Publié le 10/02/2020
Dès la trentaine débute, chez l’homme, une baisse progressive des taux sériques de testostérone totale, liée à l’âge, avec, par la suite, une diminution annuelle d’environ 1,6 % Elle s’accompagne de divers signes cliniques de déficience en androgènes. Aux USA, on évalue l’incidence de l’hypotestostéronémie à environ 20 % chez les hommes de plus de 60 ans ; elle passe à 30 % chez ceux de plus de 70 ans et à 50 % pour un âge de plus de 80 ans. En pratique, le syndrome de basse testostérone est défini par la présence, au moins, de 3 symptômes d’ordre sexuel associés à une testostérone totale < 11,1 nmol/L (320 ng/dL). Les symptômes peuvent être divers, voire non spécifiques : dysfonction sexuelle (baisse de la libido, troubles de l’érection, moindre volume éjaculé), diminution de l’énergie, de la masse musculaire, troubles de l’humeur, baisse de la densité minérale osseuse, maladie cardio-vasculaire, dépression mais aussi amaigrissement global, perte des cheveux, fatigabilité excessive…Le bénéfice d’un traitement par testostérone en cas d’hypotestostéronémie liée à l’âge est discuté. L’US Food and Drug Administration ne l’autorise que chez les patients présentant un taux de testostérone bas de cause bien définie.
L’American College of Physicians (APC) a récemment émis des recommandations cliniques, après une analyse détaillée des preuves d’efficacité, du rapport bénéfices/risques et des coûts d’un tel traitement, sans aborder les questions portant sur le diagnostic d’hypogonadisme ou de la mesure de la testostéronémie. Ces recommandations ont été validées par l’American Academy of Family Physicians. Elles se sont appuyées sur l’analyse de la littérature médicale, de langue anglaise parue de 1980 à Mai 2019, avec recherche dans MEDLINE et PsycINFO de leur création jusqu’en Novembre 2018. Un comité clinique a été constitué par l’APC afin d’évaluer les résultats cliniques d’un traitement de l’hypotestostéronémie liée à l’âge sur la qualité de vie, la fonction érectile, la cognition, les effets secondaires majeurs (maladies cardio-vasculaires, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, cancer prostatique), la mortalité globale. Concernant plus précisément la fonction sexuelle, elle a été mesurée à l’aide des échelles Aging Males’ Symptoms (AMS) et International Index of Erectile Function (IIEF). Le système GRADE (Grading of Recommandation Assessment, Development and Evaluation) a été utilisé pour évaluer le devenir clinique, en quantifiant la force des preuves associées à chacune des recommandations émises.
Trente-huit essais contrôlés et randomisés ont été identifiés, qui ont évalué le rapport bénéfices/ risques d’un traitement substitutif par testostérone. L’âge moyen des participants est estimé être de 66 ans, ; le suivi s’étale de 6 à 36 mois. Le taux moyen de testostérone de base se situe vers 10,4 nmol/L (300 ng/dL).
Amélioration de la qualité de vie
Sept essais, avec un niveau de preuve réduit, révèlent une amélioration modeste de la qualité de vie sous substitution (différence moyenne DM < 0,33, intervalle de confiance à 95 % IC : 0,5 à < 0,16 sur l’échelle AMS). Cette amélioration était essentiellement le fait d’une meilleure fonction sexuelle. De fait, avec un niveau de preuves modéré, 7 autres études montrent une amélioration globale de la fonction sexuelle (DM : > 0,35 ; IC : > 0,23- 0,46 aux échelles IIEF ou AMS). Parallèlement est notée un gain discret de la fonction érectile (DM > 0,27 ; IC : 0,09 à 0,44) mais, a contrario, il n’est retrouvé aucun changement pour la fonction physique quantifiée par mesures objectives ou par auto évaluation.
