Accueil Course au large The Ocean Race

Les quatre Imoca en course sur la plus longue étape de The Ocean Race entre Le Cap (Afrique du Sud) et Itajaí (Brésil) se trouvent désormais au Sud de la Nouvelle-Zélande.

Ce mercredi, dans la chronique hebdomadaire de Biotherm, Ronan Gladu, mediaman, nous raconte les péripéties que rencontre l’équipage dans une mer pas toujours facile… Avec son regard décalé.

Mer agitée dans l'Océan Austral.Une image contenant texte, clipart Description générée automatiquement

Mer agitée dans l’Océan Austral. | RONAN GLADU / BIOTHERM / THE OCEAN RACE

Ronan GLADU. Publié le 15/03/2023 à 17h19

Abonnez-vous

The Ocean Race. « J’ai l’impression de me retrouver dans Mad Max » : le carnet de bord de Biotherm (ouest-france.fr)

NEWSLETTER VOILES ET VOILIERS

La 3e semaine de course dans les mers du Sud se termine.

À l’approche des îles Auckland, au Sud de la Nouvelle-Zélande, nous sommes à peine à mi-chemin, en distance comme en temps ! (annoncé en ce moment par les routages : « De la poésie » dixit Paul !)

Après avoir passé les îles Kerguelen en 2e position avec une petite avance, les routages nous promettaient un reaching facile vers le cap Leeuwin, dans du vent moyen, idéal pour Biotherm.

Forcément, ça a été beaucoup plus compliqué : le vent est très irrégulier, par moments on est collé à 10 nœuds, à d’autres on est en survitesse, foil qui sature.

L’équipage passe de longues heures, pratiquement toute une nuit à changer et rechanger les voiles.

Ça joue avec les nerfs de nos marins préférés (enfin les miens en tout cas : ma vie est entre leurs 7 mains !), Ils ont tous des réactions bien à eux.

Paul devient agité dès que le bateau avance à moins de 20 nœuds, il le re-règle complètement.

Antho a plutôt tendance à vouloir changer de configuration de voiles, de foils.

Damien est content quand ça bourrine en mode « no future », alors que Samantha reste toujours à l’écoute du bateau, plus sage.

Moi, quand ça fait plusieurs heures que je ne desserre pas la mâchoire, avec la sensation de « se satelliser en orbite de Saturne » tellement ça mule, je suis content de voir la tête de Sam sortir de la bannette, tout sourire, voix douce : « on pourrait p’têtre prendre un ris de plus, non ? »

La sensation de se faire attraper par un crachin breton sous stéroïdes

Ensuite, le vent revient par-derrière, ce qui avantage la concurrence, qui revient dur à la charge.

La « scoring line » est en vue sur la cartographie de l’ordi de bord (ligne de passage de la moitié des points de l’étape, au niveau de la Tasmanie).

Le front nous rattrape, la sensation de se faire attraper par un crachin breton sous stéroïdes : mer grise, ciel gris, plafond bas, le ciel nous tombe sur la tête !

Le vent forcit, toujours de travers, l’Imoca accélère comme une bête furieuse, jusqu’à nous expulser hors du front, sous un grand soleil : moins de vent, on ralentit et c’est reparti pour un tour dans le « Mordor » de l’Indien.

Tous nos articles sur The Ocean Race

Une image contenant personne, transport

Description générée automatiquement

Damien Seguin et Sam Davies règlent les voiles dans le cockpit de Biotherm. | RONAN GLADU / BIOTHERM

Ce cycle infernal use les marins… Et bateau. Des lachings (bouts) commencent à péter un peu partout, notamment sur le foil en appui, enfin c’est carrément une cale de foils qui part en vrille.

À chaque changement de voile, Antho est réquisitionné avec la caisse à outils pour bricoler des trucs et des machins.

Biotherm est poussé à fond, j’ai l’impression de me retrouver dans Mad Max : Fury road version maritime !

Et ça tient, il faut que ça tienne, car le front froid finit par nous rattraper complètement, la 11e heure (11th Hour Racing, ndlr) et Malizia dans son flux.

La mer grossit, le vent monte encore d’un cran mais devient plus régulier, toujours de travers, alors c’est la course, la vraie, complètement folle vers cette ligne fictive. Biotherm est poussé à fond, j’ai l’impression de me retrouver dans Mad Max : Fury road version maritime !

