Coline Garré   | 31.05.2019

plats cuisinésLe Quotidien du Médecin

Crédit Photo : Phanie Zoom

On connaissait les liens entre consommation d’aliments ultra-transformés et le risque accru de dyslipidémie, surpoids, obésité, hypertension artérielle ; la cohorte française NutriNet-Santé avait même fait état d’un lien avec les cancers, en particulier, du sein.

À cette longue liste des risques liés à la consommation de produits ultra-transformés, il faut rajouter ceux de maladies cardiovasculaires, en particulier, coronariennes et cérébro-vasculaires, démontre une étude du Dr Bernard Srour sous la direction du Dr Mathilde Touvier, publiée le 30 mai, dans le « British Medical Journal ».

Les chercheurs de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle EREN * se sont penchés sur la consommation alimentaire de quelque 105 159 personnes, inscrites dans la cohorte NutriNet-Santé, qui a démarré en 2009. Leur consommation alimentaire habituelle a été évaluée à l’entrée de l’étude, grâce à des enregistrements de 24 heures (6 en moyenne par participant), portant sur 3 000 aliments et boissons. Ceux-ci ont été classés selon les 4 groupes de la classification Nova, en fonction du degré de transformation industrielle, de « peu ou pas transformé » à « ultra transformé »(via des procédés comme l’hydrogénation, l’hydrolyse, l’extrusion, la friture).

En l’occurrence, les aliments ultra-transformés consommés par les participants de l’étude étaient des produits sucrés (à 28 %), des fruits et légumes (avec additifs ou conservateurs, par exemple dans les sauces, les soupes en poudre) (18 %), des boissons (comme les sodas, 16 %), les féculents et céréales pour le petit-déjeuner (12 %), les œufs, poissons et viandes (saucisses, jambon, nuggets, steaks végétaux reconstitués 11 %) ou encore les produits laitiers.

Augmentation de 12 % du risque de maladies cardiovasculaires

Au cours du suivi (de 5 ans en moyenne), ont été observés 1 409 cas de maladies cardiovasculaires, dont 665 maladies coronariennes, et 829 pathologies cérébro-vasculaires. Dans le détail, l’étude rapporte 106 infarctus du myocarde, 485 angioplasties, 74 syndromes coronariens aigus, 155 AVC, et 674 accidents ischémiques transitoires.

Les chercheurs ont retrouvé qu’une augmentation de 10 points de la proportion d’aliments ultra-transformés dans les régimes (par exemple, entre une personne dont l’alimentation comprendrait 15 % de produits ultra-transformés, et une autre, 25 %) était associée à une augmentation de 12 % de maladies cardiovasculaires, de 13 % de maladies coronariennes, et de 11 % maladies cérébrovasculaires.

Au moins quatre hypothèses d’explication

« Cette étude ne permet pas à elle seule d’établir un lien de cause à effet », précise la Dr Mathilde Touvier.

Néanmoins, plusieurs hypothèses pourraient expliquer ces résultats. D’abord, les produits ultra-transformés présentent souvent une moindre qualité nutritionnelle. Ils sont plus riches en calories, sel, et sucres, pauvres en fibres et en vitamines, et associés à une réponse glycémique plus élevée.

En outre, ces produits contiennent généralement des additifs. « Il ne s’agit pas de diaboliser les 350 additifs présents sur le marché. On manque encore de données chez l’homme. Mais les études expérimentales sur des modèles animaux ou cellulaires suggèrent des risques liés aux sulfites, au glutamate, aux émulsifiants ou aux édulcorants », explique la Dr Touvier.

Autre piste d’explication, des composés néoformés peuvent apparaître lors de la cuisson à haute température des aliments, comme l’acrylamide (dans les frites, biscuits, pain, café) ou l’acroléine (dans les saucisses ou caramels), pour lesquelles des études ont montré une association avec un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires.

Enfin, les produits ultra-transformés sont susceptibles d’être contaminés par les matériaux dans lesquels ils sont contenus (par ex, bisphénol A).

Appel à volontaires pour les nouveaux programmes de NutriNet-Santé

L’équipe EREN lance de nouveaux programmes de recherche sur les additifs (et leur potentiel effet cocktail) ou l’exposition alimentaire aux pesticides… nécessitant de nouveaux volontaires pour participer à l’étude NutriNet-Santé.

D’ores et déjà, ces résultats plaident pour une politique de santé qui ne se contente pas d’appeler à une reformulation des produits par l’industrie alimentaire, mais qui promeuve l’accès et la disponibilité des aliments peu ou pas transformés, écrit le Pr Mark A. Lawrence (Université Deakin, Australie) dans l’éditorial du BMJ.

Y est aussi publiée l’étude de Maira Bes-Rastrollo (Université de Navarre, Pampelune, Espagne) et ses collègues, qui montre, sur la base de la cohorte Sun (19 899 personnes) qu’une consommation plus élevée d’aliments ultra-transformés (plus de 4 portions par jour) est associée à un risque accru de mortalité toute cause confondue de 62 % comparativement à une consommation moindre (moins de 2 portions par jour). Chaque portion journalière supplémentaire augmentait le risque de mortalité de 18 %.

En France, le Haut conseil de la santé publique préconise de réduire de 20 % la consommation d’aliments ultra-transformés d’ici 2022.

