Accueil Course au large Vendée Globe
C’est avec un large sourire et beaucoup de fierté que Sébastien Simon, troisième du Vendée Globe, s’est présenté devant la presse pour la traditionnelle conférence de presse.
Le skipper de Groupe Dubreuil a exprimé sa grande reconnaissance envers son équipe et son sponsor qui lui ont permis d’accéder à cette troisième marche du podium malgré une préparation en dents de scie à cause des blessures et des avaries.
Fatigué mais heureux, Sébastien Simon a répondu aux questions des journalistes moins de deux heures après avoir mis le pied à terre. | THIBAUD VAERMAN
Voiles et Voiliers. – Modifié le 17/01/2025 à 20h13
Vendée Globe. Sébastien Simon : « J’ai cru que ce serait une cause d’abandon… »
Le retour à terre
Je ne m’attendais à rien. Ça a été une surprise magnifique avec une ambiance folle…
C’était un moment d’euphorie avec mon équipe. J’avais hâte de conclure avec cette 3e position pour laquelle je me suis beaucoup battu.
La course est comme elle est. On casse un foil à mi-parcours.
C’est une année et demie qui est passée trop vite.
Conclure avec cette 3e position, c’est au-delà de nos espérances, c’est magique.
Je n’ai qu’une envie, c’est de revenir dans 4 ans avec des objectifs encore plus ambitieux.
Paul-Henri (Dubreuil) m’a appelé pour me dire qu’on continuait jusqu’en 2028 et j’étais touché…
Le chenal, il récompense aussi mon équipe, ce sont des projets très technologiques qui se concrétisent.
Ce sont eux qui marquent l’essai et c’est à moi de le transformer.
Et ce chenal, voir mes copains et chez moi, ça me touche énormément.
J’ai hâte d’aller faire du vélo. Je pense qu’ils vont me ridiculiser.
Il y a un full Iron Man bientôt (en juin) et là c’est un projet plus personnel. Demain, il y a vélo, je ne sais pas ? !
Peut-être après-demain plutôt…
Record sur 24 heures
Mon regret c’est de pas avoir poussé plus aujourd’hui. Les deux premiers ont réussi à pousser plus leur machine.
Ce record de 24 heures, j’en suis très fier mais ce n’était pas mon objectif…
Les bateaux ont tenu le choc et je trouve ça assez fabuleux le niveau de préparation de tous les concurrents.
25,7 nœuds de moyenne je crois. Je ne sais pas, comment j’ai fait.
L’histoire du foil cassé, je ne pense pas que ce soit lié à ce record.
Je ne me l’explique pas cette casse, car les appendices ont été éprouvés par 11th Hour déjà.
Est-ce que c’est un coup du sort ? Je me suis souvent demandé ce que ça aurait donné avec les deux foils…
Je n’ai pas envie d’échanger ma place, je suis très fier. Ce qui compte, c’est qu’on ait réussi à atteindre cette 3e place.
Je connais bien Charlie et ça m’a fait énormément plaisir de le voir à l’arrivée avec Yoann.
J’étais très honoré de me battre avec eux. J’ai fait avec les armes que j’avais et c’est ça que je retiens aujourd’hui.
Ça fait partie du jeu. Cette 3e position renforce ma détermination pour dans 4 ans.
Mon rêve ultime de remporter ce Vendée Globe. Mon ambition elle est là.
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Avaries
Les voiles, j’en suis trop fier. Incidence Sails a fait un très beau boulot. J’ai eu d’autres avaries.
Je n’avais plus de moteur à l’arrivée, donc plus de possibilité de charger les batteries.
On a produit de l’énergie avec les panneaux solaires produits par le Groupe Dubreuil.
Le moteur, je ne savais pas qu’il était mort mais je n’avais pas envie de le bricoler à la fin.
À mi Pacifique, j’ai perdu les ogives de quilles et les lèvres de quilles. Il y a une ogive qui s’est arrachée.
Quand je m’en suis rendu compte, j’ai cru que c’était une cause d’abandon.
Et au final, j’ai réussi à bien fermer la boîte, la rendre étanche et j’ai fait un test à 35 nœuds en faisant un planté et c’est passé. Sinon que des petites choses.
Globalement, le travail de l’équipe a été incroyable. On avait pas mal de matériel et c’était une bonne décision.
Le niveau de préparation du bateau était au-delà de mes espérances. Ce n’est pas de mon fait mais celui de mon équipe.
Le skipper sablais de 35 ans monte pour la première fois sur le podium du Vendée Globe après un abandon en 2020-2021. | THIBAUD VAERMAN
Nourriture
Dans l’océan Indien, j’ai un de mes réservoirs de gasoil qui s’est vidé dans mes sacs de nourriture, quatre sacs sur six donc je n’avais plus de nourriture plaisir que des lyophilisés.