Le surtoilé au taquet remplace la nitro et la fatigue sous adrénaline remplace le « chrome ».

La machine est poussée à bout, jusqu’à 28,8 nœuds de moyenne !

Le niveau sonore est à son paroxysme, les déplacements quasi impossibles et plus personne ne dort !

Tant pis si l’Imoca hurle et craque de partout, surtout la quille et un ballast, qui envoie de l’eau en continu dans le bateau…

Il manque le cri « witness me » de Mad Max, mais quand je revois Paul, la tête à l’envers dans le puis de quille, avec la pompe de cale entre les dents, à plus de 32 nœuds de vitesse…

On n’est pas loin de la fiction apocalyptique !!!

Toujours à la limite des glaces, la stratégie « pedal to the metal » fonctionne, les « énervés » de derrière sont toujours bien derrière !

Retrouvez les deux premières chroniques de Ronan Gladu :

The Ocean Race. « On rentre dans un tunnel d’inconfort hallucinant » : le carnet de bord de Biotherm
The Ocean Race. « Hallucinant et clairement flippant pour moi ! » : Le carnet de bord de Biotherm

Une image contenant personne, pose

Description générée automatiquement

L’équipage célèbre le passage du cap Leeuwin, deuxième grand cap de la route de l’étape 3. | RONAN GLADU / BIOTHERM

Malgré tous les efforts de l’équipage, on finit par se faire « marcher dessus » par nos concurrents

On passe le cap Leeuwin, à l’Ouest de l’Australie, en 2e position… sauf que la « scoring line » est à l’Est, et le vent devient portant.

Malgré tous les efforts de l’équipage, on finit par se faire « marcher dessus » par nos concurrents : nous sommes 4e au point de passage.

Le pire, c’est que lorsque nous franchissons enfin la ligne, nous sommes à nouveau 2e au classement ! En effet la 11e heure et Malizia ont fini en duel, droit vers la ligne, alors que nous avons continué sur la route directe.

The Ocean Race. Charlie Dalin : « Le record de 618 milles en 24 heures de Comanche est prenable en Imoca »

À bord de Biotherm les marins restent zen, ils sont presque satisfaits « parce qu’ils ont appris plein de choses », « nos écarts ont été réduits au portant ».

Ils se projettent direct vers la suite, toujours avec la banane. Une sacrée mentalité, un bel esprit sportif, une sagesse… On sent toute l’expérience de sportif de haut niveau, la victoire se construit sur les défaites.

Il fallait me prévenir de l’ascenseur émotionnel produit par la course au large, j’étais pas prêt !

Une image contenant eau, plein air, Voilier

Description générée automatiquement

Anthony Marchand se repose un peu à l’avant de Biotherm. | RONAN GLADU / BIOTHERM

Mais moi, j’ai pas cette expérience : sportif de « gros-niveau », nul en tout, j’ai toujours tenu à distance le besoin « d’être meilleur que les autres », la compétition en général…

Sauf que là, je me suis complètement pris au jeu ! Ho, m**de quoi, ça fait 10 jours qu’on est 2e et là hop, on nous double par la gauche au dernier moment ?? Et pourquoi la ligne elle n’était pas au cap Leeuwin, hein ?? Injuuuustice ! Haha, sérieux : il fallait me prévenir de l’ascenseur émotionnel produit par la course au large, j’étais pas prêt !

Du coup je suis un peu en « bad »… Heureusement que le reste de l’équipage est en mode « moine Shaolin du 7e ciel » à s’auto-inoculer de l’encens et de la « zenitude »… je vais suivre leurs exemples, leur chemin de paix et d’harmonie… « gong » (M**de quoi, on était 2e ! Pu*ain, haha).

Toutes nos offres d’abonnement : à partir de 4 euros par mois

Nous alternons des jours et des nuits de portant dans une mer globalement dégueulasse

Maintenant l’Australie passée, nous sommes autorisés à redescendre plus Sud.

Actuellement dans les « cinquantièmes hurlants », nous alternons des jours et des nuits de portant dans une mer globalement dégueulasse.

D’abord du vent soutenu – 30 nœuds – puis quelques jours à 20 nœuds et aujourd’hui mercredi le vent a reforci : nous naviguons 2 ris dans la grand-voile et Jib Top devant.

Le « Jib Top », ou « mule » ou encore « string » selon les quarts, est une voile de portant spécialement développée pour ces latitudes : vent fort, mer formée. Les marins sont tous contents de pouvoir l’essayer !

