Dr Irène Drogou | 30.01.2019 Crédit Photo : PHANIEZoom
La maladie d’Alzheimer est associée à des troubles du sommeil. Cause ou conséquence, de quelle nature sont les liens qui les associent ? Une équipe de la faculté de Washington (Saint Louis) montre dans deux études récentes chez l’homme et la souris, l’une dans « Science Translational Medicine » et l’autre dans « Science » qu’un manque de sommeil chronique, notamment de sommeil profond, accélère le dépôt de protéine tau et facilite sa dissémination dans le cerveau.
Un lien de causalité bidirectionnel
Les perturbations du sommeil sont bien connues dans la maladie d’Alzheimer au stade de démence. Mais des travaux récents tendent à prouver que le lien de causalité est bidirectionnel, suggérant d’utiliser le sommeil comme marqueur de la maladie d’Alzheimer et du risque de déclin cognitif.
Le manque de sommeil chronique a déjà été décrit comme augmentant les plaques bêta amyloïdes. Les chercheurs américains ont regardé de plus près ce qu’il en était de la protéine tau, cette dernière apparaissant de plus en plus comme un élément clef dans le processus de neurodégénération dans la maladie d’Alzheimer, davantage que les plaques amyloïdes.
Privation de sommeil
Ici, l’équipe de David Holtzman montre chez la souris dans « Science » que le niveau de la protéine tau est fortement augmenté lors des activités de veille normale (+90 %), voire doublé (+100 %) lors d’une privation de sommeil chronique. Chez l’homme (n = 8), le manque de sommeil chronique augmente de 50 % la protéine tau dans le liquide cérébro-rachidien (LCR), soit davantage que la protéine bêta amyloïde.
Moins de sommeil profond
Dans « Science Translational Medicine », la même équipe montre chez l’homme une corrélation entre le manque de sommeil profond et le niveau de proteine tau dans le LCR. Pour ce travail, les chercheurs ont analysé les données de 119 participants âgés de > 60 ans d’une cohorte sur le vieillissement (performances cognitives, imagerie cérébrale, biomarqueurs du LCR).
Dans leur étude, les chercheurs ont réalisé en plus un enregistrement simplifié du sommeil par EEG à domicile, sur au moins deux nuits voire jusqu’à 6 pour certains participants. Alors que le bilan cognitif était normal pour la majorité (80 %) ou peu altéré, les scientifiques ont constaté une association inverse entre le sommeil profond et la protéine tau, et ce de façon plus marquée pour les oscillations à basse fréquence (1 à 2 Hz).
Le sommeil, un biomarqueur précoce et une cible thérapeutique
Pour les chercheurs, le sommeil pourrait être utilisé comme biomarqueur de la maladie d’Alzheimer à un stade très précoce, l’EEG étant faiblement invasif et peu coûteux. La méthode pourrait être intéressante en recherche clinique ou pour la pratique courante.
L’ensemble de ces résultats suggère également que le sommeil pourrait être une cible précoce pour ralentir le développement de la maladie neurodégénérative. « Notre cerveau a besoin de récupérer du stress de la journée, a déclaré David Holtzman, principal auteur. On ne sait pas encore si bien dormir lors du vieillissement protège de la maladie d’Alzheimer. Mais cela ne peut pas faire de mal et d’autres données suggèrent que cela pourrait aider à retarder et ralentir le processus de la maladie, une fois enclenché. »
Source : Lequotidiendumedecin.fr