Actualités  –  publiée le 11/01/2019 par Équipe de rédaction Santélog

Biological Psychiatry

Personne ne sait exactement ce qui pousse les personnes atteintes de trouble obsessionnel compulsif (TOC) à faire ce qu’elles font, même lorsqu’elles sont pleinement conscientes qu’elles ne devraient pas le faire et qu’elles entravent ainsi leur capacité à mener une vie normale. Coincé dans une erreur en boucle, c’est la description « du cerveau » de patients atteints de trouble obsessionnel compulsif (TOC) apportée par cette équipe de l’Université du Michigan. C’est en combinant des balayages du cerveau de centaines de personnes atteintes de trouble obsessionnel-compulsif, que les chercheurs sont parvenus à identifient les problèmes de traitement des erreurs et les déficiences de capacité à inhiber ces comportements compulsifs. C’est à lire dans la revue Biological Psychiatry.

C’est aussi plus grande étude d’imagerie fonctionnelle jamais réalisée sur le cerveau de personnes atteintes de trouble obsessionnel compulsif, et de volontaires sains. Et en combinant les données de 10 études précédentes et de résultats d’imagerie de près de 500 patients atteints, cette étude identifie pour la première fois des différences d’activité significatives dans des zones impliquées dans le traitement des erreurs et dans l’inhibition des impulsions. Avec ces premières données, ces travaux contribuent à combler le manque de compréhension scientifique des TOC et donc l’absence de traitement efficace pour une grande majorité de patients atteints.

Une erreur en boucle incessante : cette analyse des scanners cérébraux de centaines de personnes atteintes de TOC et de personnes non atteintes de cette maladie, en identifiant les zones et les processus cérébraux spécifiques liés à ces comportements répétitifs, suggère que les cerveaux des patients atteints de TOC se retrouvent coincés dans une boucle d’erreurs qu’ils ne peuvent arrêter même s’ils savent qu’ils le devraient : « Nos résultats montrent que, dans le TOC, le cerveau réagit trop aux erreurs et trop peu pour arrêter les signaux » résume l’auteur principal, le Dr Luke Norman, chercheur au Département de psychiatrie de l’UM.

L’espoir de nouvelles cibles thérapeutiques : en montrant que le traitement des erreurs et le contrôle inhibiteur sont 2 processus importants altérés chez les personnes atteintes, cette analyse ouvre de nouvelles voies thérapeutiques. Car si les patients ont souvent un aperçu ou sont conscient de leur comportement et détectent qu’ils font quelque chose d’inutile, ce signal d’erreur n’atteint probablement pas le réseau cérébral qui doit être activé pour qu’ils s’arrêtent de le faire.

Le réseau cingulo-operculaire, une collection de zones cérébrales reliées par des connexions nerveuses situées au centre du cerveau sert normalement à surveiller les erreurs ou le besoin potentiel d’interrompre une action et implique les zones de prise de décision situées à l’avant du cerveau lorsqu’il détecte que quelque chose « ne va pas ». Les données combinées révèlent une tendance constante : par rapport aux volontaires sains, les personnes souffrant de TOC présentent dans ce réseau, mais moins dans les zones qui pourraient les aider à s’arrêter. Ce réseau est donc une cible prometteuse même si, à ce stade, les chercheurs ne sont pas certains que ces différences d’activité soient la cause ou le résultat de la survenue d’un TOC.

Quelles implications en pratique clinique : la prise en charge des TOC a déjà progressé, soulignent les chercheurs. Alors que le TOC était autrefois considéré comme un trouble anxieux, il est maintenant considéré comme une maladie mentale distincte. Ainsi, on pense maintenant que l’anxiété ressentie par de nombreux patients atteints de TOC est un effet secondaire de leur état, provoquée par la reconnaissance du fait que leurs comportements répétitifs ne sont pas nécessaires mais par leur incapacité à les contrôler.

L’idée est donc de développer des techniques visant à maîtriser cette impulsion et à prévenir l’anxiété et de tester ces techniques lors d’essais cliniques :

  • la SMTr (stimulation magnétique transcrânienne répétitive) récemment approuvée par la FDA pour traiter les TOC cible certains des circuits que l’équipe a identifiés et est donc également envisagée, mais de manière plus ciblée.
  • pour les cas plus sévères, des chirurgies cérébrales ont plus récemment été proposées : dans ces procédures, les neurochirurgiens déconnectent certaines zones du cerveau les unes des autres ou insèrent une sonde permanente capable de stimuler l’activité dans une zone donnée. Les auteurs appellent les neurochirurgiens à se concentrer sur les zones cérébrales du réseau cingulo-operculaire, impliquées tant dans le contrôle inhibiteur que dans le traitement des erreurs.
  • Enfin, les chercheurs envisagent une recherche longitudinale comportant des tests génétiques et une imagerie cérébrale IRMf répétée au fil du temps, pour clarifier le problème des « œufs et de la poule », à savoir si les problèmes de traitement des erreurs et de contrôle inhibiteur sont à l’origine des TOC, ou s’il s’agit plutôt de symptômes.

« Nous savons que le TOC est un trouble cérébral et nous comprenons mieux ses mécanismes. Grâce à l’imagerie cérébrale, nous pouvons l’étudier, comme les cardiologues évaluent la santé cardiaque de leurs patients par électrocardiogrammes ».

Source: Biological Psychiatry Nov, 2018 DOI : 10.1016/j.biopsych.2018.02.911 Error-Processing in OCD: A Meta-Analysis of fMRI Studies and Investigation of Changes Following CBT

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