La décision des organisateurs du circuit SailGP de retransmettre la vitesse des bateaux en kilomètre/heure a fait grincer les dents des puristes.
Destinée au « grand public », elle est censée lui faire mieux comprendre à quel point ces F50 sont devenus rapides, affichant des vitesses stratosphériques au récent Grand Prix des Bermudes.
Pour Voiles et Voiliers, Billy Besson et Philippe Presti expliquent ces performances hors-norme et évoquent l’objectif « facilement atteignable » des 60 nœuds.
L’arrivée d’une nouvelle aile monotype dédiée aux vents forts va encore élever le niveau de performances des F50 du circuit SailGP, déjà impressionnant lors de la saison précédente. | SIMON BRUTY POUR SAILGP
Christophe FAVREAU. Publié le 20/05/2021 à 18h45
Parlons en kilomètre par heure, alors.
Du moins provisoirement.
Avec des records de vitesse enregistrés de 94,8 km/h pour les Anglais, de 93,50 km/h pour les Français ou encore de 93,03 km/h pour les Australiens, le Grand Prix des Bermudes a inauguré de façon spectaculaire le retour des F50 après une pause de 14 mois, pour cause de pandémie mondiale.
L’arrivée sur le circuit 2021-2022 d’une nouvelle aile plus petite (18 mètres de haut au lieu de 24), dédiée aux vents plus forts, offre de nouvelles perspectives de performance et de configuration tactique aux huit équipages qui vont s’affronter tout au long de la saison.
« Les plus grosses performances du Grand Prix des Bermudes ont été réalisées avec la petite aile » commente Philippe Presti, le coach français de l’équipe américaine emmené par l’Australien James Spithill.
Je pense que les F50 peuvent atteindre les 60 nœuds assez facilement
« La raison est assez simple puisque la réduction de surface de l’aile implique une diminution de la traînée de celle-ci, ajoute-t-il.
Moins de freins aérodynamiques, cela veut dire plus de vitesse.
C’est quelque chose que les équipages ont senti immédiatement.
Ces bateaux volants utilisent le vent apparent.
Une fois qu’ils volent, la surface et la puissance de l’aile qui les a aidés à décoller deviennent inutiles, voire contre-productives à mesure que la vitesse augmente.
Une petite aile permet donc d’aller plus vite ».
Reste que si la réduction de l’aile permet d’augmenter la vitesse des bateaux, la cavitation des foils constitue une autre limite.
« Les foils sont dessinés pour atteindre des vitesses de cavitation autour des 47,48 nœuds.
Dès que l’on dépasse ces vitesses, on ajoute des freins, cette fois hydrodynamiques.
En plus on altère le profil des foils qui portent beaucoup moins du coup, ce qui oblige à augmenter les réglages qui favorisent la portance mais qui eux aussi freinent le bateau…
Bref, l’équation devient vraiment compliquée dans ces zones de grande vitesse mais la barre des 100 km/h est tout à fait atteignable.
Mais les F50 ne sont pas pour autant faits pour battre des records, pour aller au-delà des vitesses de cavitation des foils ».
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Pour Philippe Presti (au centre), coach français de l’équipe américaine, la limite symbolique des 100 km/h est largement atteignable sur les F50.
Pour le record de vitesse absolue sur l’eau (65,45 nœuds soit 121,21 km/h), c’est beaucoup plus improbable. | SIMON BRUTY POUR SELF
« Si l’on veut les faire aller au-delà, précise Philippe Presti, il va falloir revoir les profils des foils mais si on fait cela, nous allons perdre beaucoup dans les phases de transitions et les vents faibles, ce qui est problématique en termes de régate car ce n’est pas la vitesse absolue atteinte à un moment T mais bien la capacité des équipages à réaliser de belles manœuvres, sans perte trop importante de vitesse.
Reste qu’avec des foils dédiés à la vitesse, je pense que les F50 peuvent atteindre les 60 nœuds assez facilement », commente encore Philippe Presti.
Avec une visibilité limitée, cela commence à être chaud ! Mais cela fait partie de l’adrénaline !
Selon lui encore, le record de vitesse absolue de 65,45 nœuds établis par le britannique Paul Larsen sur son tripode Vestas Sailrocket le 24 novembre 2012 n’est pas à portée de telles plateformes volantes.
Ces bateaux restent dédiés à la régate et les vitesses atteintes posent déjà suffisamment de difficulté et de situations tendues pour ne pas en rajouter.
« Au largue, avec huit bateaux sur la ligne relativement proches les uns des autres et avec une visibilité limitée, cela commence à être chaud ! Mais cela fait partie de l’adrénaline ! » conclut le coach.
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Pour Billy Besson, passer la limite symbolique des 100 km/h en régate est une grande source de motivation. | MARIN LE ROUX POUR SAILGP
Une adrénaline dont se nourrit volontiers Billy Besson, le skipper de l’équipe française.
« Cette limite symbolique des 100 km/h est vraiment attrayante, explique-t-il.
J’ai vraiment envie d’y arriver ».
« L’arrivée de cette nouvelle aile nous permet d’aller beaucoup plus vite.
En revanche, elle est beaucoup plus exigeante en termes de réglages, qui doivent être permanents.
La moindre erreur se paye cash mais en revanche, quand on accélère dans cette nouvelle configuration, on a vraiment l’impression que la limite de vitesse est assez éloignée ».
41 nœuds… Au près !
« Pendant la régate de la dernière journée du Grand Prix des Bermudes, je me souviens que nous avons atteint les 41 nœuds, à 55° degrés du vent.
Au portant, je pense que les 55 nœuds sont facilement atteignables.
Ce sont des chiffres de dingues, improbables.
La réduction de la traînée rend la vitesse plus facile et génère de nouvelles situations tactiques, avec notamment des possibilités de remonter de façon spectaculaire ».
La limite des 100 km/h semble donc théoriquement « facilement » atteignable avec cette nouvelle aile monotype plus petite introduite cette année.
Si le vent vient à souffler de façon suffisante lors du deuxième Grand Prix de la saison qui sera couru dans le Sud de l’Italie les 5 et 6 juin prochains à Tarente, les chiffres pourraient continuer à s’envoler !