Publié le 03/06/2021

Paris, le jeudi 3 juin 2021 – Dès le titre de son communiqué, la Haute autorité de Santé (HAS) signale le questionnement majeur soulevé par la vaccination des adolescents de 12 à 18 ans contre la Covid.

« La vaccination des adolescents présente des bénéfices individuels et collectifs » clame-t-elle afin de rappeler l’existence de ces bénéfices individuels, qui sont souvent oubliés dans les discours sur le sujet.

Bien sûr, les adolescents connaissent des risques très faibles de formes graves de Covid, confirme la HAS.

« Les données épidémiologies disponibles montrent ainsi que l’infection par le SARS-CoV-2 n’épargne pas les adolescents mais qu’ils sont moins souvent symptomatiques.

Les adolescents développent aussi moins de formes graves de la Covid-19 : en France, 4 295 hospitalisations et 737 admissions en soins critiques ont été répertoriées depuis mars 2020 chez les personnes âgées de moins de 18 ans (1,1% du total des hospitalisations et 0,9% du total des admissions en soins critiques) ».

Néanmoins, la HAS attire l’attention sur les formes longues qui pourraient selon certaines données concerner jusqu’à 15 % des adolescents infectés.

Elle insiste plus encore sur les risques accrus qui concernent les adolescents présentant des comorbidités.

De fait, « la majorité des formes sévères chez les adolescents est associée à la présence d’une comorbidité (entre 45 à 75 % des cas selon les études) ».

Aussi, la HAS préconise dans un premier temps la vaccination des adolescents atteints de comorbidités (les personnes âgées de 16-18 ans dans ce cas sont déjà éligibles à la vaccination).

Elle devrait être suivie de celle des jeunes qui vivent avec une personne vulnérable.

L’importance de la santé mentale confirmée

Le bénéfice individuel « évident » de la vaccination des adolescents est par ailleurs psychosocial, souligne la HAS, « en évitant les fermetures de classes et d’établissements et leurs effets sur la santé mentale et les ruptures d’apprentissage des adolescents ».

Il s’agit d’une argumentation inédite relève avec satisfaction le docteur Alexandre Belot, pédiatre à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon.

« C’est la première fois que l’on va se vacciner pour éviter un risque psychosocial et que l’on considère donc à sa juste place la santé mentale et sociale », relève-t-il cité par Le Monde.

La vaccination des adolescents incontournable pour espérer une immunité collective

Enfin, la HAS signale l’intérêt collectif de la vaccination.

Là encore, l’argumentation peut être nuancée.

La HAS reconnaît en effet que « le rôle des adolescents dans la transmission paraît plus faible que celui des adultes ».

Néanmoins, elle ajoute immédiatement : « il n’est toutefois pas nul et dépend lui-même de la circulation virale ». Les modes de vie des adolescents favorisent en outre les risques de transmission.

En outre, on le sait, l’Institut Pasteur a évalué qu’une couverture vaccinale de 90 % des adultes ou de 80 % de la population totale pourrait seule permettre d’envisager la fin de toutes les mesures de freinage ; des estimations qui pourraient être corrigées en fonction de la contagiosité des variants.

Dès lors, la vaccination des adolescents apparaît incontournable.

Pour le professeur de virologie Vincent Maréchal, interrogé par La Croix si les adolescents ne sont pas vaccinés, « ils s’ajouteront aux adultes réfractaires à la vaccination, ce qui ferait environ 20 millions de personnes non vaccinées, soit un important réservoir d’infections ».

« Si on ne vaccine pas, il va y avoir des poches de population non vaccinées dans lesquelles ce virus va pouvoir continuer à circuler et réinfecter des adultes (…)

Donc il y a une vraie justification » renchérit sur France Inter le professeur Robert Cohen (Hôpital intercommunal, Créteil).

Symboliquement le 15 juin, pragmatiquement à la rentrée

Aussi, la HAS propose-t-elle après la vaccination des adolescents présentant une comorbidité et dès lors que la couverture vaccinale des adultes aura suffisamment progressé (depuis hier la moitié des plus de 18 ans a reçu au moins une dose de vaccin) d’inclure dans la campagne tous les 12-18 ans.

Si, dans une nouvelle manifestation d’une certaine forme de discrédit pour la validation des autorités sanitaires, Emmanuel Macron a devancé hier la publication de l’avis de la HAS et annoncé l’ouverture de la vaccination aux 12-18 ans dès le 15 juin, c’est probablement en septembre, qu’en tout cas pour les plus jeunes, le véritable coup d’envoi sera donné.

Une sécurité qui ne peut souffrir d’inconnues

L’énumération par la HAS des intérêts individuels et collectifs de la vaccination des adolescents suffit-elle à répondre aux enjeux éthiques singuliers de cette vaccination inédite où bénéfice essentiel attendu est collectif ?

Des questions demeurent probablement.

D’abord concernant la sécurité du vaccin qui compte tenu des avantages individuels restreints doit être totale.

