Revue de presse Mediscoop du 24-06-2021 – Date de publication : 24 juin 2021
Cécile Thibert note dans Le Figaro que « depuis plusieurs années, de nombreux pays voient leur taux de fécondité diminuer.
Même si elle reste le pays le plus fécond de l’Union Européenne, la France voit également reculer son taux de fécondité depuis 2015, pour atteindre 1,84 enfant par femme en 2020.
Avec la crise du Covid, la tendance s’est encore accentuée en 2020, année qui a vu naître 740.000 enfants, contre 818.000 en 2014 ».
La journaliste s’interroge : « Cette baisse de la fécondité (le fait de faire des enfants) est-elle pour autant le reflet d’une baisse de la fertilité (la capacité physiologique à se reproduire) ? Et si oui, à qui la faute ? ».
« Des facteurs environnementaux tels que la pollution, les perturbateurs endocriniens, les substances chimiques utilisées dans l’industrie et l’agriculture et même certains médicaments peuvent impacter la fertilité.
Mais ils sont loin d’être les seuls en cause », poursuit Cécile Thibert, qui « a mené l’enquête auprès de biologistes, médecins spécialistes de la procréation et démographes ».
Elle rappelle tout d’abord que « la fertilité humaine est un phénomène particulièrement complexe à étudier, tant elle dépend de nombreux facteurs (génétiques, biologiques, environnementaux, sociétaux…).
Et dans tous les cas, la conception d’un enfant est le fruit d’un processus fragile et délicat qui nécessite une mécanique biologique parfaitement huilée ».
Daniel Vaiman, responsable de l’équipe « Des gamètes à la naissance » au sein de l’Inserm, indique ainsi que « la fabrication de cellules reproductrices, la fusion de deux gamètes d’organismes différents, l’ancrage de l’œuf dans l’utérus… N’importe quoi qui agit sur ces mécanismes peut entraîner une hypofertilité ou une infertilité ».
Cécile Thibert note qu’« en France, deux grandes enquêtes ont tenté de mesurer la fréquence de l’infertilité, de deux façons différentes : l’enquête nationale périnatale en 2003, et l’étude de l’Observatoire épidémiologique de la fertilité en France en 2007-2008.
Au total, 18 à 24% des couples souhaitant une grossesse ne l’ont pas obtenue après un an sans contraception, et 8 à 11% après deux ans.
Il s’agit donc d’un problème de santé non négligeable ».
La journaliste souligne toutefois qu’« il n’existe pas de consensus scientifique clair et net allant dans le sens d’un affaiblissement global de nos capacités à nous reproduire ».
La Dr Charlotte Dupont, biologiste médicale à l’hôpital Tenon (AP-HP, Paris), relève ainsi que « c’est assez difficile à évaluer car nous manquons de points de comparaison avec le passé. […]
La fertilité de la femme est particulièrement complexe à étudier puisqu’on ne dispose pas d’éléments de mesure. À ma connaissance, aucune étude n’a montré que la réserve ovarienne de la femme a diminué ces dernières décennies ».
Cécile Thibert observe que « la fertilité masculine se prête mieux à l’étude, grâce à l’analyse de sperme.
En 2017, une équipe de chercheurs Américains et Israéliens a passé en revue toutes les études sur ce sujet.
Ils en ont conclu qu’entre les années 1970 et 2010, la concentration en spermatozoïdes dans le sperme a diminué de 50% en Amérique du Nord, en Europe et en Australie ».
« Pour autant, cette concentration reste supérieure à la valeur basse de référence fixée par l’OMS, soit 15 millions de spermatozoïdes par millilitre.
Par ailleurs, la concentration en spermatozoïdes n’est pas un si bon indicateur de la fertilité. […]
Outre la quantité de spermatozoïdes, leur qualité (morphologie, mobilité, vitalité) joue aussi un rôle majeur », poursuit la journaliste.
Daniel Vaiman explique : « Dans l’espèce humaine, seuls 30 à 40% des spermatozoïdes de l’éjaculat sont normaux en moyenne, contre plus de 90% dans d’autres espèces animales comme les rongeurs et les bovins. Peut-être que même avant la révolution industrielle, la qualité du sperme humain était moindre que celle de pas mal d’espèces sauvages.
On estime que la population humaine actuelle pourrait être issue de seulement 10.000 personnes.
Or cette consanguinité initiale pourrait très bien avoir été défavorable à notre fertilité ».
La Pr Catherine Guillemain, responsable du service de Biologie de la Reproduction à l’Hôpital de la Conception à Marseille, indique pour sa part que « l’infertilité est multifactorielle et on ne peut pas négliger l’influence de facteurs environnementaux sur la reproduction.
Mais la première cause est que les couples ont un projet parental de plus en plus tardivement. […]
À la naissance, les petites filles ont un stock d’ovocytes défini.
Plus le temps passe, plus il diminue.
On part de quelques centaines de milliers à zéro à l’âge de 50 ans.
Chaque mois, on en perd beaucoup ».
Cécile Thibert indique : « Outre l’âge, le mode de vie a un impact très important sur la capacité à concevoir un enfant ».
Daniel Vaiman remarque ainsi : « On sait que les personnes en surpoids ou obèses souffrent d’une baisse de fertilité.
C’est vrai aussi bien pour les hommes que pour les femmes.
Or il y a une épidémie d’obésité dans le monde ».
« Le tabagisme, la consommation fréquente d’alcool ou encore l’absence d’activité physique font aussi le lit de l’infertilité », relève la journaliste, qui poursuit : « Quant aux polluants environnementaux et aux perturbateurs endocriniens, il est extrêmement difficile d’établir clairement leur rôle sur la fertilité humaine. […]
L’une des hypothèses actuellement discutée est qu’une exposition à ces substances au cours de la vie fœtale pourrait avoir un impact sur la fertilité à l’âge adulte ».