ROUTE DU RHUM – François CHEVALIER – Publié le 30/10/2018
Un bon croquis, en guise de long discours.
À l’occasion des 40 ans de la Route du Rhum, la variété des six classes admises dans ce 11e cru nous permet de faire le point concernant l’évolution, sur quatre décennies, des formes des voiliers de course océanique. Dessinateur du magazine Voiles et Voiliers, François Chevalier n’a pas résisté au plaisir de nous en croquer les grands traits, en guise de long discours.
Les six Ultim engagés, par exemple, nous promettent un combat acharné pour battre le record absolu établi par Loïck Peyron. Les formes des coques, du coup, se sont adaptées aux bateaux volants, avec des fonds plats et de grands appendices porteurs. Ainsi le Maxi Gitana 17-Edmond de Rothschild possède-t-il les lignes les plus extrêmes de cette flotte. Des lignes dérivées des études sur les catamarans de la Coupe de l’America.
Les six Ultim, vedettes annoncées de cette 11e Route du Rhum. |
Chez les Class40, la classe la mieux représentée dans cette 11e Route du Rhum avec 53 concurrents sur 123 inscrits, le combat sera d’autant plus intense que cette catégorie est accessible, à moindre coût, aux plus mordus de la course au large. Souvent aussi les plus jeunes, donc les plus fougueux.
Si dans cette classe les formes sont libres ou à peu près, simplement encadrées par une box rule , les plans ont profité des avancées déjà réalisées en Mini et en IMOCA. Les restrictions de la jauge ont seulement limité les coûts. Ces voiliers restent relativement bon marché par rapport aux Multi50 ou aux IMOCA.
Les 53 Class40 effectueront une course dans la course.
Dépourvus de dérive, de quille basculante, de foils ou de matériaux exotiques pour renforcer leur coque, ces Class40 ont plutôt bien résisté à l’inflation. Même les étraves rondes de type scow, pourtant visibles sur certains Mini, sont en pratique interdites. Résultat, si vous n’avez pas trouvé de financement pour un IMOCA ou un Multi50, la solution Class40 vous permet de participer au Rhum dans une classe au sein de laquelle, amateurs et professionnels confondus, on court au plus haut niveau.
Carac , par exemple, un plan Lombard dernière génération, est parfaitement représentatif des dernières tendances avec son bouchain vif très bas qui ceinture la coque. L’évolution des formes a suivi celle des derniers Class America, et les coques des Class40 pourraient bientôt recevoir elles aussi le label de «boîtes à chaussures».
Avec ou sans foils, les IMOCA constitueront un avant-goût du prochain Vendée Globe.
Les IMOCA, eux, volent : ça y est ! Et leurs appendices deviennent de plus en plus importants. Charal , le dernier-né, a des allures d’épouvantail par rapport aux générations précédentes. Il faudra tenir le rythme. Cela ne semble pas si évident, et la course n’est jamais gagnée avant la ligne d’arrivée. Dans un premier temps, on pensait que la longueur des foils serait limitée par la demi-largeur des coques, mais sur Charal , le foil au vent se rentre contre la coque, et sort sur le pont ! Seul inconvénient, on ne peut pas rentrer les deux foils en même temps.
Dans la catégorie Rhum Multi, la course sera ouverte.
Même philosophie que chez les Class40 avec les Multi50. Eux aussi cultivent le low cost , les seuls foils autorisés étant des dérives courbes, monotypes, et définies par l’association de classe. Aussi larges que longs, ces Multi 50 sont relativement légers (3,2 tonnes pour ceux munis de foils) et leur architecture se rapproche de celle de petits Ultim, même si leurs foils ne sont pas aussi porteurs. Les dernières coques sont de plus en plus plates.
Dans la classe Rhum Mono, des voiliers de légende courront avec des amateurs.
Kriter V , le fameux second de 1978, repart cette année sans espoir de victoire, devant une meute de 16 autres monocoques inscrits dans la classe Rhum Mono. Ce cigare dû au crayon d’André Mauric cultivait la religion d’alors : une surface mouillée minimum, et un creux important, gage d’un bon passage dans les houles courtes. À la gîte, la coque glisse alors sur ses flancs, pouvant atteindre des vitesses intéressantes à condition qu’il y ait de la brise.
En Rhum Multi aussi, la course sera ouverte.
21 voiliers, enfin, se sont inscrits dans la classe Rhum Multi. Le plus emblématique d’entre eux est sans doute Happy , le sistership du bateau vainqueur de la première édition de 1978 avec Mike Birch. Hasard ou pas, ce petit trimaran jaune sera skippé par le tenant du titre, Loïck Peyron. La section au maître couple de Happy montre des formes qui datent un peu, certes, mais qui restent synonymes d’un bon passage en douceur dans les vagues. Le concepteur de ce trimaran, l’Américain Dick Newick, fervent défenseur du «light is beautifull», avait finalement raison puisque son bébé s’était imposé, bien que de peu, sur une flottille de multicoques plus grands et de monocoques déjà géants.