Publié le 25/09/2018
Chez le sujet très âgé (>85 ans), les objectifs du traitement antihypertenseur, c’est-à-dire les valeurs-cibles de la pression artérielle, ne font pas l’unanimité. Il est de fait difficile de trouver des données en faveur du contrôle tensionnel optimal dans ce contexte car les essais contrôlés incluent peu de patients de cet âge, quand ils ne les évitent pas. Il faut par ailleurs souligner la plus grande susceptibilité du sujet très âgé aux effets des médicaments, notamment des antihypertenseurs, même en l’absence de vulnérabilité patente.
D’où l’intérêt d’une étude de cohorte, en l’occurrence la Leiden 85-plus Study, menée aux Pays-Bas, dans laquelle ont été inclus 570 patients. L’objectif était de rechercher une relation entre les valeurs de la pression artérielle systolique (PAS) et, d’une part, la mortalité globale, d’autre part, la survenue d’un déclin cognitif évalué par le MMSE (Mini-Mental State Examination) chez les participants exposés à un traitement antihypertenseur. Une vulnérabilité physique a été recherchée au travers de la mesure de la force de préhension. Les relations entre ces variables ont été étudiées au moyen de la méthode des risques proportionnels de Cox et de modèles de régression linéaire à effets mixtes. Les analyses de sensibilité ont été réalisées en excluant les décès survenus dans l’année qui a suivi l’inclusion dans l’étude. Elles ont par ailleurs porté sur des patients sans antécédents de maladie cardiovasculaire.
Mortalité accrue et accélération du déclin cognitif pour chaque baisse de 10 mmHg de la PAS
Sur les 570 participants, 249 (44 %) recevaient un traitement antihypertenseur. La mortalité globale s’est avérée plus élevée chez ces derniers et pour chaque abaissement de 10 mm Hg de la PAS, le hazard ratio (HR) a été estimé à 1,29 (intervalle de confiance à 95 %, IC 1,15-1,46, p < 0,001). Le déclin cognitif a évolué de manière tout aussi défavorable, avec une baisse annuelle du MMSE de -0,35 points (IC -0,60, -0,11, p= 0,004) pour chaque 10 mmHg de PAS en moins. Par ailleurs, le déclin cognitif a été plus rapide chez les participants dont la force de préhension était moindre. En revanche, chez les patients qui n’étaient pas sous traitement antihypertenseur, aucune association significative n’a été mise en évidence entre les valeurs de la PAS et la mortalité globale. Il en a été de même pour la vitesse du déclin cognitif.
Chez le sujet très âgé, le traitement antihypertenseur ne semble guère apporter de bénéfice. Bien au contraire, la baisse de la PAS est associée, dans la Leiden 85-plus Study, à une augmentation de la mortalité globale et à une accélération du déclin cognitif. Dans la mesure où il s’agit d’une étude d’observation, par nature non contrôlée, il faut se garder de toute conclusion prématurée. Il est clair qu’une HTA avérée doit être traitée (mais sur la base de quels chiffres de référence pour ces quasi nonagénaires?).
En revanche, une PAS limite ou un peu élevée, selon les critères adoptés chez des sujets plus jeunes incite pour le moins à la prudence et à l’économie de moyens, dès lors que l’objectif de toute prise en charge thérapeutique doit se conformer à un primum non nocere trop souvent oublié … S’il existe en plus des signes de vulnérabilité, la réponse appropriée doit intégrer encore plus de tact et de mesure…
Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCE
Streit S et coll. Lower blood pressure during antihypertensive treatment is associated with higher all-cause mortality and accelerated cognitive decline in the oldest-old-data from the Leiden 85-plus Study. Age Ageing., 2018 ; publication avancée en ligne le 8 mai. doi: 10.1093/ageing/afy072.
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Actualités – publiée le 25/09/2018 par Équipe de rédaction Santélog
HYPERTENSION : Il y a des limites au contrôle de la pression
American Journal of Preventive Medicine
Le contrôle intensif de la pression artérielle c’est nécessaire mais jusqu’à certaines limites. Cette étude du Kaiser Permanente souligne que des efforts trop agressifs de contrôle de la pression artérielle peuvent aussi entraîner des chutes et des évanouissements, en particulier chez les patients âgés. Ces conclusions, présentées dans l’American Journal of Preventive Medicine montrent que les patients hypertendus prenant un traitement antihypertenseur et présentant une pression anormalement basse soit une pression artérielle systolique <110 mmHg ont deux fois plus de risque de chute ou de syncope que ceux stabilisés au-delà de ce seuil.
Des conclusions qui arrivent à point alors que l’American Heart Association et l’American College of Cardiology viennent d’abaisser le seuil de définition de l’hypertension artérielle à une pression systolique >130, explique l’auteur principal de l’étude, le Dr John J. Sim, néphrologue au centre médical Kaiser Permanente de Los Angeles.
Ne pas « descendre » au-delà de 110 mmHg ! Ces données ne contredisent pas l’importance des efforts visant à réduire la pression artérielle chez les patients souffrant d’hypertension, qui permettent la réduction du risque de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral. Cependant l’atteinte d’une tension artérielle plus basse peut entraîner des chutes et des évanouissements.
L’analyse des données des dossiers de santé électroniques de plus de 475.000 patients suivis au Kaiser Permanente et suivant un traitement contre l’hypertension montre que des mesures de pression artérielle systolique moyenne et minimale <110 mmHg sont bien associées à des taux plus élevés de chutes graves et d’évanouissements, ayant notamment entraîné des visites en service des urgences ou des hospitalisations. Le constat est clair : parmi les patients ayant une tension artérielle traitée,
- 27% ont présenté au moins une fois une pression artérielle systolique <110 mmHg,
- 3% une pression systolique moyenne <110 mmHg au cours du suivi d’un an,
- les patients avec un seul épisode de pression systolique inférieur ou égal à 110 mmHg au cours de la période d’un an s’avèrent 2 fois plus susceptibles de subir une chute ou un évanouissement grave ;
- les patients dont la pression artérielle systolique moyenne <110 mmHg au cours de la période d’étude d’un an présentent un risque 50% plus élevé de chutes et d’évanouissements graves vs pression artérielle systolique moyenne >110 mmHg.
Les médecins doivent évaluer les risques et les avantages d’une réduction « agressive » de la tension artérielle sur une base individuelle, en particulier chez les patients âgés. Ces patients plus âgés sont plus susceptibles de présenter des épisodes de réduction aiguë de la pression artérielle, telle qu’une hypotension orthostatique, caractérisée par une diminution subite et considérable de la pression.
Source: American Journal of Preventive Medicine 23 August, 2018 DOI : 10.1016/j.amepre.2018.05.026 Low Systolic Blood Pressure From Treatment and Association With Serious Falls/Syncope
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