Accueil Course au large Vendée Globe
À l’image de Jean Le Cam ou de Damien Seguin qui s’étonnent d’être aussi bien placés sur leurs bateaux à dérives droites face aux Imoca dernière génération, certains s’étonnent du manque de performance des nouveaux foilers.
Christian Dumard, le monsieur météo de cette édition 2020 (avec Sébastien Josse) analyse pour Voiles et Voiliers les difficultés à l’origine de ce début de course relativement lent, avec l’espoir d’une accélération dans le Pacifique.
Si les nouveaux foilers ont considérablement accru la vitesse des Imoca à certains angles, une mauvaise mer peut rapidement limiter leurs performances. | PIERRE BOURAS
Christophe FAVREAU.Publié le 13/12/2020 à 18h00
Six jours de retard au cap Leeuwin par rapport au temps de passage d’Armel Le Cléac’h lors de la précédente édition, c’est ce que prédisait Christian Dumard alors que Charlie Dalin a franchi ce deuxième cap dimanche 13 décembre à 12h25 (heure française).
Nous sommes loin de l’objectif théorique de 67 jours évoqué avant le départ par Alex Thomson. Il faut dire comme le faisait récemment remarquer le directeur de course Jacques Caraës que la météo de ce début de parcours n’a pas épargné les skippers, et plus particulièrement ceux équipés de grands foils qui n’ont pas eu souvent l’occasion d’utiliser le potentiel qu’apportent ces longs appendices.
En 2016-2017, les sept premiers avaient accroché un bon système au large du Brésil
« L’enchaînement des systèmes météorologiques a clairement été sur ce début de course beaucoup moins favorable que lors de la précédente édition », confirme Christian Dumard.
« En 2016-2017, les sept premiers avaient accroché un bon système au large du Brésil et les deux premiers l’avaient gardé très longtemps, jusqu’au cap de Bonne-Espérance quasiment.
Leurs Imoca à foils leur avaient permis d’aller légèrement plus vite que les bateaux de génération précédente, en les aidant à rester un peu plus dans ce système.
Quand une dépression se déplace à 25 nœuds, elle rattrape un bateau filant de 15 nœuds à 10 nœuds de moyenne.
Le delta de vitesse est de 10. Si le bateau avance à 21 nœuds, le delta n’est plus que de 4, cela veut dire que ce bateau plus rapide va rester deux fois et demie plus longtemps dans la dépression. C’est un facteur déterminant », explique Christian Dumard.
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Apprendre à dérégler son bateau
Privés de ces bons enchaînements météorologiques, les foilers nouvelle génération de ce Vendée Globe 2020 n’ont pas pu exprimer leur potentiel sur cette descente de l’Atlantique et l’entrée dans la mer chaotique de l’Indien confirme la difficulté de ces bateaux à progresser vite sur une surface très accidentée.
« Il apparaît que les derniers nés de la classe Imoca ne sont pas vraiment plus rapides que les foilers de première génération tels que ceux de Louis Burton (Bureau Vallée 2) ou Yannick Bestaven (Maître CoQ), qui tiennent de très belles moyennes depuis leur entrée dans les mers du Sud » constate Christian Dumard, en attribuant notamment cette situation à la complexité accrue des nouveaux foilers qui sont plus compliqués que les anciens à faire avancer au-delà de 2,5 mètres de houle.
Malheureusement, depuis que les premiers bateaux sont rentrés dans l’Indien, celle-ci oscille plutôt entre 4 et 6 mètres, ce qui a notamment contraint Charlie Dalin à tenter de trouver la pédale de frein. Il exprimait récemment cette difficulté nouvelle pour lui de devoir trouver le moyen de « dérégler » son bateau pour le ralentir et le préserver.
Voici la carte des prévisions de vagues qui déferlent actuellement dans l’océan Indien.
Depuis leur entrée dans cet océan, les skippers affrontent des vagues de 4 à 6 mètres.
Difficile de progresser rapidement dans ces conditions. | WINDY
Aucune journée à 500 milles pour l’instant
Ainsi les enchaînements météorologiques n’ont jusqu’ici pas été favorables aux premiers, qui ont pris du vent fort deux fois de suite, au niveau du cap de Bonne-Espérance et un peu plus loin dans l’Indien, les obligeant à ralentir et perdre les systèmes.
« C’est un enchaînement dans le mauvais sens en quelque sorte, un enchaînement infernal », souligne Christian Dumard.
« Aucun nouveau foiler n’a fait de journée à 500 milles.
S’ils avaient réussi à atteindre ces moyennes, ils auraient pu mieux jouer avec les systèmes.
Et ils auraient été pour le coup très en avance.
S’ils avaient eu 300 ou 400 milles d’avance lors de la grosse dépression qui les a pris dans l’Indien, ils auraient pu surfer en avant du système, dans une belle houle, avec du vent trois quarts arrière, sur la route directe pour enchaîner en passant sous l’anticyclone au Sud de l’Australie.
Aujourd’hui, il manque juste un peu de vitesse aux premiers pour que les systèmes s’enchaînent mieux.
Le facteur vraiment important est la vitesse relative des phénomènes météorologiques par rapport à la vitesse des bateaux.
Une fois encore, le nœud que l’on gagne en plus donne beaucoup de temps en plus devant le système.
Ce nœud que l’on pensait avoir gagné avec les nouveaux bateaux n’existe pas pour l’instant. De fait, ils sont plus lents que ce que l’on pensait.
Et cela est principalement dû à l’état de la mer selon moi », observe encore le météorologue qui n’est pas surpris du coup de voir les anciens foilers et les bateaux à dérives droites faire quasiment jeu égal pour l’instant.
Vendée Globe. La cartographie pour suivre les skippers
Christian Dumard est en charge des prévisions météo officielles du Vendée Globe pour cette édition 2020-2021. | JEAN-LOUIS CARLI
Un Pacifique plus propice ?
Reste que si cette première partie de l’océan Indien s’est montrée encore plus chaotique qu’à son habitude, le Pacifique sera peut-être plus favorable à une meilleure glisse des foilers.
Le plus vaste océan du monde, s’il peut réserver lui aussi de terribles tempêtes offre généralement une houle longue et mieux organisée.
Les skippers, notamment des nouveaux foilers, auront d’ici-là continué à progresser dans la maîtrise de leurs bateaux. La route est encore longue !