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Les architectes et les ingénieurs des quatre équipes qui participeront à la 36e Coupe de l’America décryptent dans cette vidéo (accompagnée de nouvelles scènes de navigation impressionnantes) les choix architecturaux et les règles de classe : formes de coque, moments de redressement, choix de foils… C’est clair, c’est lucide, c’est précis.

Comme c’est en Anglais, la traduction est après la vidéo, à tout hasard.

Martin Fischer : « Le grand changement est que tout est nouveau. Personne n’avait jamais vu un tel bateau sur l’eau ». | AMERICA’S CUP

Voiles et Voiliers (Traduction de Christophe FAVREAU). Publié le 03/08/2020 à 19h30

LA VIDÉO ICI : https://www.youtube.com/watch?reload=9&time_continue=1&v=VQUl_hf6yo8&feature=emb_logo

Crédit vidéo : America’s Cup

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Traduction des commentaires de la vidéo :

Dan Bernasconi (Emirates Team New Zealand) : « La dernière America’s Cup à bord des AC50 a créé des courses passionnantes, les bateaux se ressemblaient beaucoup et je pense que le chemin que nous avons parcouru pour arriver jusqu’aux AC75 nous permet de rester dans cette logique de bateaux incroyables, hyper rapides, hyper performants, tout en prenant une nouvelle direction, en faisant les choses différemment.

Dan Bernasconi : « Ces nouveaux bateaux sont grands. Ils sont également légers (7,5 tonnes), ce qui est crucial parce que les AC75 sont dessinés pour voler ». | AMERICA’S CUP

Pour commencer, ces nouveaux bateaux sont grands. 75 pieds de long (soit près de 23 mètres, NDR), 16 pieds de large (5 mètres). Ils sont également légers (7,5 tonnes), ce qui est crucial parce que les AC75 sont dessinés pour voler.

C’est un concept totalement nouveau puisque plutôt que d’avoir recours à une quille classique, un tout nouveau système permet de maintenir le bateau debout. Des foils mobiles s’abaissent ou remontent pour produire les forces nécessaires pour maintenir le bateau droit.

Quand nous avons développé les règles de classe de l’AC75, nous voulions vraiment un bateau très typé, donc nous avons laissé aux architectes de la place pour des innovations importantes pour offrir aux différentes équipes la possibilité de dessiner des formes variées, d’inventer des systèmes de contrôle des voiles différents, des foils et des safrans originaux ».

Martin Fischer (Luna Rossa) : « Le grand changement est que tout est nouveau. Personne n’avait jamais vu un tel bateau sur l’eau. Il n’y avait aucune expérience sur laquelle nous aurions pu nous baser. Ce ne sont pas seulement de nouvelles règles, c’est un nouveau bateau que le monde n’avait encore jamais vu. »

Dan Bernasconi : « Il y a beaucoup de place laissée à l’innovation avec ces règles de classe et cela a été fait exprès ». | AMERICA’S CUP

Horacio Carabelli (Luna Rossa) : « Ce que nous essayons de réaliser, c’est un bateau qui surpasse ceux des précédentes Coupes de l’America et surpasser les multicoques précédents est un challenge difficile. C’est un défi qu’il n’est pas évident de réussir.

Nous n’avons jamais rien vu de tel auparavant dans l’histoire de la voile sportive. C’était vraiment un challenge incroyable ».

Dan Bernasconi (Emirates Team New Zealand) : « C’est un risque que nous avons choisi de prendre. Nous avons conçu des règles de classe et tout le monde a embarqué pour construire ces AC75, sans qu’il n’y ait jamais eu de prototype auparavant. Les seules choses qui avaient été développées dans le passé étaient les simulations.

Certaines parties du bateau sont fournies : le mât, le gréement, les foils et l’hydraulique sont des éléments communs à tous les AC75 mais il reste de nombreuses possibilités pour les architectes d’expérimenter les solutions les plus performantes.

Il y a beaucoup de place laissée à l’innovation avec ces règles de classe et cela a été fait exprès. Cela donne beaucoup de possibilités de penser hors du cadre classique. La meilleure preuve de tout cela est qu’il existe désormais quatre bateaux qui sont très différents les uns des autres ».

Sur cette image de face, on peut observer les différentes formes de coque des quatre AC75. | AMERICA’S CUP

Glenn Hasby (Emirates Team New Zealand) : « L’une des plus grosses différences que nous avons vue jusque-là est sans doute celle des carènes. C’est sûrement l’un des plus gros sujets de discussion au sein des équipes en ce moment. Chaque syndicat prend une approche légèrement différente des autres pour faire face au même problème ».

Martin Fischer (Luna Rossa) : « Je dirais qu’il y a d’un côté American Magic et INEOS. Ils ont des carènes relativement plates. Et de l’autre Emirates Team New Zealand et Luna Rossa avec des carènes un peu plus creuses. Cela montre que nous avons des idées différentes sur la façon dont vont naviguer ces bateaux ».

A l’origine, quelques chiffres posées sur la feuille à dessin des architectes. | AMERICA’S CUP

Dan Bernasconi (Emirates Team New Zealand) : « L’une des décisions fondamentales que vous devez prendre est comment un équipage va passer d’un bord à l’autre du bateau lors d’un empannage ou d’un virement de bord. C’est un point de réflexion sur la construction très intéressant. Difficile de savoir s’il faut privilégier un équipage fixe ou habilité à se déplacer. Nous verrons bien qui a raison ou tort.

Une évolution nouvelle est la grand-voile à double profil. Combinée à des éléments d’aile rigide, elle génère la puissance nécessaire à l’AC75 pour voler. Une voile est objectivement une aile qui se tient verticale. Au lieu d’avoir une grand-voile classique, comme sur les bateaux conventionnels, nous avons un double profil qui offre un très bon rendement aérodynamique, très proche d’une aile d’avion.

Armes secrètes

C’est sous l’eau que les choses deviennent vraiment intéressantes mais cela débute à l’intérieur du bateau. Les fois relevables sont une toute nouvelle technologie. Un système hydraulique alimenté par des batteries permet de baisser ou de lever les très lourds foils latéraux.

Au moment de virer, le système est activé pour inverser la position des foils, celui au vent faisant office de ballast pendant que celui immergé porte le bateau au-dessus de l’eau. C’est au bout des bras de ces derniers que se trouvent les armes secrètes des différentes équipes : les profils des foils. À part les règles de poids et de dimension, le champ est laissé libre aux designers.

L’écoute de Grand’Voile a elle aussi pris une nouvelle allure sur les AC75. | AMERICA’S CUP

C’est au niveau des foils que devrait se jouer la prochaine America’s Cup. Les principes qui autorisent un AC75 à voler sont les mêmes que ceux qui permettent à un avion de se maintenir en l’air. Le flux de l’eau sur le dessus des foils est plus rapide que celui en dessus, du fait de la forme bombée du profil.

C’est ce qui créé la sustentation et permet de soulever le poids du bateau (7,5 tonnes) et de l’équipage.

De petites ailettes au bout des foils permettent de modifier les profils de ces derniers, comme sur un avion, pour augmenter la portance lors des décollages du bateau et offrir à l’équipage la possibilité de régler la bonne hauteur de navigation selon les conditions.

Nous avons décidé d’autoriser les ailettes sur les foils pour donner aux équipes un meilleur contrôle de la portance.

L’AC75 est l’un des designs les plus radicaux qui ait été proposé aux syndicats dans l’histoire de l’America’s Cup, repoussant les limites de l’architecture et de la technologie connues depuis 170 ans. »