Publié le 04/12/2020
Les troubles fonctionnels gastro-intestinaux sont fréquents chez les nourrissons.
De nombreux parents amènent leur enfant en consultation pour des régurgitations, vomissements, pleurs ou pour une colique supposée.
De surcroît, 75 % de ces nourrissons pourraient avoir une combinaison de ces symptômes.
Par analogie à l’adulte, ils sont attribués à un reflux gastro-œsophagien.
Des inhibiteurs de la pompe à protons sont fréquemment prescrits en dépit de l’absence de corrélation entre les pleurs et le reflux acide démontré par pH-métrie.
Des pédiatres gastro-entérologues dans un éditorial s’élèvent contre les prescriptions abusives en nombre croissant.
Dans la même revue, des auteurs irlandais ont montré à partir des données de remboursement des médicaments dans leur pays qu’en 2018, 450 enfants de moins d’un an sur 10 000 avaient reçu une prescription anti-reflux (antagonistes H2, IPP, alginate) contre 137/10 000 en 2009. La même tendance est observée partout dans le monde.
Une enquête française prospective de 2018 auprès des pédiatres a montré que 78 % de 2 757 enfants de moins de 6 mois souffraient d’au moins un trouble fonctionnel, 63 % de deux, 15 % de 3 ou plus.
Aussi, des IPP sont prescrits aux plus jeunes nourrissons ; une enquête néozélandaise a révélé que près de 9 % des enfants en avaient reçu à un mois, en dépit des recommandations d’utilisation uniquement en cas d’œsophagite érosive ou de reflux démontré par pH-métrie et impédance métrie.
Des effets secondaires possibles
La prescription d’IPP (inhibiteurs de la pompe à protons) cherche à répondre à la demande de secours des parents devant les pleurs.
Cependant, des effets secondaires des IPP sont mis en évidence dans les revues récentes : colite microscopique, perturbations en une semaine du microbiome susceptible de modifier le développement de l’immunité et de faciliter une allergie.
L’usage chronique peut induire un déficit en fer et vitamine B12 et entraver l’absorption du calcium et magnésium. De surcroît, les IPP ne diminuent pas le reflux mais le modifie en reflux non acide qui pourrait avoir les mêmes effets négatifs.
Le reflux non acide montré par impédance métrie pourrait causer plus de détresse et pleurs du nourrisson.
La relation dose/effet des IPP n’est pas bien connue chez les petits en raison de l’immaturité métabolique du cytochrome P450.
Peu d’alternatives en dehors des mesures diététiques
Les antagonistes du récepteur H2 sont moins efficaces pour bloquer l’acidité et d’utilisation difficile après le retrait du marché du sirop en raison des dangers de l’excipient.
Les prokinétiques n’ont pas montré d’efficacité dans le traitement du reflux ; leur toxicité cardiaque potentielle a entraîné le retrait du marché de certains.
Les alginates semblent avoir une efficacité en cures de 2 semaines. Les sociétés de gastro-entérologie pédiatrique recommandent en première ligne l’apaisement et les mesures diététiques (fractionnement des repas, laits épaissis) car les troubles fonctionnels ont une durée limitée.
En conclusion, le reflux gastro-œsophagien et les coliques sont habituellement évoqués pour expliquer les troubles fonctionnels digestifs. Les inhibiteurs acides sont trop prescrits chez les nourrissons.
Les reflux non extériorisés sont rares. La majorité des reflux ne sont pas acides et peuvent causer plus de détresse. Les mesures hygiéno-diététiques sont indiquées en première ligne.
Pr Jean-Jacques Baudon
RÉFÉRENCE: Levy EI et coll. : Prescription of acid inhibitors in infants: an addiction hard to break. Eur J Pediatr. 2020;179:1957-1961
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En manque de recommandations claires pour traiter le RGO du nourrisson