Par Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne

une femme atteinte de polyarthrite rhumatoïde Profession Santé logo 25/01/2022

L’action d’une protéine qui se retrouve naturellement dans l’intestin agit sur la flore intestinale et provoque la formation de molécules qui aggravent les symptômes de maladies inflammatoires comme l’arthrite, ont constaté des chercheurs de l’Université Laval.

Cette découverte pourrait un jour mener à la mise au point de nouvelles thérapies pour combattre des problèmes de santé qui affligent des millions de personnes à travers le monde.

Les chercheurs savent depuis des dizaines d’années que la protéine en question, la phospholipase A2-IIA, est associée à une plus grande prévalence de la polyarthrite rhumatoïde ou à une plus grande sévérité de la maladie, a dit l’auteur de l’étude, le professeur Éric Boilard de la faculté de médecine de l’Université Laval.

On a supposé pendant des années que la protéine se liait aux cellules du corps humain pour en libérer des molécules favorisant l’inflammation, ce qui aggravait ensuite les symptômes, mais cela n’était pas le cas.

« Cette protéine-là n’a aucune efficacité à libérer des molécules inflammatoires à partir des cellules de notre corps, a précisé M. Boilard, qui est aussi chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.

Avec le temps, on a vu qu’elle était plutôt efficace pour se lier à la membrane des bactéries et en libérer des molécules de petits lipides. »

Puisque c’est dans l’intestin qu’on retrouve les plus grandes quantités de cette protéine; puisque la protéine agit sur les bactéries; puisqu’elle amplifie l’arthrite; et puisque de plus en plus de recherches témoignent d’une association claire entre la flore intestinale et une susceptibilité à une maladie immune comme l’arthrite, il y avait là une piste intrigante pour les chercheurs à explorer.

Ils ont créé une lignée de souris transgéniques capables de produire du phospholipase A2-IIA.

En vieillissant, a dit M. Boilard, ces souris ont développé spontanément des manifestations d’inflammation systémique chronique.

« C’est par un complet hasard qu’on a remarqué que les souris qui exprimaient fortement la protéine à l’intestin avaient spontanément des problèmes inflammatoires », a admis M. Boilard.

Preuve définitive

Une fois cette découverte faite, les chercheurs ont pu confirmer que la présence simultanée dans l’intestin de bactéries et de phospholipase A2-IIA mène à l’apparition de lipides qui ne sont pas vus chez des souris en santé et à une arthrite plus sévère.

Fait rare en science et en recherche, M. Boilard n’hésite pas à parler d’une « preuve définitive ».

« On a pu démontrer qu’en effet, la protéine a un effet sur les micro-organismes dans l’intestin, et que cet effet-là stimulait l’inflammation dans la maladie, a-t-il dit.

Avec les preuves que nous avons dans un modèle animal, je suis à l’aise de dire que ce mécanisme-là aggrave la sévérité de l’arthrite. »

Si on enlève la protéine, on réduit l’arthrite dans le modèle animal, poursuit-il, et si on enlève les bactéries, on réduit aussi l’arthrite.

« On a vraiment pu démontrer que la combinaison de ces deux éléments-là aggrave l’arthrite », a répété M. Boilard.

Les patients qui souffrent d’une arthrite plus sévère pourraient présenter des facteurs génétiques qui mènent à une plus grande expression de cette protéine dans leur intestin.

On pourrait donc envisager un jour le développement de thérapies conçues spécifiquement pour eux, dans l’esprit de la médecine personnalisée ou de la médecine de précision.

Les détails de cette étude sont publiés par la revue scientifique Journal of Clinical Investigation-Insight.

Dans un autre article publié simultanément par le même journal, des chercheurs japonais démontrent que l’action du phospholipase sur le microbiote intestinal de souris a aussi des répercussions sur le psoriasis, une autre maladie inflammatoire, ainsi que sur le cancer de la peau.

En discutant avec leurs collègues japonais, les chercheurs québécois ont constaté qu’on « avait des observations super similaires qui concordaient, nous avec l’arthrite, puis eux avec une inflammation de la peau », a indiqué M. Boilard.

« Je trouve ça encore plus enrichissant quand il y a deux groupes qui tombent sur (les mêmes conclusions), comme quoi une protéine de l’organisme de l’hôte puisse modifier le microbiote pour stimuler les réponses soit au niveau de l’inflammation, de la peau ou des articulations, a-t-il dit. On était tombés sur la même chose par hasard. »

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