Une image contenant plein air, eau, personne, sport

Description générée automatiquement

Le skipper Paul Meilhat replie une voile. | RONAN GLADU / BIOTHERM

Après ces jours de reaching intense, j’attendais le portant avec impatience, pour souffler, me reposer…

En fait je me demande si c’était pas plus agréable, le vent de travers ? !

Où que tu sois, c’est un freinage intensif, dans le sac de couchage, dans la descente, le poste de veille ou encore sur le seau…

C’est aussi très intense de partir en surf – que le pilote a du mal à contrôler – pour finir par planter en bas de vague et parfois au tas : la vague fait un « croche-patte » au bateau qui se couche de travers dans l’eau…

Heureusement l’équipage est toujours vigilant sur les écoutes, jusqu’ici le bateau s’est redressé vite et en douceur !

Par contre à chaque planté, si tu n’as pas les deux mains solidement en prise, tu voles dans le bateau (sauf pour Damien qui est un super-héros, bien sûr !).

Où que tu sois, c’est un freinage intensif, dans le sac de couchage, dans la descente, le poste de veille ou encore sur le seau…

Oui le paresseux a fait des cascades, du « surf sur seau à caca » … je ne préfère pas en parler et garder le peu de dignité qu’il me reste !

Auprès de Damien et Antho – qui étaient de quart pendant l’action – je n’en ai plus du tout : rarement vu un fou rire aussi franc et massif, du vrai « Charlie Chaplin fécal ! »

VOIR AUSSI :

VIDÉO. The Ocean Race. « Une étape assez pénible en ce moment » : Grand-voile déchirée sur 11th Hour

Une image contenant personne, sombre

Description générée automatiquement

Lors de l’inspection, une fissure dans la structure longitudinale du bateau a été détectée. Anthony Marchand et le skipper Paul Meilhat ont appliqué des couches de fibre de carbone pour le réparer. | RONAN GLADU / BIOTHERM

Une fissure énorme (3 mètres) dans la structure en carbone de l’Imoca !

Nous gagnons environ 30 minutes de jours par 24 heures, nous sommes en train d’enchaîner tous les fuseaux horaires de la planète les uns après les autres, dans un jetlag permanent !

Dur de garder la notion du temps, mais je crois que c’était dans la nuit de dimanche à lundi, Antho passe l’éponge journalière à l’arrière du bateau et découvre…

Une fissure énorme (3 mètres) dans la structure en carbone de l’Imoca !

Dans le sens de la longueur, sous le vent (là ou ça tape depuis 1 semaine, en gros !).

Moi je trouve ça flippant comme nouvelle, pour eux, pas de problème, que des solutions : on arrête le bateau, une ou deux photos à Marc (Liardet, le boat captain) et on sort les blouses de travail et les kits de « strats » (résine et carbone) en attendant le verdict de l’équipe technique !

« C’est pas si grave, vous pouvez même repartir comme ça pour l’instant, voici les infos techniques de la colle et du tissu à appliquer ».

Sam et Damien remettent le bateau en route, pendant que Paul et Antho s’affairent comme des p’tites fourmis de chaque côté de la structure : rincer à l’eau douce, tracer la zone, poncer (le plus long !), Appliquer une 1re colle, du tissu de carbone pré-imprégné de résine et une dernière couche de fibre de verre, le tout en moins de 2 heures, sans vraiment arrêter le bateau : des machines les types ! Seul problème, la colle ne veut pas prendre, il fait trop froid !

Antho a dû dégainer le jetboil (notre réchaud à gaz de cuisine) en mode chalumeau et sécher l’intégralité de la réparation avec !

On mangera peut-être des lyophilisés froids en fin de parcours, mais on a un renfort tout neuf !

The Ocean Race : suivez les concurrents sur la cartographie

L’équipage s’occupe des voiles sur le pont de Biotherm. | RONAN GLADU / BIOTHERM

Heureusement que tout l’équipage est au top, motivé, heureux et joyeux, parce que dans ces conditions de vie, avec le froid et l’humidité, ça pourrait être dur !

Le moral va beaucoup mieux, ce matin on a même vu un lever de soleil entre les nuages, le premier depuis 2 semaines : Pacifique nous voilà, à très vite !

The Ocean Race Biotherm IMOCA tour du monde