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La mutuelle étudiante Smerep a publié sa nouvelle enquête annuelle sur la santé des lycéens et des étudiants. Franceinfo a interrogé à ce sujet le docteur Philippe Aoussou, directeur de services universitaires de médecine préventive. Entretien.
Valentine Pasquesoone France Télévisions Mis à jour le 29/06/2018 | 12:04
https://www.francetvinfo.fr/choix/video-alimentation-sommeil-pensees-suicidaires-quatre-chiffres-alarmants-sur-la-sante-des-etudiants_2822817.html#xtor=EPR-749-[NLbestofhebdo]-20180630-[content4]
Des chiffres qui mettent une nouvelle fois en lumière la santé fragile des jeunes Français. La mutuelle étudiante Smerep a publié, jeudi 28 juin, l’édition 2018 de son enquête annuelle sur l’état de santé des lycéens et des étudiants. Cette étude, menée par OpinionWay, a été réalisée auprès de 1 001 Français âgés de plus de 16 ans. Et comme l’année dernière, plusieurs de ses conclusions sont inquiétantes.
A l’occasion de la publication de cette étude, franceinfo a interrogé le docteur Philippe Aoussou, directeur du service interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la santé (SIUMPPS) de Paris. Pour franceinfo, il décrypte quatre chiffres-clés issus de cette nouvelle enquête.
129% des étudiants ne font pas attention à ce qu’ils mangent
C’est l’un des principaux enseignements de l’étude de la Smerep : les étudiants ont un problème évident d’alimentation. Selon l’enquête, 29% d’entre eux ne prêtent pas attention à ce qu’ils mangent. Ils sont même 93% à grignoter et 56% à sauter un repas régulièrement, faute de temps ou par mesure d’économie. Selon la Smerep, les étudiants dépensent en effet 9 euros en moyenne par jour pour se nourrir. Un budget insuffisant pour une alimentation équilibrée, surtout dans les grandes villes, explique Philippe Aoussou.
Les étudiants « mangent au lance-pierre », lance le médecin. « Il y a une raison financière, ils ont aussi énormément de cours », explique le directeur du SIUMPPS de Paris. « Et il y a aussi des étudiants qui sont amenés à devoir travailler », ce qui joue sur la régularité de leurs repas. Résultat : « Vous avez des étudiants en surpoids » et « des situations d’anorexie », alerte-t-il.
256% d’entre eux dorment mal (en raison du stress)
Il s’agit peut-être du problème le plus récurrent affectant la santé des étudiants. D’après l’enquête de la mutuelle étudiante, plus de 9 étudiants sur 10 – précisément 91% – déclarent connaître au moins une période de stress chaque année. Pour 25% d’entre eux, ce sentiment de stress est même permanent.
En conséquence, plus d’un jeune sur deux – 56% – rencontre des difficultés pour bien dormir, justement du fait de ces périodes de stress. Les étudiants manquent aussi sensiblement de sommeil : 21% d’entre eux dorment en moyenne moins de six heures par nuit, et une grande majorité – 69% – entre six et huit heures chaque nuit.
« Il y a déjà l’obligation de résultats qui est liée aux études », souligne Philippe Aoussou. « C’est la porte d’entrée pour ne pas dormir suffisamment. » Un cercle vicieux se dessine ensuite. Stressés, des étudiants dorment mal et « ça a des répercussions sur les études », rappelle le médecin. « Vous ne pouvez pas être concentré (…) vous n’arrivez pas à apprendre », et cela entraîne davantage de stress, regrette-t-il. Sans compter les « troubles psy »qui peuvent se développer, faute de sommeil réparateur.
322% ont déjà songé au suicide
Le chiffre est particulièrement alarmant : 22% des étudiants interrogés par la Smerep confient avoir déjà eu des pensées suicidaires et 60% d’entre eux déclarent s’être déjà sentis « dépassés, submergés par leur quotidien ».
Comment expliquer un tel problème ? Pour Philippe Aoussou, l’entrée dans la vie étudiante – et adulte – peut jouer. « Dans un contexte nouveau où il doit s’assumer tout seul, où il n’a plus la cellule familiale de soutien, ça peut déclencher chez lui une angoisse, décrypte-t-il, et l’amener à avoir des idées péjoratives par rapport à son avenir ».
448% n’utilisent pas toujours des préservatifs
Près de la moitié des étudiants interrogés expliquent ne pas utiliser systématiquement de préservatifs lors de leurs rapports sexuels. Philippe Aoussou voit plusieurs causes à cela : d’abord, dit-il, « beaucoup de jeunes ont confiance en leur partenaire », ensuite, ces rapports à risques ont lieu lors de fêtes, sous l’influence désinhibante de l’alcool ou de la drogue.
Mais surtout, souligne le médecin, « les étudiants peuvent ne plus se sentir concernés parce qu’aujourd’hui, [pour] le VIH (…) on est dépistés, immédiatement on est mis sous traitement. Et on vit à peu près normalement ». Alors que, rappelle-t-il, « souvent, quand on est jeune, on a plus de partenaires, donc le risque est plus important ».