Publié le 19/02/2021
Aux Etats-Unis, la prévalence de l’obésité ne cesse de croitre chez les femmes en âge de procréer et cela a de sérieuses implications dans l’évolution des grossesses.
Plus de 25 % des femmes débutant une gestation sont obèses, particulièrement dans certains groupes ethniques.
Elles sont plus à risque de présenter une évolution pathologique gravidique (APO), dont un diabète gestationnel (DG) et/ou une hypertension artérielle gravidique (HOP), comparativement à celles ayant bénéficié d’une intervention de réduction pondérale énergique en période inter-gestationnelle ou durant un précédent post-partum.
Des recommandations médicales doivent particulièrement cibler les femmes en âge de procréer ou enceintes pour plusieurs raisons :
– Cette période de la vie est souvent associée à une prise de poids notable
– Une perte de poids énergique est à même de réduire l’incidence et la gravité des APO
– Lors d’une obésité, l’exposition intra utérine peut conduire à une altération de l’expression génétique et donc à des anomalies métaboliques dans la descendance
– Une perte de poids peut avoir des effets intergénérationnels et amener à une moindre incidence de l’obésité chez les enfants à venir
Médicaments anti-obésité et option chirurgicale pour éviter les complications
En 2014, les recommandations de plusieurs sociétés savantes avaient souligné l’intérêt d’une escalade thérapeutique après échec des modifications du style de vie.
Elles préconisaient la prise de médicaments anti-obésité quand l’index de masse corporelle (IMC) dépassait 30, voire 27 chez les femmes avec comorbidité importante liée à leur obésité.
Une option chirurgicale était proposée en cas d’IMC supérieur à 40, voire à 35 en cas de comorbidité (diabète, dyslipidémie, apnées obstructives du sommeil, maladies cardio-vasculaires…).
Ces recommandations visaient à éviter plusieurs complications dont un poids excessif du nouveau-né pour son âge gestationnel, un accouchement par césarienne, une prématurité ou un retard de croissance endo-utérin.
Risque de DG multiplié par 2 (si surpoids) à 10 (si obésité classe III)
Le DG fait partie des comorbidités associées à l’obésité, touchant 6 à 7 % des grossesses ; son incidence étant d’autant plus élevée que l’IMC avant grossesse était lui-même augmenté.
Sur une cohorte de 1 699 751 femmes âgées de 18,5 à 24,9 ans avant grossesse et avec IMC normal, le risque de développer un DG fut de 3,6 % vs 6,1 % chez 997 977 en surpoids avec un IMC compris entre 25,0 et 29,9.
Il atteignit 8,8 % chez les obèses de classe I (IMC compris entre 30 et 34,9), 11,2 % chez celles de classe II (IMC entre 35 et 39,9) et culmina à 13,9 % chez les grandes obèses de classe III (IMC≥40,0).
La réduction pondérale avant et après grossesse réduit le risque d’APO
En outre, une vaste étude a montré que les femmes ayant présenté un DG (n= 31 867) ont eu plus tendance à développer un diabète de type 2 en post partum, comparativement à celles sans DG (n=643 588), le risque relatif étant de 12,5 % vs 1,1 %, soit à 7,43 (IC 95 % : 4,79-11,5).
De plus, sur un échantillon de 5 390 591 femmes, le risque de voir survenir un événement pathologique cardio-vasculaire majeur a été plus élevé chez celles ayant eu un DG (n= 258 646) vs celles indemnes de DG (n= 5 131 945), le risque absolu étant calculé à 3,1 % vs 1,8 % avec un risque relatif pondéré à 1,98 (IC 95 % : 1,57- 2,50).
De façon identique, le risque d’HOP augmente avec l’IMC.
Il en va de même, dans le restant de la vie, pour celui de l’hypertension artérielle chronique et de maladie athéromateuse.
Il est prouvé qu’une réduction pondérale avant et pendant une grossesse peut, significativement, diminuer le risque d’APO.
Une méta-analyse ayant inclus 12 études observationnelles, soit 415 605 participantes, lors d’un suivi moyen de 10,6 ans, a révélé qu’une perte pondérale avant la grossesse réduisait de 10 % le risque d’hypertension gravidique et de 7 % celui de pré éclampsie.
Sur le plan de la prise en charge thérapeutique, les modifications du mode de vie demeurent l’élément fondamental du traitement.
Lorsqu’elles sont insuffisantes, il importe d’envisager une escalade thérapeutique mais il faut savoir que les médicaments anti-obésité approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) n’ont pas fait l’objet d’études spécifiques, voire même sont contre-indiqués, en cas de grossesse et d’allaitement.
En cas de prise préalable, ils doivent être interrompus lors du début d’une grossesse et il est utile que les femmes avec désir d’enfant en informent préalablement leur médecin afin d’envisager leur arrêt dès qu’une conception est envisagée.
Une réduction de 5-7 % du poids avant grossesse est adéquate
En pratique clinique, une cible de réduction pondérale comprise entre 5 et 7 % du poids avant grossesse parait adéquate.
La chirurgie bariatrique a fait la preuve de sa grande efficacité pour atteindre, à long terme, une perte pondérale soutenue mais son bénéfice doit être mis en balance avec les risques potentiels, à court et long terme, incluant la possibilité de complications post opératoires telles que thromboses veineuses, fistules gastriques, dysphagie, reflux gastro-œsophagien, dumping syndrome, carence nutritionnelle ou encore une reprise pondérale plus tardive…qui, en elles-mêmes, peuvent affecter, lors d’ une grossesse, la croissance fœtale.
Ainsi, à ce jour, il n’existe aucun consensus sur la date idéale pour envisager un geste de chirurgie bariatrique en cas de forte obésité mais on s’accorde sur un délai de 12 mois avant une grossesse, afin d’éviter une perte de poids massive en début de gestation.
Prendre en compte cette population dans les futures études
En conclusion, chez les femmes en âge de procréer, les médecins doivent identifier celles à risque élevé de par leur obésité.
La présence alors d’un DG et/ou d’une hypertension gravidique est fréquente et doit faire envisager une escalade thérapeutique.
Les nombreuses mises à jour ayant trait à la prise en charge de l’obésité doivent inclure des chapitres spécifiques portant sur les femmes en âge de procréer ou avec désir de grossesse.
Il importe aussi de mieux préciser l’efficacité relative des diverses intervention possibles, y compris dans les populations historiquement marginales, de les suivre à long terme et de quantifier au mieux l’importance de la perte de poids idéale susceptible de réduire la survenue d’événements pathologiques lors d’une grossesse.
Dr Pierre Margent
RÉFÉRENCE: Ogunwole SM et coll. : Obesity Management in Women of Reproductive Age. JAMA. 2021;325(5):433–434. doi:10.1001/jama.2020.21096
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