Accueil Course au large Route du Rhum
Oui, les skippers des multicoques ont peur.
On ne comprend pas la Route du Rhum en trimaran si on n’intègre pas cette différence fondamentale avec le monocoque.
Tabou ? Les marins des Ocean Fifty ont accepté de nous répondre.
Skipper aux aguets. Un œil sur les écrans, un autre dehors. Ici, Éric Péron, la télécommande du pilote autour du cou. Les Ocean Fifty demandent une vigilance permanente. | RONAN GLADU
Bruno MÉNARD. Modifié le 28/10/2022 à 17h40
Les marins qui courent la Route du Rhum en Ocean Fifty ont-ils peur ?
La réponse est oui, évidemment oui. Lancés parfois à 30 nœuds en équilibre instable, ils vivent au mieux dans un état de stress quasi permanent, au pire dans la crainte du chavirage.
Pendant une dizaine de jours. Pour nous autres spectateurs, suivre la Route du Rhum, c’est observer des lignes sur un écran où la mer n’est jamais hostile, où les bateaux ne s’envolent ni ne s’emballent jamais.
Pour les skippers en mer, le réel est très différent, les vagues et le vent sont potentiellement traîtres et l’équilibre entre performance et sécurité est subtil.
Sur le fil. « Dire qu’il n’y a ni stress ni peur, ce serait mentir », lâche Sam Goodchild, skipper de Leyton , cité parmi les favoris en Ocean Fifty.
Erwan Le Roux, pilote de Koesio , dernier-né de ces trimarans à foils de quinze mètres, va plus loin : « Sur nos bateaux, si tu n’as pas peur en solitaire, c’est dangereux !
Si tu ne ressens pas de stress, c’est dangereux ! La peur est un garde-fou qui doit t’accompagner, t’aider à anticiper, à prendre les bonnes décisions. »
Un exercice extrême
La course au large en multicoque en solitaire est un exercice extrême, très différent du monocoque.
Les trimarans sont en effet de formidables machines à fabriquer le vent apparent avec lequel progressent les voiliers et ils ne demandent qu’à partir en survitesse.
Un peu trop de toile dans un grain, un écart de pilote ou encore une vague plus creuse que les précédentes et voici que le trimaran passe en survitesse, risque d’enfourner les trois étraves…