Inserm, Inra, Université Paris 13, et CNAM

Srour et al, BMJ, do 101136, 2019 

Source : Lequotidiendumedecin.fr

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BFMTVSanté    30/05/2019 

Les aliments ultra-transformés augmentent le risque de mortalité, selon deux études

https://www.bfmtv.com/sante/les-aliments-ultra-transformes-augmentent-le-risque-de-mortalite-selon-une-etude-1702127.html?xtor=EREC-13-%5bN-BFMTV%20Quoti%5d-20190530

Des plats préparés dans les rayons d'une grande surface à Lyon, en novembre 2016 (PHOTO D'ILLUSTRATION).Des plats préparés dans les rayons d’une grande surface à Lyon, en novembre 2016 (PHOTO D’ILLUSTRATION). – JEFF PACHOUD / AFP

La consommation régulière de plats ultra-transformés ou de sodas se révèle être associée à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, d’obésité, d’hypertension artérielle, voire de cancers, d’après deux études européennes.

L’abus de plats industriels « ultra-transformés » augmente le risque cardiovasculaire et de décès, suggèrent deux études européennes menées auprès de plus de 120.000 personnes et publiées jeudi.

Obésité, hypertension, cancer

Ces nouvelles études parues dans le British Medical Journal (BMJ)., même si elles ne permettent pas de démontrer un lien direct de cause à effet, renforcent les arguments de travaux précédents liant les plats hautement transformés à un risque accru d’obésité, d’hypertension artérielle, voire de cancers.

La nouvelle étude française de l’Inserm dirigée par la Dr Mathilde Touvier porte sur plus de 100.000 participants, en majorité des femmes, participant à l’étude NutriNet-Santé (suivis entre 2009 et 2018, sur six ans maximum). Elle a évalué la consommation de 3300 aliments et boissons, classés selon leur degré de transformation industrielle.

La consommation d’aliments ultra-transformés s’est révélée être associée à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires (1409 cas sur les 105.159 participants), et en particulier de maladies coronariennes (665 cas) et de maladies cérébro-vasculaires (829 cas).

Une augmentation de 10 points de pourcentage d’aliments ultra-transformés dans la nourriture  – en passant par exemple de 15% à 25%  – est associée à une augmentation de 12% du risque de maladies cardiovasculaires (13% pour les maladies coronariennes et 11% pour les AVC et leur forme transitoire).

Risque supérieur associé à l’alcool et le tabac

« L’étude ne permet pas à elle seule de conclure à un lien de cause à effet, mais l’association entre aliments ultra-transformés et risque de maladies cardiovasculaires est statistiquement significative en tenant compte des autres caractéristiques des participants (tabac, alcool, niveau d’activité physique, statut socio économique, âge, sexe, poids etc.) », précise Mathilde Touvier.

« Par exemple, à statut tabagique, niveau d’activité physique et poids équivalents, les personnes qui avaient une proportion d’aliments ultra-transformés dans leur alimentation  plus élevée avaient plus de risque de développer une maladie cardiovasculaire », ajoute-t-elle.

Consommation régulière

L’étude de Maira Bes-Rastrollo (Université de Navarre, Pampelune, Espagne) et ses collègues évalue les associations possibles entre l’ingestion d’aliments ultra-traités et le risque de décès quelle qu’en soit la cause. Elle porte sur 19.899 diplômés universitaires espagnols (dont 12.113 femmes) âgés en moyenne de 38 ans. Là aussi, les aliments ont été regroupés selon le degré de transformation et les décès ont été dénombrés sur une moyenne de 10 ans.

Selon cette étude, une consommation plus élevée d’aliments ultra-transformés (plus de 4 portions par jour) est associée à un risque accru de mortalité toutes causes confondues de 62 % comparativement à une consommation moindre (moins de 2 portions par jour).  Chaque portion journalière supplémentaire d’aliments ultra-transformés, augmentait le risque de mortalité de 18 %.

« Il ne faut pas être alarmiste et dire que si on consomme de temps en temps un plat ultra-transformé ou un soda, on augmente son risque de faire un accident cardiaque de 12%. C’est la consommation régulière qui importe », souligne Docteur Touvier qui, comme ses collègues, prône la consommation d’aliments bruts (légumes, fruits, poisson, lentilles, noix…).

Plus riches en sel, en graisses saturées

Des aliments sont considérés ultra-transformés quand ils ont subi des procédés industriels de transformation (huile hydrogénée, amidon modifié, etc.) et contiennent de nombreux ingrédients, notamment des additifs.

Un plat préparé, sans additifs, congelé ou pas, n’en fait pas partie. Mais la plupart des plats prêts à réchauffer, les sodas sucrés ou contenant des édulcorants, les « steaks » végétaux reconstitués avec additifs, les saucisses, les soupes en poudre et les snacks en général en font partie.

Ils sont généralement plus riches en sel, graisses saturées, sucre et pauvres en vitamines et en fibres, selon les chercheurs. S’y ajoutent des contaminants provenant des emballages et des contenants en plastique. Ce type d’aliments représente plus de la moitié des apports énergétiques dans de nombreux pays occidentaux, selon l’Inserm.

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Esther Paolini avec AFP