Le repas de Noël n’a pas touché le gasoil, c’était chouette.
Avoir eu des sacs pollués par le gasoil, ça rend les choses beaucoup plus dures, car on n’a pas de quoi grignoter.
On était parti avec 3 000 calories par jour et je me suis retrouvé entre 800 et 1 100 par jour et je me suis senti assez faible.
J’ai tenté de manger des choses qui avaient été contaminées et j’ai eu mal au ventre…
La prochaine fois, on ne refera pas cette erreur.
Ses travers
J’ai souvent tendance à me focaliser sur le regard des autres et aussi à ne pas savourer l’instant présent et toujours penser au futur.
Les choses sont différentes aujourd’hui, j’arrive à savourer l’instant présent.
Garder de l’énergie pour ce qui compte pour moi.
Aujourd’hui, j’y arrive très bien et mon mental est aussi une force et c’est ce qui m’a permis d’atteindre cette 3e place.
Continuité de l’aventure : bateau neuf ou amélioration ?
Construire, c’est un challenge d’un niveau supérieur.
On a réussi à atteindre un résultat incroyable avec un projet mesuré.
On était une petite équipe, on a fonctionné de façon très soudée.
Ce n’est pas très vertical, il y a beaucoup d’échanges. Ce qui comptait c’est que l’équipe soit fière de son travail.
C’est ce qui nous a permis d’atteindre ce résultat.
Atteindre des objectifs plus ambitieux, ça nous demande d’étoffer notre équipe et se tourner vers des gens qui ont beaucoup de métier.
Le challenge est plus grand car notre projet est basé aux Sables et on sait que la majorité des projets se fait en Bretagne. Parler de construction d’un bateau neuf, ce n’est pas à moi d’en parler.
Mais je n’imagine pas un bateau de la génération 2024 gagner le Vendée Globe 2028.
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Échanges avec les autres concurrents
Non très peu de contacts avec Yoann et Charlie, deux ou trois textos.
Beaucoup avec Benjamin Dutreux, tous les 4 jours. Souvent pour se raconter des conneries, lui attend un bébé…
Pas mal avec Manu Cousin aussi. J’ai eu surtout beaucoup de contacts avec mes proches et mon équipe.
Toute l’équipe était au courant des petits pépins et des soucis…
Je n’ai rien voulu leur cacher et ils ont toujours répondu présents pour gagner un niveau de performance au plus haut niveau.
Même en visant des objectifs plus hauts, je ne changerai pas et je resterai dans l’échange et le partage.
Arriver devant Beyou, Lunven et Ruyant
J’avais plus envie de ce podium peut-être. Mes trajectoires dès le début de la course ont été correctes.
Ensuite, sur la descente de l’Atlantique Sud, j’ai été le plus rapide. Je suis fier d’être devant eux.
Jérémie Beyou m’a soutenu énormément depuis le début de ma carrière… Je suis fier de finir devant lui.
Nicolas Lunven, on s’est entraîné ensemble en 2017, donc je le connais très bien et il m’a hébergé pendant que je participais à la sélection pour les jeunes Bretagne CMB.
Je suis aussi fier d’être devant un marin comme lui.
Thomas Ruyant, j’ai l’impression qu’il n’a pas réussi à rentrer dans sa course comme il l’aurait voulu.
Ça rend ma 3e place encore plus belle.
Sébastien Simon compte être au départ du prochain Vendée Globe avec l’objectif de le gagner. | THIBAUD VAERMAN
Retrouvailles avec les proches et son chien
Elle (Chiffon, son chien) est venue passer la nuit dans l’Imoca avec nous et elle a dormi dans mes bras.
Je rêvais d’avoir un chien depuis des années et c’est la plus belle des choses qui me soient arrivées.
Je suis content de poser le pied à terre et j’ai hâte d’aller prendre une douche.
Chiffon, c’est un peu toute ma vie. Je cours avec, je fais du vélo avec…
Record
Ce n’est pas dû au hasard. Souvent en course au large, plus on est rapide et plus riche on est.
C’est un peu tout l’enjeu aujourd’hui. Forcément, quand on rate le train, c’est terminé.
Il fallait tenir le rythme dans la descente de l’Atlantique.
C’est bien d’aller à 30 nœuds mais il faut réussir mentalement à tenir à ce rythme.
Le bateau avait déjà fait ses preuves et moi non. Je suis fier d’avoir pu montrer que le bateau était performant.
Mais je le rappelle, quand je suis parti, mon seul objectif c’était de terminer.
