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Spécialisée dans la modélisation digitale des navires, la société Syroco d’Alex Caizergues – kitesurfer français le plus titré et recordman mondial de vitesse – développe depuis 2019 son projet de Speed Craft pour pulvériser le record absolu de vitesse à la voile sur l’eau à plus de 150 km/h (plus de 80 noeuds).

Le prototype au tiers navigue depuis l’été 2021 et il a d’ores et déjà validé en réel la simulation numérique d’un foil qui n’est plus plan porteur mais rétenteur.

Une révolution en vol.

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La maquette au tiers navigue depuis des mois en rade de Marseille. Tractée par un semi-rigide, elle vole désormais de manière stable, validant la simulation numérique et l’alimentant en données. | (© SYROCO)

Olivier CHAPUIS. Modifié le 29/04/2022 à 18h10

Le record absolu de vitesse à la voile sur l’eau – 65,45 nœuds (121,21 km/h) – est détenu depuis le 24 novembre 2012 par Vestas Sailrocket 2 de l’Australien Paul Larsen qui l’avait établi à Walvis Bay en Namibie.

Tandis que Team New Zealand chasse le record de vitesse à la voile sur la terre ferme – ces 126,1 mile/heure ou 202,9 km/h (109,56 noeuds !) appartiennent à Greenbird de l’Anglais Richard Jenkins depuis le 26 mars 2009 -, le projet français du Speed Craft Syroco vise les 150 km/h (80,99 nœuds) sur l’eau, à la voile, avec le kitesurfer Alex Caizergues aux commandes.

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Le 13 novembre 2017, sur la base de vitesse de Salin-de-Giraud en Camargue, Alex Caizergues atteint 57,97 nœuds, record absolu de vitesse en kitesurf. | (© AQUA TERRA PHOTOS / SALT & SPEED)

Alex Caizergues (43 ans), kitesurfer français le plus titré avec quatre titres de champion du monde en vitesse, fut le premier à dépasser les 100 km/h sur l’eau (54,10 nœuds en octobre 2010).

Il a amélioré six fois le record du monde de vitesse en kitesurf dont la dernière fois, le 13 novembre 2017, sur la base de vitesse de Salin-de-Giraud en Camargue, laquelle fut lancée avec son père Philippe, un pionnier des runs en windsurf à Port-Saint-Louis-du-Rhône au début des années 1980.

Ces 57,97 nœuds (107,36 km/h) restent à ce jour le record du monde de vitesse en kitesurf. Alex est ainsi invaincu depuis ses 56,62 nœuds de novembre 2013, précédent record.

Doubles numériques

Quant au record absolu de vitesse à la voile, Alex Caizergues l’a amélioré deux fois avec son kite, en 2008 et 2010.

Autant dire que l’homme sait ce qu’aller très vite sur l’eau veut dire.

Ce savoir-faire s’ajoute à un faire-savoir, Caizergues ayant mené à bien des études de marketing et ayant travaillé comme commercial avant de se lancer dans la compétition en kitesurf en 2005.

En 2019, entre autres activités, il cofonde ainsi la société Syroco dont il prend la présidence et qui emploie aujourd’hui vingt personnes à Marseille.

Syroco travaille notamment sur l’optimisation de l’efficacité énergétique des navires et la réduction de leur impact écologique.

La société a développé à cet effet une plateforme décisionnelle reposant sur les doubles numériques desdits navires.

Le projet Speed Craft Syroco qui a lui aussi son jumeau numérisé s’inscrit pleinement dans cette démarche de recherche appliquée, au-delà de l’aspect purement sportif, non seulement pour toute la technologie développée en matière de modélisation digitale, afin de réussir ce pari, mais aussi quant à la manière de penser l’architecture navale de demain.

À cet égard, la dimension médiatique du projet et les retombées attendues sont pleinement assumées.

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Cette image de synthèse montre que Syroco sera constitué d’une nacelle légère tractée par une aile de kite et d’un foil dont l’attache par filin n’apparaît pas ici. | (© SYROCO)

Syroco sera constitué d’une nacelle légère, d’un foil et d’une aile de kite alliant hydrodynamisme et aérodynamisme épurés, indispensables pour dépasser 80 nœuds.

Ces éléments sont reliés entre eux par des cordages fins – y compris la nacelle et le foil ! -, foil dont le rôle n’est pas de faire décoller ladite nacelle mais de l’empêcher de déraper et de s’envoler littéralement.

Comme l’explique l’architecte naval Olivier Taillard, cofondateur de Syroco et directeur technique, passé chez VPLP (2016-2019) et Pogo Structures (2011-2016), c’est tout le paradigme du voilier, en l’occurrence du foiler, qui est ainsi remis en cause.

Les efforts sur le foil s’exercent dans le sens inverse par rapport à un foiler classique mais les contraintes mécaniques n’en demeurent pas moins importantes.

De même, la réduction maximale de la friction et de la traînée est recherchée. Le foil est non seulement inversé mais aussi conçu pour travailler en super cavitation compte tenu de la vitesse à laquelle cette aile devra fonctionner sous l’eau, à une profondeur constante contrôlée par des volets, sans faire de vagues ralentissantes à la surface qui sera uniquement traversée par la fine ligne reliant le foil à la nacelle.

Près de vingt profils de ”plans rétenteurs” – appelons-les ainsi par opposition aux plans porteurs -, ont été testés en mer.

Près de vingt profils de “plans rétenteurs” – appelons-les ainsi par opposition aux plans porteurs -, ont été testés en mer lors de runs permettant également de vérifier tous les systèmes embarqués, en particulier pour les réglages à distance du foil et de l’aile.

La maquette au tiers navigue depuis l’été 2021 en rade de Marseille (la nacelle en carbone de ce prototype mesure 2,40 mètres de long contre 7,20 mètres pour l’engin à échelle 1).

Grâce à des recherches poussées, notamment en matière de contrôle d’attitude, elle vole désormais de manière stable.

La toute prochaine étape consistera à remplacer le vol tracté depuis un semi-rigide, avec un mât de cinq mètres de hauteur permettant de simuler l’angle de traction final, par une véritable aile de kite.

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La maquette prototype (2,40 mètres de long) est bardée de capteurs alimentant en données les ingénieurs de Syroco pour affiner la modélisation de l’engin qui sera piloté par Alex Caizergues. | (© SYROCO)

Qui de Syroco ou du projet suisse SP80 de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) – au concept assez proche et dont la construction est déjà en cours (Persico, le chantier italien constructeur de SP80 est aussi l’un des fournisseurs officiels de Syroco) alors que Syroco pourrait n’être prêt qu’en 2023 -, sera le premier à franchir le mur des 80 noeuds ?

La réponse devrait intervenir dans les prochains mois. Et cela promet d’être passionnant.

O.C.

P.S. Mon blog Route fond continue sur cette page Olivier Chapuis .

Celle-ci héberge non seulement les nouveaux articles mais aussi tous ceux publiés sur Route fond depuis le premier, mis en ligne le 1er décembre 2008.

RECORD ARCHITECTURE NAVALE