Publié le 25/02/2020

Environ 40 % des patients présentent une anémie dans les services de soins intensifs et de réanimation (ICU) et environ un quart d’entre eux reçoivent une transfusion de globules rouges. La transfusion peut être bénéfique pour rétablir un apport adéquat d’oxygène aux tissus à risque d’ischémie, mais peut également s’avérer délétère : compatibilité croisée, surcharge circulatoire associée à la transfusion (TACO), syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel (TRALI)…

Aussi, convient-il d’en toujours peser avantages et inconvénients. Les données actuelles indiquent qu’en moyenne, une stratégie transfusionnelle restrictive est au moins aussi sûre qu’une stratégie transfusionnelle libérale en ce qui concerne les résultats cliniques.

En conséquence, la plupart des directives transfusionnelles préconisent un seuil de déclenchement restrictif de 7 g/dL, tout en admettant que le taux d’hémoglobine seul ne suffit pas pour décider de la transfusion.

À recommandations universelles floues en matière de transfusion sanguine, incohérence dans les indications de transfusion des patients admis en unité ICU ?

Les membres mondiaux de la Société européenne de médecine des soins intensifs (ESICM) ont été invités à remplir un questionnaire en ligne comprenant quatre scénarios cliniques hypothétiques : patients présentant un infarctus aigu du myocarde (IDM) ; une septicémie à point de départ abdominal ; un traumatisme crânien (TC) ; des complications postopératoires. Le taux d’hémoglobine proposé était de 7,3 g/dL dans tous les scénarios.

En cas de septicémie, la moitié des praticiens interrogés transfusent et l’autre pas

En sus du scénario clinique, quatre questions étaient posées. La première portait sur la décision de transfuser ou non ; les deuxième et troisième de donner les probabilités perçues de bénéfices (prévention des lésions des organes ischémiques) et de préjudices (c’est-à-dire TACO, TRALI et infections) de la transfusion ; la quatrième demandait de choisir et de classer, à partir d’une liste prédéterminée, les cinq caractéristiques des patients qui avaient le plus influencé la décision des médecins de transfuser ou non.

Cette liste de caractéristiques des patients comportait entre autres : le taux d’hémoglobine, le diagnostic, l’état hémodynamique, la durée du séjour à l’hôpital et les antécédents médicaux.

Au total, 211 membres de 67 pays ont participé à l’étude, dont 142 (67 %) ont répondu à l’ensemble du sondage. La plus grande variation a été observée dans le scénario clinique de la septicémie, dans lequel 49 % des médecins ont décidé de transfuser et 51 % de ne pas le faire. Dans le scénario clinique de l’IDM, du TC et des complications post-chirurgicales, ces pourcentages étaient respectivement de 75/25 %, 35/65 % et 66/34 %.

Certes, cette étude a plusieurs limites : l’échantillon est limité ; les répondants à cette étude étant plus intéressés par la pratique de la transfusion sanguine que les non-répondants, il est probable que ce groupe-là soit plus à jour sur les directives actuelles en matière de transfusion et donc la variation des pratiques parmi les non-répondants pourrait donc être encore plus importante. Enfin, ont été inclus des pays en développement dans lesquels le système de soins de santé dispose de ressources réduites par rapport à celles des pays occidentaux.

Les transfusions dans ces pays pourraient s’accompagner d’un risque plus élevé de préjudices, par exemple d’infections (VIH, hépatite B) et de problèmes de type croisé, qui pourraient influencer la décision des personnes interrogées de transfuser.

Néanmoins, cette étude montre que malgré les directives actuelles préconisant des stratégies de transfusion restrictives, il existe de grandes variations dans la pratique transfusionnelle. Outre le taux d’hémoglobine, plusieurs autres caractéristiques du patient influencent la décision de transfusion, mais pas de la même manière entre les spécialistes des ICU.

Or, étant donné les effets délétères potentiels de la transfusion, la diversité des pratiques transfusionnelles pourrait engendrer des pertes de chances pour certains patients.

Un défi intéressant pour la recherche future serait de mieux distinguer les stratégies transfusionnelles optimales pour la population extraordinairement hétérogène des ICU.

Dr Bernard-Alex Gaüzère

RÉFÉRENCE : Willems SA, Kranenburg FJ, Le Cessie S, Marang-van de Mheen PJ, Kesecioglu J, van der Bom JG, Arbous MS : Variation in red cell transfusion practice in the intensive care unit – An international survey. J Crit Care., 2020; 55: 140-144. doi: 10.1016/j.jcrc.2019.10.003.

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