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En janvier 2020, le monde sportif a été secoué par les révélations de la championne de patinage Sarah Abitbol, violée par son ancien entraîneur Gilles Beyer, à peine âgée de 15 ans.

Le livre qu’elle a co-écrit avec la journaliste Emmanuelle Anizon, « Un si long silence », a été adapté en documentaire.

Il est diffusé mercredi 11 mai sur France 2, dans le cadre d’une soirée consacrée aux violences dans le sport.

Entretien avec Emmanuelle Anizon, grand reporter à L’Obs.

France 2 retrace le parcours de Sarah Abitbol, à l'origine du #Metoo dans le sport

Sarah Abitbol revient sur son histoire dans le documentaire « Un si long silence », mercredi 11 mai à 21 h 10. | FRANCE TÉLÉVISIONS

Ouest-France Marie MOUSSIÉ. Publié le 11/05/2022 à 06h53

Deux ans après les révélations sur les viols subis par son entraîneur, la patineuse Sarah Abitbol revient sur son histoire et les bienfaits de la parole libérée dans un documentaire réalisé avec la journaliste Emmanuelle Anizon.

Deux ans après la publication du livre Un si long silence, vous présentez ce documentaire. Pourquoi ?

On a jeté un gros pavé dans la mare avec le livre, maintenant on veut raconter l’effet de la parole qui se libère.

L’ouvrage a provoqué une libération de la parole qui a abouti à 700 signalements, des fédérations touchées…

Et des sportifs qui, pour la première fois, parlent.

On a la chance de pouvoir le faire passer via le service public en prime time, pour toucher un autre public.

Une nouvelle fois, vous avez donc collaboré avec Sarah Abitbol…

Faire trois jours complets d’interview a été très dur pour elle.

Quand on a commencé à aborder les viols qu’elle a subis, elle a physiquement ressenti le traumatisme.

Elle faisait des nuits blanches et des cauchemars lui revenaient.

Elle venait avec les traits tirés et, comme elle le dit, « avec le corps qui brûle partout ».

Mais pour Sarah comme pour moi, il fallait faire ce documentaire.

Cela voulait dire un effort, et Sarah était très volontaire pour le faire.

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Ce qui est frappant dans ce documentaire, c’est que de la mère de Sarah Abitbol à la ministre des Sports, tout le monde pleure ou presque.

Les interviews ont duré plusieurs heures.

Nous sommes allés au cœur du sujet et ça a remué des choses en chacun.

Le témoignage de Stéphane Bernadis (ex-patineur et ex-compagnon de Sarah Abitbol) était bouleversant.

Quand je l’ai rencontré pour écrire le livre, il n’a pas voulu participer.

Quand il l’a lu, il a compris à côté de quoi il était passé.

Pendant l’interview, il a eu deux nouvelles prises de conscience : le fait d’avoir complètement sous-estimé les ravages dans le corps de Sarah, et donc les ravages sur leur vie de couple, puis dans leurs carrières.

Il a réalisé pourquoi elle se comportait de telle façon, pourquoi avait peur de tout et qu’elle a sombré.

Il est maintenant père d’une fille.

On le voit s’écrouler à plusieurs reprises dans le film et c’est parce qu’il mesure, en tant que papa, l’importance de cette parole, de la prévention et de ce que Sarah fait pour aider d’autres femmes.

Après #MeToo, la société est prête à les écouter et à accompagner les victimes. — Emmanuelle Anizon

Et c’est donc le cas, puisque d’autres sportives témoignent dans le documentaire ?

Hélène Godard (ex-patineuse violée par Gilles Beyer), qui témoigne dans le documentaire, n’avait jamais parlé de ce qui lui est arrivé à ses enfants et à sa famille.

La cavalière Audrey Larcade, qui témoigne très rapidement dans le film, le répète tous les jours : elle se sent libérée d’avoir parlé pour la première fois et maintenant elle croque la vie.

Elle en était incapable avant. Mais après #MeToo, la société est prête à les écouter et à accompagner les victimes.

Aujourd’hui, comment va Sarah Abitbol ?

Beaucoup mieux. Quand je l’ai rencontrée, elle était dans une honte totale. Aujourd’hui, elle n’a plus honte.

C’est quelqu’un qui nous parle de ce qui lui est arrivé, droite, les yeux dans les yeux.

Elle prend moins d’anti-dépresseurs. Elle a des projets professionnels en pagaille qu’elle n’avait pas autrefois.

Elle n’avait rien, elle était déprimée dans son canapé en train de crever, vraiment !

Ce n’est plus la même femme aujourd’hui. C’est pour ça qu’elle veut dire aux gens de parler.

Elle en voit les bénéfices dans sa propre vie. Ça ne veut pas dire que c’est facile !

Le moment de la parole est douloureux et là, il faut être accompagné.

Il y a des hauts et des bas, il faut revivre les traumatismes et ne surtout pas être seul.

Là-dessus, la société a encore des choses à faire : par exemple, les victimes devraient pouvoir être soignées gratuitement.

Elles ont besoin de psys, de thérapies… Plus elles gardent le silence longtemps, plus c’est long pour s’en remettre.

L’aboutissement de trois ans de travail

Une fillette s’apprête à s’élancer sur la glace. Son entraîneur lui adresse des tapes aux fesses en guise d’encouragement.

Sur ces images figure Sarah Abitbol et c’est son père qui tient le caméscope, à la fin des années 1980.

De tels gestes ne choquaient pas ou peu. 

Près de trente ans plus tard, l’ancienne patineuse a parlé et ouvert la voie à d’autres sportives.

Depuis trois ans, la journaliste Emmanuelle Anizon travaille auprès de Sarah Abitbol afin d’inciter d’autres victimes à parler.

La diffusion d’Un si long silence à heure de grande écoute est le signe que pour les victimes, la vie peut être meilleure après l’horreur.

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