je creuse un peu avec les bateaux derrière.
Pour la dernière manche, on connaît les points, je suis 4 et je sais qu’il faut que j’en mette un paquet aux gars devant moi pour les doubler.
On fait la manche quasi tous ensemble. Je suis en tête à la bouée au vent, je fais un super vent arrière.
Sur le deuxième bord de près je rate un shift [bascule, ndlr] et je vois que l’Allemand [Philipp Buhl] est vraiment rapide.
Donc une manche de 3, avec un gros gap sur le reste de la flotte.
C’est une régate sur laquelle j’ai fait beaucoup de bêtises qui m’ont coûté beaucoup de points.
Ce n’est pas une excuse mais je ne l’avais jamais essayé avant [le bateau].
J’avais aussi un bateau qui ressemble à celui que je vais avoir aux Jeux Olympiques [ils sont fournis aux concurrents et tirés au sort, ndlr].
Ce n’est pas une excuse mais je ne l’avais jamais essayé avant.
Le but était de se mettre en configuration Tokyo alors qu’il y en avait beaucoup qui naviguaient avec leur matos de référence.
Donc ça n’a pas été facile de m’adapter à ce bateau-là.
Voilà pour les petites choses qui font que j’ai distribué des points, et donc je ne m’alarme pas trop sur la suite.
Je pense qu’on est vraiment dans les temps.
C’était une régate de repère et voilà, le champion du monde Philipp Buhl est toujours là, Robert Scheidt est en forme. Il ne manquait quasi personne si ce n’est le Néo-Zélandais et l’Australien qui sont très forts.
L’Anglais qui est devant moi (3è) n’est pas celui qui va aux Jeux.
Ça fait du bien de voir qu’après un an de pandémie et d’incertitude on est toujours dans le match.
Bien sûr il y a des choses à peaufiner, mais on a eu presque toutes les conditions à part du très light. Medium light, medium fort et brise, je suis à l’aise partout et en forme.
On repart avec quelques pistes de travail pour la suite.
Je rentre demain puis retour à Vilamoura vers le 16-17 mai pour une petite régate du 24 au 28.
On aura un dernier stage fin juin, certainement au Portugal aussi. Puis direction Tokyo ! »
Chez les femmes, Louise Cervera (YC Cannes) termine à une jolie 11è place, tandis que Marie Barue (COYCH), 17è, s’est écroulée lors des derniers jours après un remarquable championnat où elle a occupé la deuxième place derrière l’intouchable Anne-Marie Rindom. Marie Bolou (SR Douarnenez), sélectionnée pour les JO de Tokyo, termine 21è.