Nicolas Couet – Le 07/11/2024 à 19h29
Vendée Globe 2024: film, rachat, un million de participants… Virtual Regatta, ce jeu qui n’arrête pas de grossir
A l’approche du départ du Vendée Globe dimanche, des centaines de milliers de marins virtuels se préparent à participer à la course par le biais de Virtual Regatta, jeu de simulation à la croissance incessante depuis son lancement en 2008.
En 2020, il avait séduit un million de participants avant d’être racheté par le leader mondial du bridge en ligne quelques mois plus tard.
Le jeu fait désormais partie du paquetage de chaque suiveur ou presque du Vendée Globe.
Pour la cinquième fois, Virtual Regatta va permettre à plusieurs centaines de milliers de marins virtuels de participer à la course au large et en solitaire, dont le départ sera donné ce dimanche aux Sables-d’Olonne.
Le principe est simple: une inscription sur le site, un petit paquetage de départ, un bateau et des conditions météo presque similaires à celles des 40 skippers au départ.
Le but: faire le tour du monde le plus rapidement possible en choisissant la meilleure trajectoire, les voiles les plus adaptées et en trouvant les zones les plus venteuses.
Le tout derrière son smartphone ou son ordinateur.
Des effectifs et des partenariats doublé
Lancé en 2006 par Philippe Guigné, créateur de la société Manyplayers en 2002, le jeu a accueilli plus d’un million de participants lors de la dernière édition en 2020-2021.
« C’est le record mondial absolu de joueurs réunis dans une même partie de jeu vidéo, et c’est un jeu de voile, c’est quand même un truc de dingue », hallucine encore le fondateur.
Ce carton lui a permis de vendre son bébé à 52 Entertainment, leader mondial du bridge en ligne contre un prix « confidentiel » en 2021.
Il lui permet désormais de « profiter » de la vie, son objectif.
« Je suis vraiment câblé entrepreneur », reprend-il.
« Quand j’ai créé cette boîte, le but était de réussir à la vendre et d’arrêter de bosser.
Quand j’ai eu la bonne fenêtre de tir, c’est ce que j’ai fait.
Aujourd’hui, je me spécialise plus dans les échecs, le tennis, je régate, je fais de la croisière. »
Sur un vrai bateau, sa passion.
Au moment de quitter le navire Virtual Regatta, le vainqueur du Tour de France à la voile en 1997 employait entre dix et quinze personnes.
Ils sont désormais 20 employés chargés de faire perdurer la croissance continue du nombre de participants.
Un plébiscite a priori surprenant pour un sport suivi de manière plutôt confidentielle en temps normal.
Mais la fascination des téléspectateurs pour cette grande épopée du Vendée Globe opère.
La facilité du jeu aussi. « Il est très bon et très simple », explique Guigné.
« Le principe de faire la même chose en termes de routage que les marins, d’avoir la vraie météo, la vraie cartographie, un bateau qui a des performances qui correspondent à celles du monde physique, c’est très riche.
L’espèce de miracle, c’est qu’on a réussi à le rendre simple. »
Le million grâce aux confinements
Il loue son côté universel où des marins professionnels côtoient une grande majorité de novices dans la voile.
« On a réussi à faire quelque chose qui s’adresse à tout le monde », se félicite encore le fondateur.
« D‘un côté, il y a ‘Madame Michu’ dans le Cantal qui n’a jamais été sur un bateau de sa vie, et de l’autre Armel le Cléac’h qui a gagné le Vendée Globe.
Et tous ces gens jouent dans la même partie. 50% de nos joueurs déclarent ne jamais naviguer.
Après, il y a le Vendée Globe qui est hyper puissant, c’est un événement génial, très fédérateur, beaucoup de gens suivent la course. Ça booste à mort le jeu. »
Pour l’édition 2024-2025, le challenge promet d’être relevé pour la nouvelle équipe en charge du projet.
Techniquement d’abord avec une « plateforme refondue à 70% », explique Tom Gauthier, directeur général et l’un des trois employés à être restés après le rachat.
Mais aussi en termes d’objectifs avec la barre du million toujours dans le viseur, mais pas aussi facile à atteindre malgré cette insolente croissance.
« 2020, c’était une année de pandémie avec des confinements successifs, des couvre-feux », souligne Tom Gauthier.
« La notion de liberté prenait tout son sens pour ceux qui voulaient un peu s’évader », poursuit-il.
« Une grosse partie de l’industrie du jeu vidéo a profité d’un énorme gain d’audience de manière globale.
On a un petit peu surfé sur cette vague-là.
Ça nous a apporté de la notoriété supplémentaire, il ne faut pas se le cacher.
En 2020, on a placé la barre quand même assez haut.
Et c’est quand même un petit challenge de réussir à atteindre le million cette année. Et moi, j’adorerais. »
A cinq jours du départ, plus de 170.000 personnes étaient inscrites sur le jeu, un chiffre qui augmente chaque jour et qui explosera dimanche.
Il continuera à croitre après le départ puisque les nouveaux arrivants peuvent rejoindre la course à tout moment.
Ils pourront se frotter à des teams de gamers ou des marins chevronnés.
Plusieurs anciens vainqueurs du Vendée Globe et des personnalités médiatiques y avaient pris part il y a quatre ans.
Cette année, cinq participants à la solitaire du Figaro ont, pour le moment, prévu de s’aligner au départ.
Virtual Regatta peut aussi être une passerrelle vers la vraie voile comme ce fut le cas pour Basile Buisson, passé de virtuel à la « vraie » Transat Jacques-Vabre.
Un film sur un joueur de Virtual Regatta depuis son bateau… dans le jardin
Cette popularité attire inévitablement les partenaires.
Avant d’être rachetée, la société s’était déjà associée à la Fédération mondiale (World Sailing) pour proposer toutes les courses Offshore (au large) et Inshore (côtières), comme les régates des derniers Jeux olympiques de Paris 2024.
« Le CIO avait dit publiquement que le partenariat qu’il y avait entre la Fédération mondiale de voile et Virtual Regatta était un exemple à suivre pour les autres éditeurs de jeux et les fédérations », se targue Philippe Guigné.
« C’est un des plus gros succès des jeux qui sont labellisés CIO aujourd’hui. »
Une notoriété qui permet de faire monter la valeur de la société.
Selon les données du site Pappers, la société présentait un chiffre d’affaires de plus trois millions d’euros (3.259.082 euros) en 2021 à la sortie de l’édition remportée par Yannick Bestaven.
Il était en baisse l’année suivante (2.638.402 euros en 2022) sans course.
Le rachat a permis d’allouer des moyens supplémentaires à la gestion stratégique des partenaires, dont le nombre a doublé en trois ans.
« On a plus de personnes dédiées à ça dans l’entreprise aujourd’hui », explique Tom Gauthier.
« On a des partenariats assez variés et plutôt chouettes. »
Il cite des opérations avec Panini, la chaîne YouTube Legend et une grosse partie des sponsors des bateaux.
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Mais aussi avec Pathé dans le cadre de la sortie du film La Vallée des Fous, ce mercredi.
Le long-métrage raconte l’histoire d’un passionné de voile criblé de dettes qui décide de s’isoler trois mois sur son bateau… dans son jardin pour participer au Vendée Globe par procuration aux manettes de Virtual Regatta.
Quand le virtuel ne semble jamais aussi réel.
Nicolas Couet Journaliste RMC Sport