Retour sur son accident lors du Retour à la Base
C’est un sujet que je n’aime pas aborder.
« Sois prudent », c’est une phrase que je ne supporte pas depuis mon accident.
La course au large, c’est ma passion, je le fais pour le plaisir et pas pour avoir peur d’y aller…
Je porte un gilet, je porte un casque, ce que je ne faisais pas avant. La peur, oui, ça arrive.
Je suis monté en haut du mât et je n’en avais pas envie…
J’ai le vertige, je ne voulais pas faire ça et je l’ai fait car j’étais déterminé à finir la course dans de bonnes conditions.
Des doutes ?
Je me sentais à ma place. J’ai été content de ne pas être focalisé sur le regard des autres.
L’objectif était de garder mon propre rythme.
Par contre, je suis plus à l’aise dans une position de chasseur que de chassé…
Depuis mon abandon sur le Vendée Globe (2020-2021), j’ai perdu mon capital confiance que j’avais sur La Solitaire.
Je ne me sentais pas trop à ma place d’être en tête.
Et dans une position d’outsider, je me sentais totalement en confiance.
J’ai mis 4 ans à reconstruire cet état d’esprit. Et je pense que ce Vendée Globe est un déclic.
Et l’objectif, c’est d’être à l’aise dans une position de chassé maintenant.
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Un nouveau Sébastien Simon ?
C’est toujours le même. J’ai vécu quatre années personnellement et professionnellement difficiles.
Aujourd’hui, je suis déterminé. Quand j’ai envie de quelque chose, je suis prêt à tous les sacrifices pour réussir à obtenir ce dont j’ai besoin.
Le Vendée Globe, c’est une course qui me hante l’esprit.
J’ai un objectif en tête et peut-être que je ne l’atteindrai jamais.
Je veux donner le maximum pour obtenir la première marche du podium.
Dépression
Suivre Charlie, je n’ai pas eu le choix. À un moment, je me suis dit : « Va au Nord ! »
Mais se prendre 60 nœuds, ça fait partie du Vendée Globe.
Quand j’ai vu le truc arriver, je me suis dit qu’il allait falloir faire le dos rond.
J’ai réglé mon problème de gasoil à 27 nœuds comme à peu près tous les problèmes mais j’ai encore toutes mes dents… Maintenant, on n’abat plus pour changer de voile, c’est d’une intensité incroyable.
Je pense qu’ils sont tous idiots les premiers… (rires)
Le skipper se prépare déjà à un nouvel objectif : un Iron Man en juin. | THIBAUD VAERMAN
Un bateau d’équipage pour le solitaire
Je ne me suis pas posé cette question car c’est le destin qui a voulu qu’on ait ce bateau et le marché de l’Imoca est complètement fou.
Au final, c’était le bon choix, c’est un super bateau qui avait fait ses preuves.
Moi je ne les avais pas faites, j’espère les avoir un peu faites maintenant.
En matière d’ergonomie, il n’a pas été pensé pour le solitaire. On a essayé d’adapter le bateau pour ça.
Avec le recul, je dirais que ce n’est pas suffisant encore.
On a adapté des sièges moulés sur moi, montés sur amortisseur après l’accident (sur le Retour à La Base, ndlr).
Le fait de porter un casque, créer des bannettes où je peux caler mes pieds…
Il n’y avait pas tous ces éléments-là. Le but était d’évoluer un peu plus en sécurité.
On a réadapté toute l’électronique pour créer de la redondance.
On s’est inspiré de l’aéronautique pour pallier des pannes qui peuvent arriver.
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Collision entre Guyot Environnement et 11th Hour Racing
Oui on était en train de racheter 11th Hour Racing quand on est rentré dedans avec Guyot Environnement pendant The Ocean Race.
Les boules… Paul-Henri (Dubreuil) n’était pas content. La collision a failli faire capoter le projet.
Zone des glaces
Quand il y a une dépression, le seul moyen actuellement d’y échapper est de partir très Nord.
Sans cette restriction de la zone des glaces, on pouvait descendre dans le Sud donc ça faisait deux échappatoires.
J’ai soumis à l’organisation d’en finir avec la zone des glaces.
Vu que certains ont vu des glaçons, je pense qu’ils vont la garder.
Un Iron Man en juin
Normalement, faut pas faire de Vendée Globe pour faire un Iron Man.
Je vais aller rouler avec mes amis, aller courir avec eux.
Alex (sa compagne, ndr) m’a inscrit à un 10 km et un semi-marathon.
La préparation de ce genre d’événements est d’autant plus passionnante que la course en elle-même car on est entourés, on partage des expériences.
C’est un rythme de vie, une hygiène. Mon objectif c’est de finir (l’Iron Man).