Membre de l’équipage français du circuit SailGP, au poste de tacticienne, Hélène Noesmoen a participé à l’intégralité des manches disputées au Grand Prix de Sydney.
Championne du Monde d’IQFoil, la planche à voile volante qui fera son entrée aux Jeux Olympiques de 2024, la Sablaise revient pour Voiles et Voiliers sur cette expérience exceptionnelle au cœur de l’arène qui rassemble les meilleurs marins du monde, à bord de catamarans à foils pouvant dépasser les 50 nœuds.
Championne du monde de planche à foil, Hélène Noesmoen a participé à l’intégralité du Grand Prix australien, au poste de tacticienne. | SAILGP FRANCE / MARIN LE ROUX
Christophe FAVREAU. Publié le 19/12/2021 à 17h43
Ce sont des bateaux très aboutis mais il y a énormément de paramètres à prendre en compte
Voiles et Voiliers : Hélène, toi qui est une spécialiste du foil, que peux-tu nous dire de ton expérience à bord du F50 français ?
Hélène Noesmoen : Ce sont des bateaux très complexes. Plus je navigue à bord et plus je perçois cette complexité.
Mon regard évolue beaucoup à chacune de mes navigations. Plus je comprends son fonctionnement, plus j’observe sa conception, plus cela me donne envie d’aller dans les détails.
Ce sont des bateaux très aboutis mais il y a énormément de paramètres à prendre en compte.
Du coup c’est vraiment très intéressant et je suis loin d’en avoir fait le tour.
Il y a tant de choses à découvrir. C’est très motivant.
Voiles et Voiliers : Peux-tu rappeler ton rôle à bord du bateau français ?
Hélène Noesmoen : Je suis tacticienne. Je suis un peu les yeux du bateau, celle dont le rôle est dédié à voir ce qui se passe sur l’eau, pendant que les autres membres de l’équipage sont affairés à faire avancer au mieux le bateau et à manœuvrer, quasiment en permanence.
Je fais toutes les annonces de ce qui se passe autour de nous, pendant que les autres ont la tête dans le guidon.
J’ai un rôle primordial de veille active, notamment au niveau des angles morts du bateau du barreur et du régleur d’aile notamment.
J’annonce aussi les croisements, les options tactiques. Bref, je suis la seule à bord à avoir en permanence les yeux à l’extérieur.
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Nouvelle recrue aux côtés de Quentin Delapierre, Helène Noesmoen joue un rôle primordial. Tacticienne du bord, elle doit évaluer un environnement extrêmement tendu où les décisions doivent se prendre très rapidement. | ELOI STICHELBAUT / SAILGP France
Pouvoir vivre des régates aussi intenses à ce poste est exceptionnel
Voiles et Voiliers : Tu es en quelque sorte aux premières loges pendant la régate…
Hélène Noesmoen : Oui ! C’est vraiment un privilège ! C’est top ! Pouvoir vivre des régates aussi intenses à ce poste est exceptionnel.
Mais je dois également beaucoup écouter ce qui se passe à bord, trouver le bon moment pour donner les infos.
Il y en a beaucoup que j’aimerais leur donner en direct mais les autres équipiers sont souvent déjà en train de communiquer entre eux.
Cela m’oblige à être hyper attentive pour voir à quel moment je dois parler ou me taire.
Championne du monde d’IQFoil, la future planche à voile volante qui sera utilisée aux Jeux Olympique de Paris en 2 024, Hélène Noesmoen découvre un peu plus à chaque navigation les spécificités et l’énorme potentiel du F50, un catamaran à foils capable de dépasser les 50 nœuds en régate. | SAILING ENERGY
Voiles et Voiliers : Sur ces régates très courtes qui se déroulent à grande vitesse, tu dois en tant que tacticienne prendre des décisions très rapides pourtant non ?
Hélène Noesmoen : Oui. Il est clair que tout se passe très vite, notamment les manœuvres où la vitesse de rotation est très élevée.
Quand un bateau proche vire ou empanne, les vitesses de rapprochement sont très rapides. En même temps, il faut tout anticiper.
C’est nécessaire pour lancer une manœuvre car il y a un protocole à respecter. Des équipiers qui doivent se déplacer en avance, il faut descendre les foils, etc.
Tout va vite et en même temps il y a une inertie qui fait que ce n’est pas une planche à voile. On ne peut pas changer la trajectoire en un quart de seconde.
C’est pour cela qu’il est important d’avoir quelqu’un qui observe ce qui se passe en permanence à bord du bateau, pour aider à mieux anticiper les situations d’urgence, qui sont nombreuses quand il y a 8 F50 au contact. Ça ne manque pas d’action.
Il faut paramétrer son cerveau en fonction du bateau
Voiles et Voiliers : Penses-tu que l’ajout de ce nouveau poste à bord va aider à fluidifier un peu l’action sur l’eau ? Augmenter la sécurité ?
Hélène Noesmoen : Je pense. Je l’espère en tout cas. C’est un peu le but de cette nouvelle fonction Le circuit SailGP est constitué de courses très denses et cela ne va pas s’arranger avec l’arrivée de deux nouvelles équipes qui va faire passer la flotte des Grand Prix à 10 bateaux.
Il sera d’autant plus important d’être propre tactiquement. Les F50 sont tellement exigeants en termes de contrôle, que ce soit en ligne droite ou dans les manœuvres que le poste de tacticienne, puisqu’il est occupé par des femmes au sein des équipages, est une aide précieuse.
Ce rôle participe à prendre le tempo de tous les croisements. Je vais devoir travailler ma connaissance des VMG, les gains ou les pertes des bateaux suivant les molles ou les risées. Il n’est pas encore évident pour moi de prendre des décisions tactiques tranchées.
Il faut des heures de navigation comme sur tous les bateaux. Il faut paramétrer son cerveau en fonction du bateau. C’est un apprentissage énorme.
C’est pour cela aussi que je dois régulièrement prendre la barre pendant les entraînements, pour mieux sentir ce qui se passe à bord et augmenter ma capacité à voir les choses venir en confiance.
Je dois apprendre à créer des habitudes de régate, donner des informations pertinentes qui participent à améliorer les performances.
Bateau complexe à l’énorme potentiel, le F50 offre des situations nouvelles à grande vitesse qui justifient la création d’un nouveau poste à bord, entièrement dédié à la tactique et la surveillance du plan d’eau. | SAILGP
Je retiens de tout cela que j’aimerais bien barrer mon propre bateau un jour !
Voiles et Voiliers : Tu expliques que tu as barré. Quelles sensations gardes-tu de cette expérience ?
Hélène Noesmoen : La première fois que j’ai barré, c’était lors du Grand Prix de Taranto, en Italie, dans des conditions vraiment légères.
Il y avait moins de 10 nœuds de vent. J’avais essentiellement navigué en ligne droite et c’est marrant parce que j’avais trouvé ça beaucoup plus chaud que lors des entraînements à Sydney qui étaient pourtant plus musclés.
Cela montre l’importance de naviguer. Cela permet également de sentir tout le potentiel du bateau, qui est vraiment énorme.
Les accélérations notamment sont incroyables… Je retiens de tout cela que j’aimerais bien barrer mon propre bateau un jour !
C’est vraiment un rôle très addictif. Mais le réglage de l’aile est très intéressant aussi car c’est un poste très intuitif, qui fait appel aux sensations.