Quatorze essais mettent en évidence une différence très minime de l’incidence, sous traitement, des événements cardiovasculaires (Odds Rario OR : 1,22 ; IC : 0,66- 2,33) et des pathologies iatrogènes graves (OR : 0,94 ; IC : 0,73- 1,21). L’analyse combinée de 12 autres études révèle que la mortalité est moindre sous traitement substitutif par testostérone que sous placebo (OR à 0,47 ; IC : 0,25- 0,89), mais avec un niveau de certitude trop insuffisant pour aboutir à des conclusions formelles à propos de la létalité. D’autres travaux ont fait état, d’une moindre fatigabilité, d’une amélioration de la symptomatologie dépressive sans variation notable de la fonction cognitive. Il n’y a pas de conclusion quant à l’incidence, sous traitement, des fractures. Avec un suivi allant de 0,73 à 10,3 ans, 20 études observationnelles ne mettent en évidence aucune aggravation du risque de mortalité spécifique, d’événements pathologiques cardio-vasculaires, de cancer de la prostate ou de pathologie veineuse thrombo embolique mais il est à signaler que la plupart des travaux avaient exclu les hommes ayant eu des antécédents récents de maladie cardio-vasculaire.
La dysfonction sexuelle est ce qui gêne le plus
L’analyse d’une revue systématique des préférences des patients a révélé que 53 % des patients traités par testostérone préféraient la forme injectable, intra musculaire, plutôt que les formulations à base de gel plus coûteuses. En outre, un travail ayant inclus 95 patients atteints d’hypogonadisme mais non traités montre que les symptômes les plus gênants signalés par les malades, sont la dysfonction érectile (66,3 %), la diminution de la libido (55,8 %), la perte d’énergie et l’accroissement de la fatigue (47,4 %). Parmi ce collectif, c’est la diminution du désir sexuel qui a été la principale raison d’envisager un traitement substitutif par testostérone.
En valeurs 2016, le coût annuel du traitement, par bénéficiaire, s’établit à 2 135,32 $ pour la forme transdermique vs 156,24 $ pour la forme injectable. De plus, 3 points ont été soulignés par l’ACP :
– du fait d’un suivi limité, on manque de données concernant le rapport bénéfices/risques des traitements substitutifs à long terme ;
– de par la rareté des évènements pathologiques et de la fragilité potentielle des résultats, l’importance de la mortalité à distance reste mal précisée ;
-enfin, il apparait que les résultats chez des sujets obèses, diabétiques ou porteurs d’un syndrome métabolique sont similaires à ceux de la population générale.
En conclusion, les recommandations émises par l’ACP, peuvent s’énoncer comme suit :
– Recommandation 1/A : il est suggéré que les praticiens discutent avec leurs patients désirant améliorer leurs performances sexuelles, avant d’ initier un traitement par testostérone en cas d’ hypotestostéronémie liée à l’ âge ; le seuil de testostéronémie retenu étant ≤ 10,4 nmol//L, soit 300 ng/dL (recommandation conditionnelle, niveau de preuve faible). Cette discussion doit être large, incluant les bénéfices potentiels mais aussi les dangers, les coûts du traitement et les préférences du patient.
1/B : le médecin se doit de réévaluer les symptômes de dysfonction sexuelle dans les 12 mois suivant la mise en route du traitement, puis de façon itérative. Son arrêt s’impose quand il n’est pas observé d’amélioration (recommandation conditionnelle, niveau de certitude faible).
1/C : en cas d’indication posée, il est préférable de recourir à la voie intra musculaire de préférence à la voie transdermique, du fait de son coût plus faible à efficacité égale.
– Recommandation 2 : les praticiens ne doivent pas débuter un traitement en cas d’hypotestostéronémie liée à l’âge dans le seul but d’augmenter l’énergie, la vitalité, la fonction physique ou la cognition du patient (recommandation conditionnelle, niveau de preuves faible).
Dr Pierre Margent
RÉFÉRENCE : Qaseem A et coll. : Testosterone Treatment in Adult Men with Age-Related Low Testosterone : a Clinical Guideline from the American College of Physicians. Annals of Internal Medecine. 2020 ; publication avancée en ligne le 7 janvier. doi: 10.7326/M19-0882.
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Recommandations pour la prise en charge de l’hypogonadisme masculin