https://www.egora.fr/sites/egora.fr/files/styles/290x200/public/visuels_actus/coeurrrrre_2.jpeg?itok=3MOjNQo2 egora.fr RECHERCHE    Par A.M. le 20-08-2018     [avec AFP]

L’étude, menée par des chercheurs d’Harvard, a porté sur plus de 500.000 personnes admises en urgence à l’hôpital pour un infarctus du myocarde aigu en Floride entre 1991 et 2010. Ils ont constaté une différence « saisissante » en matière de survie en fonction du genre du médecin.

Près de 12% des patients meurent après avoir été traités en urgence pour une crise cardiaque. Mais associer une patiente avec un médecin féminin a « réduit la probabilité de décès de 5,4% par rapport à cette référence » selon les conclusions publiées dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).

De précédentes études avaient montré que les femmes étaient davantage susceptibles de succomber à une crise cardiaque que les hommes. Certains experts ont suggéré que c’est parce que les symptômes des femmes sont différents de ceux ressentis par les hommes, ou qu’elles ont tendance à attendre davantage que les hommes avant de se faire soigner.

L’étude de Harvard avance une explication supplémentaire : « La plupart des médecins sont des hommes et les médecins masculins ont des difficultés à soigner les patientes ». Ils ont par ailleurs déterminé que plus un médecin masculin avait soigné de femmes au cours de sa carrière, moins ses patientes étaient susceptibles de trépasser. Mais « étant donné le coût (humain) de l’apprentissage des médecins masculins sur le tas, il pourrait être plus efficace d’augmenter la présence de médecins femmes » dans les services d’urgence, ont-ils suggéré.

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Medscape Logo mardi 21 août 2018  ACTUALITÉS & OPINIONS FORMATION MÉDICALE CONTINUE

Arrêt cardiaque : meilleure survie chez les femmes prises en charge par des médecins femmes

Stéphanie Lavaud AUTEURS ET DÉCLARATIONS  17 août 2018

Minneapolis, Etats-Unis – En arrêt cardiaque, est-on mieux soigné par une femme ou un homme ? Le sexe de la victime a-t-il une influence ? Ces questions peuvent paraître surprenantes – voire incongrues – et pourtant…

L’analyse de 582 000 cas d’arrêt cardiaque sur une durée de 19 années montre que les femmes ont une survie significativement plus élevée quand… une femme s’occupe d’elle aux urgences. Très précisément, les femmes ont une meilleure survie lorsqu’elles baignent dans un environnement médical féminin, un médecin homme entouré de collègues femmes – ou mieux, quand elles sont face à une femme médecin.

Originalité de la publication : le travail a été mené à la croisée de plusieurs disciplines. Car bien que traitant d’une thématique médicale – l’arrêt cardiaque – et publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences, l’étude a été réalisée non pas par des scientifiques mais par 3 économistes et stratégistes (2 hommes et 1 femme) issus de grandes écoles de commerce [1].

Mêlant sciences sociales et médicales, l’hypothèse posée et les conclusions obtenues interpellent.

La question du « gap gender »

« Les gens, encore aujourd’hui, ont du mal à imaginer qu’une femme puisse être victime d’un arrêt cardiaque, même si nous représentons 40% de l’effectif », témoignait le Dr Nicole Karam (HEGP) interrogée par Medscape en 2016 à l’occasion d’une étude française témoignant d’une moins bonne priseen charge des femmes lors d’un arrêt cardiaque. Son travail montrait que les patientes ont moins de chances de recevoir un massage cardiaque en cas d’arrêt cardiaque devant témoin, et sont moins fréquemment orientées vers l’angiographie d’emblée lors de l’admission à l’hôpital. D’autres études ont, elles, montré que les femmes sont moins susceptibles de survivre à un arrêt cardiaque que les hommes.

De nombreux facteurs ont été évoqués pour expliquer ce « gap » : les femmes présentent des symptômes qui diffèrent de ceux des hommes, consultent ou avertissent les secours avec retard, sont plus compliquées à prendre en charge. En parallèle, il a aussi été démontré que les femmes médecins sont « meilleures » que leurs collègues masculins.

