Le marqueur présentement utilisé pour dépister ce cancer produit beaucoup de faux positifs. Un marqueur oublié, le citrate, permettrait de remédier à ce problème, avancent des chercheurs de l’Université Laval.

Par : Jean Hamann

Cette image prise au microscope montre la structure glandulaire de la prostate. Chez les hommes en bonne santé, les cellules de la prostate secrètent du citrate qui se retrouve dans le liquide séminal. Dans les cellules cancéreuses, la sécrétion de citrate diminue de 10 à 100 fois, ce qui en ferait un marqueur très intéressant pour le cancer de la prostate, estime le professeur Étienne Audet-Walsh. ULaval logo ULaval Nouvelles logoRecherche 26 novembre 2024

Un second marqueur pour améliorer le dépistage du cancer de la prostate

Cette image prise au microscope montre la structure glandulaire de la prostate.

Chez les hommes en bonne santé, les cellules de la prostate secrètent du citrate qui se retrouve dans le liquide séminal.

Dans les cellules cancéreuses, la sécrétion de citrate diminue de 10 à 100 fois, ce qui en ferait un marqueur très intéressant pour le cancer de la prostate, estime le professeur Étienne Audet-Walsh.

— Endolysosome

Les personnalités publiques qui invitent tous les hommes à se faire tester pour le cancer de la prostate sont bien intentionnées, mais sont-elles bien avisées?

La question se pose, entre autres parce que le test présentement utilisé pour dépister cette maladie laisse croire à une proportion appréciable d’hommes qu’ils sont atteints de ce cancer alors que ce n’est pas le cas.

Le manque de spécificité de ce test a d’ailleurs conduit une équipe de chercheurs de l’Université Laval, dirigée par Étienne Audet-Walsh, à publier, au cours des derniers mois, deux articles scientifiques dans lesquels ils plaident en faveur du recours à un deuxième marqueur, le citrate, pour améliorer le dépistage du cancer de la prostate.

Rappelons que le test présentement utilisé pour dépister le cancer mesure la concentration de l’antigène prostatique spécifique (APS).

« Il s’agit d’une protéine produite exclusivement par des cellules de la prostate, qu’elles soient saines ou cancéreuses.

Lorsque le niveau de l’APS dépasse 4 ng/ml de sang, on estime qu’un cancer de la prostate pourrait être présent », rappelle le professeur Audet-Walsh, qui est rattaché à la Faculté de médecine de l’Université Laval et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.

Un bon biomarqueur possède deux qualités, poursuit-il.

« D’abord, il doit avoir une sensibilité élevée, c’est-à-dire donner un résultat positif lorsque la maladie est véritablement présente.

Ensuite, il doit avoir une spécificité élevée, c’est-à-dire qu’il doit donner un résultat négatif lorsque la maladie est absente.

Le test d’APS a une sensibilité de plus de 90%, ce qui est très bon.

Par contre, sa spécificité est d’environ 35%, ce qui signifie que deux non-malades sur trois reçoivent tout de même un test positif. Cela génère beaucoup d’anxiété, de détresse et d’examens supplémentaires inutiles. »

En effet, les hommes dont la concentration d’APS est anormale sont appelés à subir d’autres examens allant jusqu’à une biopsie de la prostate.

Cette procédure consiste à prélever des tissus de la prostate à l’aide d’une aiguille insérée à travers la paroi du rectum.

L’intervention peut engendrer des douleurs, des saignements, des infections, des problèmes urinaires et de l’inflammation.

« En raison de la faible spécificité de l’APS, il faut envisager le recours à d’autres molécules produites par la prostate comme biomarqueurs de ce cancer, fait valoir le professeur Audet-Walsh.

Nous proposons le citrate parce que son métabolisme est fortement reprogrammé lorsqu’il y a un cancer.

Il s’agit d’un marqueur qui avait déjà été étudié dans le passé, mais il avait été écarté au profit de l’APS dont on ne connaissait pas alors les limites.»

Chez les patients en bonne santé, explique-t-il, le citrate est secrété vers la lumière (l’espace creux au centre de la glande) de la prostate où il se mêle au liquide séminal.

Lorsqu’il y a un cancer, l’excrétion du citrate est fortement diminuée.

« Le citrate secrété par la prostate diminue alors entre 10 et 100 fois. La différence est très marquée. »

Il existe déjà des trousses qui permettent de mesurer la concentration de citrate dans le sang et dans l’urine.

« Par contre, pour le dépistage du cancer de la prostate, on ne pourrait pas procéder avec ces fluides biologiques parce le citrate qu’ils contiennent provient de toutes les parties du corps et non pas exclusivement de la prostate.

Idéalement, il faudrait effectuer les analyses à l’aide d’un échantillon de sperme.

L’acceptabilité de cette approche par les patients reste à vérifier, mais considérant que cela peut leur éviter une biopsie transrectale, ils pourraient y voir un avantage certain.»

« Les résultats seraient plus fiables, on éviterait des soucis et des examens inutiles aux patients, en plus de réduire la pression sur le système de santé. » — Étienne Audet-Walsh, au sujet de l’idée de recourir à deux marqueurs, l’APS et le citrate, pour dépister le cancer de la prostate.

Le professeur Audet-Walsh et ses collaborateurs ne proposent pas de remplacer le test de l’APS par celui du citrate, mais plutôt de les combiner.

« De cette façon, on atteindrait des niveaux de sensibilité et de spécificité très élevés, souligne le chercheur.

Les résultats seraient plus fiables, on éviterait des soucis et des examens inutiles aux patients, en plus de réduire la pression sur le système de santé.

Nous travaillons présentement au développement d’une méthode de dosage du citrate adaptée au dépistage du cancer de la prostate.

Si cet outil devenait accessible aux médecins, je crois qu’ils n’hésiteraient pas à l’utiliser en combinaison avec l’APS. »

L’équipe de recherche a publié ses analyses au sujet de l’APS et du citrate comme marqueurs du cancer de la prostate dans Nature Reviews Urology et dans le Journal of Steroid Biochemistry and Molecular Biology.

Les auteurs en sont Lucas Galey, Herman Nabi, Jean-Sébastien Paquette, Frédéric Pouliot et Étienne Audet-Walsh, de l’Université Laval, et Ayokunle Olanrewaju, de l’Université de Washington.