https://www.jim.fr/e-docs/00/02/AD/95/carac_photo_1.jpg Publié le 07/01/2019

Les individus ayant été exposés, de façon directe ou indirecte, à la mort ou à des menaces de mort, à des traumatismes sévères ou à des violences sexuelles réagissent, psychologiquement, de façon très diverse, allant d’une réaction transitoire, non invalidante à un syndrome de stress post traumatique (SSPT) aigu. On estime que 6 à 7 % des adultes issus de la population générale US ont, durant leur vie, été confrontés à un SSPT. La prévalence de ce désordre est plus élevée chez les femmes. En 2016, il affectait 10,6 % des anciens militaires suivis par la Veterans Health Administration, et 26,7 % de ceux ayant servi en Irak et/ou en Afghanistan.

Faisant suite à de précédentes publications datant de 2004 et 2010, l’US Departement of Veterans AffairsUS Department of Defense (VA/DoD) a, en 2017, avec l’aide d’un groupe d’experts, réactualisé ses recommandations concernant la prise en charge d’un SSPT et des troubles aigus liés au stress chez des individus ayant été exposés à des évènements traumatiques graves. Douze questions clés ont été identifiées par le groupe de travail, les réponses ayant fait l’objet d’une recherche exhaustive dans la littérature médicale publiée entre Janvier 2009 et Mars 2016 ; 122 publications, répondant à une ou plusieurs des questions posées ont été sélectionnées. Par la suite, chaque recommandation émise a été assortie d’un niveau de preuve selon la méthodologie GRADE. Les recommandations essentielles de la VA/DoD sont au nombre de cinq.

Psychothérapie individuelle ou pharmacothérapie

La première d’entre elles porte sur la psychothérapie individuelle et manuelle axée sur le trauma (TFP), visant l’exposition et/ou la restructuration cognitive. Cette technique est recommandée en première intention dans la prise en charge primaire d’un SSPT, de préférence aux autres interventions possibles, pharmacologiques ou non pharmacologiques. Il s’agit là d’une recommandation forte mais dont la qualité de preuve n’est pas précisée. Elle repose sur les résultats de plusieurs méta-analyses qui, toutes, avaient montré que l’ampleur de l’effet étai plus marquée avec une TFP qu’avec d’autres interventions et que son bénéfice avait été durable dans le temps.

En second lieu, quand une TFP s’avère matériellement impossible ou n’est pas souhaitée par le malade, il est possible de recourir à une pharmacothérapie par sertaline, paroxétine, fluoxétine ou venlafaxine. La recommandation est de niveau faible, avec une preuve de qualité modérée. On peut aussi se tourner vers une psychothérapie individuelle non centrée sur le trauma (recommandation faible, niveau de preuve non établi). Entre ces 2 approches, les preuves manquent pour recommander une pharmacothérapie vs une psychothérapie non centrée sur le traumatisme. Dans ces cas également, comme pour les TFP, les recommandations sont basées sur la comparaison de l’ampleur des impacts de ces différentes méthodes.

La VA/DoD se prononce contre l’emploi de la prazosine, tant comme monothérapie qu’en adjuvant en cas de SSPT (recommandation avec niveau de preuve modéré). Elle n’émet aucune recommandation en faveur ou contre le recours à la prazosine dans les cauchemars liés à un SSPT. Ces conclusions sont basées sur le fait que cette molécule n’apporte, en complément, aucun bénéfice, comparativement à un placebo, dans la réduction des symptômes ou dans l’amélioration fonctionnelle chez des vétérans souffrant d’un SSPT.

Le groupe d’experts de la VA/DoD est également opposé, voire très opposé, à l’usage d’une longue liste de médicaments incluant antidépresseurs, antipsychotiques et antiépileptiques. Il se fonde sur l’absence de preuves pouvant témoigner de l’efficacité de ces diverses classes thérapeutiques, avec, dans le même temps, un risque iatrogène possible. Cela est notamment le cas pour la rispéridone, pour laquelle sont disponibles des preuves patentes de son inefficacité, couplées à une nocivité certaine. Les experts ne préconisent pas non plus l’emploi des benzodiazépines, de par leur risque d’effets secondaires. Ils sont aussi hostiles à l’emploi du cannabis et de ses dérivés, des anticonvulsivants, de tous les antipsychotiques et de nombreux antidépresseurs.

Dernier point abordé, le niveau de preuves a été insuffisant pour recommander la combinaison d’une psychothérapie et d’une pharmacothérapie.

Besoin de nouvelles thérapeutiques

Au total, nombre de traitements non validés sont souvent utilisés, en clinique, dans la prise en charge d’un SSPT. L’intérêt de la revue de la VA/DoD a été de sélectionner les thérapeutiques dont l’efficacité a été bien prouvée, à savoir les TFP et un nombre restreint de traitements psychopharmacologiques et celles pour lesquelles le niveau de preuve est moindre mais dont les effets secondaires sont limités, telles les psychothérapies non centrées sur le traumatisme. Le danger théorique de cette démarche est de s’opposer à l’usage de nouveaux traitements potentiels chez des malades non répondeurs aux thérapeutiques ayant fait leurs preuves.

Il importe de se rappeler que la plupart de ces recommandations sont fondées sur la comparaison de l’ampleur des effets, constaté dans diverses méta-analyses, ampleur très variable selon la méthodologie employée. Ainsi l’effet est-il plus grand quand la comparaison est faite avec des malades en liste d’attente plutôt qu’avec des patients sous traitement actif. On se doit aussi de signaler que la recommandation allant contre l’emploi de la prazosine est en totale contradiction avec son utilisation très répandue, à travers le monde, dans le traitement du SSPT. Enfin, on ne peut, en théorie, exclure un possible conflit d’intérêt entre DoD et VA.

La première a pour but essentiel de maintenir les forces armées dans de bonnes conditions physiques et mentales tandis que la seconde doit prendre en compte le coût financier de la délivrance des soins. Surtout, une TFP intensive individualisée est contraignante ; elle requiert l’intervention de psychothérapeutes spécialisés et expérimentés, parallèlement à une disponibilité et un accès aisé des patients, couplée à une grande motivation des praticiens et des malades. Ainsi donc existe-t-il, encore de nos jours, un grand besoin de mise au point de thérapeutiques efficaces et facilement disponibles.

Dr Pierre Margent

RÉFÉRENCE : Ostacher MJ et coll. : Management of Post Traumatic Stress Disorder. JAMA Clinical Guidelines Synopsis. JAMA, 2018 ; publication avancée en ligne le 17 décembre. doi:10.1001/jama.2018.19290

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