Partant de ces différentes constatations, les 3 auteurs se sont demandés si la concordance de genre entre médecins et patients pouvait expliquer les issues différentes de l’arrêt cardiaque chez les hommes et les femmes qui en sont victimes. L’hypothèse, qui peut sembler étonnante vue du monde médical, s’appuie sur de nombreuses observations tirées d’études en sciences sociales et s’intéressant aux biais qui se créent à l’intérieur d’un groupe et aux difficultés de communication qui résultent des caractéristiques (hiérarchiques, de genre, etc) des individus au sein d’un espace de travail.

« Les interactions interpersonnelles, que vous soyez un médecin, un patient, un manager ou un employé, sont le cœur de l’organisation » considère l’un des auteurs, Seth Carnahan, dans le communiqué de l’école de commerce où il exerce (Olin Business School, Washington University, St. Louis) [2].

Meilleure survie des femmes prises en charge par des femmes

L’équipe a analysé des données anonymes (issues de 582000 patients) des hôpitaux de Floride entre 1991 et 2010. Ils ont tenu compte de facteurs comme l’âge, l’origine ethnique, et l’histoire médicale des patients, le type d’hôpital, etc…

Les interactions interpersonnelles, que vous soyez un médecin, un patient, un manager ou un employé, sont le cœur de l’organisation – Seth Carnahan

En considérant tous ces facteurs et en utilisant différents modèles statistiques décrits dans la publication [1], les chercheurs ont montré que les femmes avaient moins de chance de survivre à un arrêt cardiaque que les hommes et que ce « gender gap » en termes de taux de survie était plus grand chez les médecins hommes.

En clair, quand il s’agissait de patients pris en charge par des femmes médecins, la « différence de genre » en termes de survie était de 0,2%, autrement dit, 11,8 % des hommes en arrêt cardiaque décédaient versus 12% des femmes. Alors que lorsque les patients étaient pris en charge par des hommes médecins, l’écart de survie était plus que triplé, s’établissant à 0,7%, ce qui revient à dire que lorsqu’ils étaient pris en charge par des hommes, 12,6% des hommes mourraient vs. 13,3% des femmes [2].

Pour affiner leurs résultats, les auteurs ont listé les facteurs en faveur de la survie des patientes et ont établi qu’elle augmentait avec le pourcentage de femmes dans le service des urgences – en particulier si le médecin en chef était un homme – et que le « biais masculin » déclinait aussi avec le nombre de patientes que le praticien avait pris en charge auparavant.

Quelles implications ?

Pourquoi l’inégalité de genre persiste-t-elle au décours de la prise en charge des infarctus en phase aiguë ? Les chercheurs font une réponse assez directe : « la plupart des médecins sont des hommes, écrivent-ils, et les médecins hommes semblent avoir du mal quand il s’agit de soigner des femmes. (Most physicians are male, and male physicians appear to have trouble treating female patients) ».

« Le fait que la concordance de genre (les hommes traitant les hommes et les femmes traitant les femmes) soit corrélée avec la survie après arrêt cardiaque a des implications théoriques et pratiques, poursuivent-ils.

  • Le personnel médical doit être conscient des défis auxquels doivent faire face les professionnels de santé hommes lorsqu’ils prennent en charge une femme en arrêt cardiaque – comme, par exemple, le fait que les symptômes diffèrent chez l’homme et la femme ou que les femmes tardent à consulter ;
  • Puisque la mortalité chez les femmes diminue quand les médecins ont traité de nombreuses femmes, et compte-tenu du poids financier de cet apprentissage, il serait coût-efficace d’accroître la présence des femmes aux Urgences, écrivent les économistes. Une observation qui corrobore des travaux précédents sur la question des origines ethniques en médecine, montrant que la présence de médecins issus des minorités dans les hôpitaux est un point crucial, ajoutent-ils.
  • Enfin, ajoutent-ils, tout ceci sous-tend la nécessité d’accroître la formation des médecins de façon à s’assurer qu’ils ne considèrent plus l’arrêt cardiaque soudain comme une maladie de l’homme, ce qui est encore souvent le cas dans la communauté médicale et les médias.