La HAS se veut rassurante en invoquant : « les données satisfaisantes de tolérance obtenues chez 2 260 adolescents âgés de 12 à 15 ans, suivis sur une période médiane de 2 mois : la plupart des évènements indésirables rapportés consistaient en des manifestations locales (douleur au point d’injection) ou des symptômes généraux (fatigue, céphalée, frissons, douleurs musculaires, fièvre) et étaient généralement d’intensité légère à modérée ».

Néanmoins, l’EMA reconnaissait elle-même que les données demeuraient encore possiblement trop restreintes pour l’identification d’éventuels effets secondaires rares.

Dans ce contexte, le signal d’un risque de myocardite chez les hommes jeunes est particulièrement surveillé.

Les autorités sanitaires françaises notent qu’il n’est nullement établi que le vaccin de Pfizer/BioNTech soit en cause ; cependant hier, les autorités israéliennes étaient les premières à admettre un lien possible.

Des efforts trop timides pour accroître la couverture des plus à risque ?

On peut également se demander dans quelle mesure la vaccination des adolescents ne peut pas être considérée comme prématurée alors que l’ensemble des adultes vulnérables dans notre pays et notamment les plus de 65 ans n’ont pas tous été vaccinés.

Dans cet esprit, un collectif d’agents du service public Nos services publics s’est ému de l’élargissement de la vaccination à tous les adultes, alors que les efforts pour atteindre une meilleure couverture vaccinale des plus fragiles et pour corriger les inégalités sociales d’accès aux vaccins (les taux de vaccination sont environ de dix points inférieurs dans les territoires les plus défavorisés par rapport à la moyenne nationale) semblent avoir été assez timides.

Ce sentiment semble partagé par un certain nombre d’observateurs, comme le Dr Martin Blachier.

D’une manière générale, un grand nombre de spécialistes semblent s’accorder pour dire que c’est d’abord en assurant la protection des plus vulnérables que l’on peut espérer un réel effet sur la pression hospitalière.

Faut-il aller jusqu’à l’obligation pour ces populations ?

C’est la position soutenue par l’Académie de médecine qui s’est dite en faveur d’une vaccination obligatoire progressive (qui commencerait cependant par les soignants et les professions essentielles avant les plus fragiles), tandis que certains comme le professeur Christian Bréchot (ancien directeur de l’INSERM et de l’Institut Pasteur) ne cachent pas leur adhésion à une vaccination obligatoire des soignants et s’interrogent sur celle des plus âgés. Cependant, la validation juridique d’une telle contrainte pourrait être complexe.

Dans quinze jours, la France deviendra choquante !

Dans la même perspective, comment concilier la vaccination des adolescents dont le risque est très réduit alors que les adultes, notamment les adultes vulnérables, d’un très grand nombre de pays n’ont pas encore eu accès aux vaccins.

Il y a à peine dix jours, probablement en partie en réponse à certaines prises de position américaines, Emmanuel Macron observait sur ce point :

« Nous n’avons pas le droit de stocker les vaccins dans certains pays alors que d’autres en manquent.

Et il est choquant qu’on commence parfois à vacciner les enfants là où on n’a pas encore commencé à vacciner les plus âgés, les plus fragiles dans d’autres pays ».

Ce qui était choquant il y a moins de deux semaines semble l’horizon à quinze jours de la France.

Nous sommes toujours dans le « Et en même temps ».

La pression du monde

Il faut dire que les exemples des autres pays ont probablement influencé le Président de la République.

L’Allemagne a en effet annoncé la vaccination de ses adolescents à partir du 7 juin, tandis que l’Italie a également donné son feu vert à l’immunisation des plus jeunes hier.

Aux États-Unis, six millions de 12-18 ans ont déjà reçu une première dose de vaccin, tandis que depuis le 10 mai, un quart des nouvelles vaccinations a concerné des sujets âgés de 12 à 15 ans.

Les campagnes américaine et canadienne serviront d’ailleurs probablement de banc d’essai pour la France comme le reconnaît un des experts de la HAS, cité par Le Monde.

« Attendre septembre nous permettra aussi d’observer ce qui se passe aux Etats-Unis et au Canada ».

Quel effet dans un pays où l’adhésion à la vaccination reste fragile ?

La rapidité avec laquelle la décision semble avoir été prise par les autorités françaises semble suggérer une forme de confiance solide.

Pourtant, il s’agit d’un choix risqué dans un pays où l’adhésion à la vaccination est fragile.

Quelle pourrait être la répercussion sur les autres vaccinations de complications confirmées ou ne serait-ce que redoutées ?

A cet égard, il pourrait être utile que les autorités françaises se penchent rapidement sur la possibilité d’une co-administration du vaccin Covid avec d’autres vaccins chez les adolescents que les CDC aux États-Unis ont considéré sans contre-indication.

Autoriser les co-administrations pourrait en tout cas être un levier important, puisqu’elles pourraient faciliter le dialogue entre les praticiens et les familles.

La conviction de ces dernières est la clé alors que selon le dernier volet de l’enquête CoviPrev réalisé fin mai, 47 % des parents d’enfants de moins de 17 ans se disaient favorables à leur vaccination.

Aurélie Haroche

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