Les jeunes qui rapportent avoir une « autre identité de genre » peuvent être jusqu’à trois fois plus nombreux que leurs camarades à présenter des signes inquiétants pour leur santé mentale, prévient une nouvelle enquête.
Par Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne
03/03/2022
Ces jeunes étaient par exemple beaucoup plus susceptibles que les autres de percevoir que leur santé mentale est « passable » ou « mauvaise »; de ressentir des symptômes d’anxiété ou de dépression modérés à sévères; ou d’avoir récemment considéré qu’il serait préférable que leur vie prenne fin.
« C’est vraiment choquant », a réagi la responsable de l’enquête, la docteure Mélissa Généreux, qui est professeure agrégée à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke.
« Ce que l’enquête révèle, c’est qu’au-delà des écarts qui existent entre les filles et les garçons, on voit que les personnes qui ne se définissent ni comme une fille ni comme un garçon (…) vont avoir des indices de santé mentale vraiment plus défavorables en moyenne. »
Le sondage d’une dizaine de minutes a été réalisé en ligne entre le 17 janvier et le 4 février.
Quelque 33 000 jeunes âgés de 12 à 25 ans, et provenant de 106 établissements d’enseignement dans quatre régions de la province, y ont répondu.
Quelque 600 jeunes qui y ont participé ont ainsi confié que leur identité de genre est « autre » que garçon ou fille.
Ainsi, quand on a demandé aux participants si, au cours des deux dernières semaines, ils ont cru qu’ils seraient mieux morts ou s’ils ont envisagé de se faire du mal, ce sont 69% des jeunes ayant une autre identité de genre qui ont répondu par l’affirmative au niveau du cégep ou de l’université – contre 24% des garçons et des filles.
S’il est « inacceptable » et « inquiétant » de constater qu’un jeune sur quatre a récemment pensé qu’il serait mieux mort, « ça dépasse un peu l’entendement de voir que le niveau de souffrance psychologique et de désespoir peut être aussi élevé (…) chez nos jeunes transgenres ou non binaires », a dit la docteure Généreux, qui a récemment annoncé qu’elle sera candidate à l’investiture de Québec solidaire dans la circonscription de Saint-François, en Estrie.
Au secondaire, la proportion de jeunes ayant eu de telles pensées était de 66% pour les jeunes qui ont une autre identité de genre, mais de 16% pour les garçons et de 35% pour les filles.
Toujours au secondaire, 73% des jeunes ayant une autre identité de genre ont dit que leur santé mentale est « passable » ou « mauvaise », comparativement à 14% pour les garçons et 34% pour les filles.
Aux niveaux collégial et universitaire, le pourcentage bondit à 83% pour les jeunes qui se définissent comme « autres », contre environ 40% pour les garçons et les filles.
Anxiété et dépression
Questionnés quant à savoir s’ils ont ressenti des symptômes d’anxiété (comme la nervosité, l’agitation ou l’irritabilité) ou de dépression (comme un appétit perturbé, de la fatigue ou des idées noires) au cours des deux dernières semaines, ce sont 78% des jeunes ayant une autre identité de genre qui ont répondu « oui » au niveau secondaire et un estomaquant 91% au niveau collégial ou universitaire.
L’écart est d’environ 20 points de pourcentage avec les filles et 50 avec les garçons au niveau secondaire, et d’environ 30 points avec les filles et 40 avec les garçons aux études postsecondaires.
De même, quand les chercheurs ont questionné les participants quant à leur niveau d’optimisme, ils ont constaté que 85% des jeunes « autres » avaient un faible niveau d’optimisme, contre 70% pour les filles et 59% pour les garçons.
La pandémie a possiblement privé ces jeunes de l’aide et des ressources dont ils auraient eu besoin, croit la docteure Généreux.
« Ce sont des personnes qui, à la base, ont toutes sortes d’enjeux d’isolement, de solitude accrue, a-t-elle dit.
Ce sont des personnes qui vont avoir vraiment besoin d’avoir accès à différents types de soins ou de services de soutien, de ressources dans la communauté pour avoir un accompagnement quand même assez individuel.
« Tout ça a pu avoir été beaucoup ralenti (par la pandémie), non pas parce que les organismes ne sont pas actifs, mais parce qu’encore faut-il avoir la capacité d’organiser ça en présentiel. »
L’aide dont ces jeunes disent avoir besoin est d’ailleurs différente.
Si garçons et filles ont indiqué que le sport et les activités parascolaires sont des leviers importants de leur santé, les jeunes transgenres ou non binaires demandent plutôt des espaces où s’exprimer et se détendre.
Enfin, 20% des jeunes ayant une autre identité de genre ont rapporté avoir consommé du cannabis à au moins une reprise au cours du mois précédent l’enquête, soit presque trois fois plus que les garçons et les filles.
Leur consommation d’alcool suivait une tendance similaire.
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