Publié le 30/07/2019
Dans les années 60, en matière d’HTA, l’attention des médecins se focalisait sur la pression artérielle diastolique (PAD) source de tous les dangers. La Framingham Heart Study a amené par la suite son grain de sel et changé la donne, en faisant de la pression artérielle systolique (PAS) le déterminant principal sinon exclusif du risque cardiovasculaire encouru par l’hypertendu. Cette notion a été largement reprise dans les recommandations les plus récentes émanant des sociétés savantes, qu’il s’agisse de l’American College of Cardiology ou de l’American Heart Association au point de reléguer la PAD dans les oubliettes de l’épidémiologie.
En pratique courante, PAS et PAD sont cependant toujours mesurées, quel que soit le dispositif utilisé. En 2017, une petite révolution s’est produite aux États-Unis avec le changement des seuils utilisés pour définir l’HTA : le risque cardiovasculaire est désormais considéré comme élevé dès le cap des 130/80 mm Hg franchi, mais dans la plupart des autres pays du Monde, les seuils sont toujours de 140/90 mm Hg. La situation s’est donc compliquée, d’autant qu’une controverse porte sur la courbe en J qui caractériserait la relation entre PAD et risque cardiovasculaire. Une PAD trop basse serait source de complications pour les uns, sans effet pour les autres.
Une étude rétrospective gigantesque
Force est de reconnaître que la confusion règne dans un domaine sensible, l’HTA restant une grande cause de morbidité et de mortalité cardiovasculaire. C’est là qu’une gigantesque étude rétrospective californienne apporte sa contribution : près de 37 millions de mesures de la PA effectuées chez plus de 1,3 million de patients ambulatoires suivis dans le cadre du KNPC (Kaiser Permanente Northern California). De quoi effectivement éclairer les relations entre PAS/PAS et risque cardiovasculaire. Ces données abondantes ont été traitées au moyen d’une analyse multivariée des courbes de survie, selon le modèle des risques proportionnels de Cox.
Le risque de complications cardiovasculaires a été évalué sous la forme d’une combinaison des évènements cardiovasculaires majeurs (AVC ischémique ou hémorragique, infarctus du myocarde) dénombrés pendant une période de huit années. Un ajustement statistique a pris en compte les variables démographiques, les facteurs de risque associés et les comorbidités dans la mesure du possible.
Courbe en J pour les relations PAD et pronostic cardiovasculaire
Le pronostic est apparu affecté à la fois par la PAS et la PAD qui agiraient indépendamment l’une de l’autre. Ainsi, en cas d’HTA systolique (≥140 mm Hg), le hazard ratio par unité supplémentaire de score z a été estimé à 1,18 (intervalle de confiance à 95 % [IC], 1,17 à 1,18). En cas d’HTA diastolique (≥ 90 mm Hg), les valeurs correspondantes ont été de 1,06 pour le HR et de 1,06 à 1,07 pour l’IC 95 %. Fait notoire, la valeur prédictive d’une PAD élevée serait indépendante d’une PAS élevée et les résultats ont été similaires en changeant de définition pour l’HTA, soit l’adoption de seuils ≥ 130/80 mm Hg dans le modèle précédent.
La relation entre PAD et pronostic cardiovasculaire a été au mieux décrite par une courbe en J qui résulterait au moins en partie des effets de l’âge. D’autres explications à cette courbe sont possibles et au demeurant complexes : d’une part, le rôle des covariables multiples, d’autre part, les effets plus conséquents de l’HTA systolique dans le quartile inférieur de la PAD.
Cette étude rétrospective gigantesque confirme le rôle prééminent de l’HTA systolique dans le pronostic cardiovasculaire, mais rappelle que la PAD ne saurait être exclue d’un jeu d’une grande complexité. Il s’avère que les deux formes d’HTA, systolique et diastolique, auraient des effets indépendants sur le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs, quelle que soit la définition de l’HTA en l’occurrence ≥140/90 mm Hg ou ≥130/80 mm Hg, selon la rive de l’Atlantique… L’abondance des données traitées ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’une étude rétrospective et qu’une certaine prudence dans l’interprétation des résultats reste de mise.
Dr Peter Stratford
RÉFÉRENCE : Flint AC et coll. : Effect of Systolic and Diastolic Blood Pressure on Cardiovascular Outcomes. N Engl J Med. 2019 18; 381(3): 243-251.
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