La plupart des médecins sont des hommes et les médecins hommes semblent avoir du mal quand il s’agit de soigner des femmesLes auteurs

Tout un champ de recherches qui s’ouvre

Laura Huang (Harvard University, Boston), instigatrice de l’étude, et ses deux collègues, en concluent qu’il reste encore beaucoup à faire pour comprendre le mécanisme précis qui fait de cette concordance des genres un point si important, en particulier pour les patientes de sexe féminin, et invitent à mener des recherches incluant « des interventions pratiques ou des épreuves en lien avec un apprentissage ciblé, pour voir si présenter plus souvent des cas cliniques de femmes à des hommes médecins change la donne sur la survie ».

Autre limite de l’étude – si l’on peut dire – « on ne peut omettre la variable suivante, non étudiée ici, à savoir que les femmes-médecins ont tendance à être meilleures que leurs confrères masculins dans tout un tas de domaines, reconnaissent les auteurs. Si les patientes de sexe féminin sont plus difficiles à diagnostiquer et à traiter, les résultats que nous avons obtenus reflètent peut-être aussi le fait que les médecins les plus doués (i.e. les femmes) ont potentiellement un meilleur « retour sur investissement » de leur qualité professionnelle quand elles prennent en charge les patients les plus difficiles, c’est-à-dire les patientes.

Au final, « c’est tout un champ de recherches qui s’ouvre – lequel consistera aussi à étudier le rôle joué par le personnel infirmier, les internes et les autres médecins susceptibles d’être présents et/ou d’apporter de l’information et de l’aide au médecin superviseur, considèrent les auteurs Nous n’avons pas été capables d’observer l’effet de ces acteurs dans notre étude, mais dans un prochain travail, observer leurs rôles au sein de l’équipe pourraient améliorer la compréhension sur la façon dont la coordination prend forme entre les professionnels de santé et influe sur la concordance de genre médecin/patient et la survie » concluent-ils.

On ne peut omettre la variable suivante, non étudiée ici, à savoir que les femmes-médecins ont tendance à être meilleures que leurs confrères masculins dans tout un tas de domaines Les auteurs

Et en Europe ?

Ces résultats sont-ils transposables à l’Europe ? Interrogé par The Guardian, le Dr Chris Gale, professeur de médecine cardiovasculaire à l’Université de Leeds, non impliqué dans l’étude ci-dessus mais qui a travaillé sur ce sujet, a souligné l’intérêt du travail mais fait remarquer qu’il s’appuyait sur des données américaines et qu’il n’était pas certain que l’on observe la même tendance dans d’autres systèmes de soins [3].

Il a cependant ajouté que l’idée persistante que l’arrêt cardiaque survient que l’homme de la cinquantaine qui cumule les facteurs de risque (tabac, surpoids, diabète, etc) désavantage les femmes et a rappelé que les femmes sont, elles aussi, victimes d’arrêt cardiaque, avec ou sans facteurs de risque, et que leurs symptômes peuvent effectivement différer de ceux des hommes.

Halte aux préjugés !

La Fédération française de cardiologie n’a eu de cesse ces dernières années de vouloir changer les mentalités, et y a consacré deux campagnes, à l’instar de ce clip de 30 secondes réalisé par Maïwennjouant sur les idées reçues et rappelant à tous que contrairement à ce que l’on pourrait penser, les maladies cardio-vasculaires ne touchent pas uniquement les hommes et que le nombre de femmes jeunes atteintes ne cesse de s’accroître : ces maladies représentent aujourd’hui la première cause de mortalité chez les femmes !

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Citer cet article: Arrêt cardiaque : meilleure survie chez les femmes prises en charge par des médecins femmes – Medscape – 17 août 2018.