https://www.jim.fr/e-docs/00/02/B4/8C/carac_photo_1.jpg

Publié le 25/04/2019

Le canal artériel [CA] reste ouvert chez 40 % à 60 % des très grands prématurés [TGP] hospitalisés en Unité de Soins Intensifs Néonatale [USIN]. La conduite adoptée oscille entre une fermeture avec des antiprostaglandines ou une ligature, compte tenu de la surmortalité et de l’incidence accrue des complications de la prématurité qui ont été rapportées, ou l’attente de la fermeture spontanée, en contrôlant les conséquences du shunt droite-gauche, surcharge pulmonaire et parfois insuffisance cardiaque congestive.

L’étude observationnelle rétrospective menée dans une USIN nord-américaine suggère que l’attitude « conservatrice » n’augmente pas la morbi-mortalité des TGP.

Cette USIN, qui ne reçoit que des TGP « outborn », est la seule à pouvoir réaliser une ligature du CA dans un bassin de 30 000 naissances/an. L’attitude conseillée – mais non imposée- devant un CA persistant a évolué. Avant 2010 elle comprenait un traitement prophylactique par indométacine, une échocardiographie à 4-5 jours de vie et, en cas de persistance du CA, un traitement curatif par des antiprostaglandines, puis par ligature du CA. A partir de 2010 elle est devenue conservatrice, avec un ajustement de la ration hydrique et, éventuellement, des diurétiques.

Les données de l’étude sont extraites de la base des « petits bébés » de l’hôpital.

De 2008 à 2015 inclus, 717 nouveau-nés de < 27 sem., ayant un poids médian de 700 g, ont été admis dans l’USIN, soit environ 90 par an. L’âge d’admission médian est passé de 7 j en 2008 à 21 j en 2015.

En tout, 33 % des TGP ont reçu un traitement curatif par antiprostaglandines (234/717) ; 26 % ont subi une ligature du CA (185/717), toujours après J7 (âge moyen : 51 ± 55 j) et une fois sur 6 d’emblée.

L’attitude conservatrice n’entraîne pas de surmortalité, au contraire

Les taux annuels des deux types de traitement curatif ont régressé linéairement de 2008 à 2015 (R = 0,83, p = 0,01 pour les antiprostaglandines ; et R = 0,88, p < 0,005 pour les ligatures).

Le changement progressif d’attitude devant un CA persistant s’est traduit par une diminution de la probabilité d’un traitement par les antiprostaglandines de 34 % d’une année sur l’autre (Odds Ratio [OR] : 0,66 ; Intervalle de Confiance de 95 % [IC95%] : 0,61-0,72 ; p < 0,001), et de la probabilité d’une ligature de 20 % d’une année sur l’autre (OR = 0,80 ; IC95 % : 0,72-0,88 ; p <0,001). Les chances d’une ligature du CA sont multipliées par 7 après un traitement pharmacologique (OR = 7,1 ; IC95 % : 4,57-11,29 ; p < 0,001).

L’attitude conservatrice, fréquente à partir de 2010, ne s’est pas accompagnée d’une surmortalité ni d’une augmentation des taux annuels de dysplasie broncho-pulmonaire [DBP], d’entérocolite ulcéro-nécrosante et d’hémorragie intraventriculaire sévère. Dans une régression logistique, le risque de DBP est multiplié par 3 par la ligature du CA (OR : 3,03 ; IC95 % : 1,80-5,11 ; p < 0,001), mais il n’est pas augmenté par les antiprostaglandines.

Près de trois quarts des survivants (442/600) ont passé les tests des échelles de Bayley-III entre 16 et 24 mois. Les pourcentages de scores inférieurs à 80 aux tests cognitifs, langagiers ou moteurs sont stables d’une année sur l’autre pendant la période d’étude.

Ainsi, depuis 2010, l’abandon progressif de la fermeture du CA par les antiprostaglandines ou la ligature n’a pas entraîné de surmortalité (la mortalité a diminué) ni d’augmentation de l’incidence de la DBP, des résultats qui concordent avec ceux d’autres études. La ligature du CA paraît néfaste ; son taux annuel est actuellement tombé sous les 10 % dans l’USIN.

En conclusion, cette étude suggère qu’on peut restreindre, sans inconvénients, les indications de la ligature du CA persistant. Des essais contrôlés randomisés pourraient mieux comparer le traitement conservateur au traitement proactif du CA persistant du TGP.

Dr Jean-Marc Retbi

RÉFÉRENCE : Ezenwa B et coll. : Effects of practice changes on extremely preterm infants with patent ductus arteriosus. Acta Paediatr 2019 ; 108 (1) : 88-93

Copyright © http://www.jim.fr