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PAR DR IRÈNE DROGOU – PUBLIÉ LE 16/10/2019
Crédit photo : PHANIE
Dans quelle mesure la testostérone influence-t-elle les performances féminines ? Une petite étude suédoise randomisée en double aveugle, la première du genre, apporte des éléments de réponse à cette question polémique, jusqu’à présent assez peu documentée.
Dans le « British Journal of Sports Medicine », l’équipe coordonnée par Angelica Linden au Karolinska Institutet à Stockholm montre chez 48 jeunes femmes en bonne santé de 18 à 35 ans que les performances en aérobie sont significativement meilleures dans le groupe testostérone (10 mg/jour en crème pendant 10 semaines) par rapport au groupe placebo.
Ainsi, en aérobie, le temps de course jusqu’à épuisement, qui était le critère principal, s’est révélé significativement augmenté de 21,17 secondes par rapport au placebo. De plus, l’application quotidienne de testostérone s’est également accompagnée d’un accroissement de la masse maigre totale, passant de 135 g dans le groupe placebo à 923 g dans le groupe testostérone, et en particulier de la masse maigre dans les membres inférieurs passant de 91 g à 398 g.
Une controverse internationale
Une controverse internationale agite les milieux sportifs depuis quelques années pour savoir s’il est « juste d’autoriser les personnes hyperandrogéniques avec des taux de testostérone élevée à concourir contre des femmes ayant des taux d’androgènes normaux », écrivent les auteurs.
Si certaines femmes ayant un taux de testostérone élevé et des récepteurs aux androgènes normalement sensibles développent de meilleures performances physiques, des scientifiques et des défenseurs des droits de l’homme estiment qu’un individu né, élevé et considéré comme une femme devrait être autorisée dans la catégorie féminine quel que soit son niveau de testostérone.
De meilleures performances même pour un taux autorisé < 5 nmol/L
Juste avant les jeux Olympiques de 2012, l’Association internationale des fédérations d’athlétisme (IAAF) a publié une réglementation autorisant les athlètes hyperandrogéniques aux récepteurs aux androgènes normaux à concourir après avoir baissé leur taux endogène de testostérone à < 5 nmol/L. Les taux normaux de testostérone peuvent varier d’un laboratoire à l’autre ; dans l’étude, il est indiqué que chez une femme il est compris entre 0,1-1,8 nmol/L et ne doit pas chevaucher l’intervalle normal pour un homme (7,7-29,4 nmol/L).
Après une suspension de cette réglementation en 2015, le Tribunal arbitral du sport, qui demandait davantage de preuves scientifiques, l’a réintroduite un peu plus tard pour les troubles de la différenciation sexuelle qui sont rares mais surreprésentés (facteur 140) parmi les athlètes de haut niveau. De plus, l’hyperandrogénie modérée, comme le syndrome des ovaires polykystiques, est également très fréquente parmi les athlètes, notent les auteurs.
Un argument en faveur d’une réglementation
Le travail suédois montre qu’une exposition de courte durée à la testostérone améliore significativement les performances en aérobie mais pas celles en anaérobie (Wingate test, force musculaire et saut). Alors que « l’effet physiologique de la testostérone est le même que la source soit exogène ou endogène », précisent les auteurs, le taux de testostérone a augmenté de 0,9 nmol/l dans le groupe placebo à 4,3 nmol/l dans le groupe testostérone, ce qui est « clairement en dessous du seuil masculin », est-il souligné.
Pour les auteurs, ces nouveaux résultats sont loin d’être insignifiants « dans la discussion en cours sur la légitimité d’autoriser les athlètes avec des taux naturellement élevés à concourir dans la catégorie féminine sans réduire leur concentration hormonale dans la fourchette féminine ».
Dr Irène Drogou
Endocrinologie-Métabolisme Sport
Source : lequotidiendumedecin.fr