Publié le 04/09/2020

Le bisphénol (BPA) est un produit chimique très utilisé pour la fabrication des plastiques poly carbonates et des résines époxy entrant dans la confection des équipements de sport, des bouteilles en plastique et des cannettes de nourriture ou de boissons.

L’exposition au BPA est ainsi ubiquitaire et cette substance est détectable dans 90 % des échantillons d’urine de la population générale. Diverses propositions ont été émises, tant aux USA qu’en Europe, afin de réduire son utilisation. En effet, plusieurs études animales ont montré que le BPA avait un impact endocrinien défavorable, était impliqué dans l’apparition de troubles métaboliques, d’un surpoids, accélérait le processus d’athérosclérose, avec des modifications de la contractilité auriculaire et un remodelage cardiaque.

Chez l’homme, l’exposition au BPA a été associée à un risque accru d’obésité, de diabète, d’hypertension et de maladies cardiovasculaires (MCV). Toutefois, à ce jour, peu d’études prospectives ont été consacrées aux effets à long terme, sur la santé humaine, de l’exposition au BPA.

Suivi pendant 10 ans d’une cohorte de participants à la NHANES

W Bao et collaborateurs ont analysé l’association entre exposition au BPA et mortalité globale et spécifique par MCV chez les adultes US. Ils ont, dans ce but, utilisé les données de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) qui est un programme national, représentatif, de suivi de la population non institutionnalisée résidant aux USA.

Dans la cohorte d’étude ont été incluses les personnes âgées d’au moins 20 ans, participant à NHANES depuis 2003 et dont les résultats de mesures urinaires du BPA (par extraction en phase solide couplée à une chromatographie liquide-spectrométrie de masse par dilution isotopique) étaient disponibles. Ils ont ainsi été suivis sur une période approximative de 10 ans, jusqu’en 2015. Les sujets présentant, initialement, un cancer ou une MCV avaient été exclus de l’étude.

Au total, la cohorte comprend 3 883 adultes dont 2032 femmes (51,4 %), de plus de 20 ans. L’âge moyen pondéré est de 43,6 (6,3) ans. Sur une durée de suivi de 36 514 personnes-années et pour une médiane de 9,6 années, il y a eu 344 décès, dont 71 par MCV et 75 par cancer. Les participants dont le taux urinaire de BPA était le plus élevé étaient, dans l’ensemble, plus jeunes, plus souvent de sexe masculin et non-hispaniques. Ils avaient un niveau d’éducation plus faible, un moindre revenu financier familial ; ils étaient moins actifs physiquement, avaient un régime alimentaire peu satisfaisant et un indice de masse corporelle plus élevé.

Mortalité plus élevée dans le groupe dont les taux de BPA urinaire étaient les plus élevés

Il apparaît que les participants avec les taux de BPA les plus élevés ont eu, au cours du suivi, un risque de décès plus important. Après ajustement sur l’âge, le sexe, l’ethnie et la créatininurie, ceux dont les taux de BPA se situaient dans le tertile supérieur avaient un risque de mortalité globale augmenté de 51 %, en comparaison des sujets dont les taux de BPA étaient dans le tertile inférieur (Hazard Ratio HR : 1,51 ; intervalle de confiance à 95 % IC : 1,07- 2,19).

Cette association n’était pas modifiée après ajustement des autres covariables prises en compte : HR à 1,49 (IC : 1,01- 2,19). Des résultats identiques ont été notés pour la mortalité par MCV : HR : 1,46 (IC : 0,67- 3,19), l’association n’étant, toutefois, pas statistiquement significative.

A contrario, aucune association patente n’a put être décelée entre exposition au BPA et mortalité par cancer, le HR se situant à 0,98 (IC : 0,40- 2,39). Plusieurs analyses stratifiées confirment les résultats globaux.

Pas de lien avec la mortalité par cancer

Ainsi, cette étude prospective d’une cohorte d’adultes, représentative à l’échelle nationale, confirme que l’exposition au BPA est positivement et statistiquement associée à une hausse de la mortalité, toutes causes confondues. Cette association reste significative après ajustement des paramètres démographiques, du statut socio-économique, du régime alimentaire, du style de vie, de l’indice de masse corporelle ou encore de la créatininurie.

Il existe également une association, mais non significative, avec la mortalité par MCV. Enfin, il n’a pas été retrouvé de lien avec la mortalité par cancer. Ces résultats sont en accord avec ceux d’études épidémiologiques antérieures qui avaient décrit une association entre exposition au BPA et des pathologies diverses comme le diabète, l’hypertension artérielle, les artériopathies et les coronaropathies.

Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents restent, à ce jour, imprécis : altérations des flux calciques, inhibition ou activation de certains canaux ioniques, stress oxydatif, inflammation, modifications épigénétiques, du transcriptome ou de l’expression du protéome…

Ces notions ont des implications majeures en santé publique, d’autant que l’exposition au BPA concerne plus de 90 % de la population générale US (même si, au fil des années, cette exposition tend à diminuer). De par sa toxicité potentielle, l’emploi du BPA doit être le plus réduit possible et, éventuellement, remplacé par des analogues tels que les bisphénols F ou S (bien que, là encore, les effets sur la santé humaine de ces composés soient aussi en grande partie inconnus).

Ce travail a plusieurs points forts. Il a eu pour base les données de la NHANES, donc d’un échantillon représentatif de la population générale US. Il a collecté de très nombreuses informations, tant démographiques qu’anthropométriques ou socio-économiques.

A l’inverse, il faut signaler que seuls des échantillons d’urine ont été utilisés pour le dosage du BPA et non un recueil urinaire sur 24 heures. Les causes de mortalité ont été établies à partir des certificats de décès, d’où source d’erreurs possibles de classification. Enfin, il a pu exister des facteurs confondants non mesurés.

En conclusion, il apparaît dans cette étude qu’une exposition notable au BPA est associée, significativement, à un risque accru de mortalité globale. Il existe également une association, restant non significative, avec la mortalité par MCV.Enfin, aucun lien n’a été établi avec la mortalité par cancer. Des études à venir restent nécessaires pour confirmer ces résultats dans d’autres types de population et pour en préciser les mécanismes physio pathologiques sous-jacents.

Dr Pierre Margent

RÉFÉRENCE: Bao W et coll. : Association between Bisphenol A Exposure and Risk of All-Cause and Cause-Specific Mortality in Adults US. JAMA Netw Open. 2020 3(8) ; e : 2011620.

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