Publié le 03/03/2021
Le risque cardiovasculaire n’épargne personne et, à cet égard, les patients atteints de démence n’y échappent pas.
De plus il y a démence et démence, les formes débutantes, celles du patient encore jeune, les comorbidités telles diabète ou HTA etc.
Autant de situations cliniques où la prescription de statines peut être envisagée, même si dans les formes évoluées des démences, elle semble inappropriée.
Or les recommandations dans ce domaine sont peu prolixes : elles ont été établies pour des patients indemnes de démence, de sorte qu’il est permis de s’interroger sur les avantages et les inconvénients des statines face à une dyslipidémie chez les patients déments.
Une revue systématique de la littérature internationale apporte un éclairage – plutôt faible- sur cette problématique.
Les bases de données PubMed, Web of Science et Cochrane trial database ont été interrogées pour la période allant de 2007 à 2019.
La recherche d’études d’observation et d’essais randomisés incluant des patients déments âgés d’au moins 65 ans a été décevante, alors qu’elle a été large puisqu’elle a porté sur toutes les formes de démence qu’elle qu’en soit l’étiologie.
Le traitement par les statines devait avoir duré au moins 6 mois.
Les critères d’évaluation ont été multiples : survenue d’évènements cardiovasculaires majeurs, progression de la démence, état de santé au terme de 2 ans de suivi, évènements indésirables imputables aux statines quel que soit le moment de l’étude.
Chaque article a été évalué avec la plus grande rigueur à l’aide d’outils validés pour ce qui est notamment de la recherche de biais.
Cinq articles répondaient aux critères d’inclusion.
Seuls des patients atteints d’une maladie d’Alzheimer avaient été inclus dans ces études de cohorte.
Aucune information pertinente ne concernait ni les évènements cardiovasculaires majeurs, ni l’état général.
Un effet bénéfique des statines, à savoir une progression plus lente de la démence avec ces médicaments, a été suggéré par trois études de cohorte, mais les résultats obtenus, compte tenu de la méthodologie utilisée et de leur hétérogénéité, n’inspirent guère véritablement confiance.
Des résultats incertains
Si l’on se penche sur l’acceptabilité des statines, les résultats ne sont guère plus convaincants puisque seuls deux essais randomisés d’une durée de 18 mois permettent de s’en faire une faible idée : en principe, aucune différence intergroupe statistiquement significative n’est mise en évidence quant à la fréquence des évènements indésirables.
Globalement, le risque correspondant est en effet estimé à 1,21 (intervalle de confiance à 95 % ; IC 95% = 0,83-1,77) s’ils sont tous pris en compte, quels que soient leur type ou leur sévérité.
Si on limite la comparaison aux évènements indésirables sérieux associés aux statines, l’OR est alors de 1,03 (IC95% = 0,76-1,87).
Quant à la mortalité, l’OR correspondant est estimé à 1,69 (IC95% = 0,79-3,62).
Des résultats sujets à caution, compte tenu de la faiblesse des effectifs.
Force est de reconnaître que l’évaluation des statines dans le cadre des démences est plus qu’insuffisante.
A l’heure actuelle, il est impossible de juger en toute rigueur du rapport bénéfice/risque de ces médicaments.
Sont-ils capables de freiner la progression de la maladie ?
Si certains essais randomisés brefs ont répondu positivement, deux autres de plus longue durée ont été négatifs.
Quant à l’acceptabilité, les études disponibles manquent de la puissance statistique nécessaire à la détection de différences significatives entre les groupes comparés.
Il est clair que l’apport éventuel des statines dans les démences mérite d’être précisé par des études ad hoc afin de guider la prescription et de déboucher, un jour, sur des recommandations qui font actuellement défaut.
Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCE : Davis KAS et coll. Benefits and Harms of Statins in People with Dementia: A Systematic Review and Meta-Analysis. J Am Geriatr Soc. 2020;68(3):650-658. doi: 10.1111/jgs.16342.
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N’ayons pas peur de l’effet des statines sur la mémoire des patients âgés !