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Mardi 2 août aux environs de 18h30, Laurent Camprubi perd la quille de son Class40 Jeanne – Glaces Romane alors qu’il navigue au près dans 30 nœuds de vent au large des côtes espagnoles pendant sa qualification pour la Route du Rhum.

Le skipper marseillais revient sur son chavirage et ses réflexes de survie qui ont permis son sauvetage 18 heures plus tard.

Laurent Camprubi à bord de son Class40 avec lequel il avait chaviré le 2 août dernier. Une image contenant texte, clipart

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Laurent Camprubi à bord de son Class40 avec lequel il avait chaviré le 2 août dernier. | YOHAN BRANDT / CNTL

Voiles et Voiliers. Publié le 08/08/2022 à 18h14

RÉCIT. Le skipper marseillais du Class40 chaviré au large de La Corogne raconte son calvaire (ouest-france.fr)

Dans un communiqué diffusé lundi après-midi par le service de presse du cercle nautique marseillais auquel il appartient, Laurent Camprubi raconte le chavirage de son voilier le 2 août dernier au large de La Corogne.

« J’étais en mode course, avec une balise qui donnait ma position à l’organisation toutes les 15 minutes.

J’étais vraiment content, le bateau marchait super bien, et d’après mes calculs, il me restait 7 à 8 heures difficiles avant que tout se calme de manière significative.

Je n’avais pas beaucoup dormi depuis deux jours, et j’étais dans mon pouf dans le cockpit en phase de repos » détaille le skipper. 

« En fait, quand le bateau se retourne, ça va à une vitesse incroyable. Tout je suite, je comprends que j’ai perdu la quille. Je n’ai pas du tout le temps de choquer la grand-voile que le mât est déjà dans l’eau.

Il chavire en 10 à 15 secondes. Je suis à l’envers, retourné, avec l’eau qui rentre. J’essaye de fermer la porte, mais avec la puissance de l’eau, c’est juste impossible.

Et puis voilà, l’histoire part de là. Je me retrouve comme ça et je me dis : mais non, je n’y crois pas, je rêve, c’est un cauchemar… On ne se s’attend pas à ça quoi ».

Les difficultés s’accumulent

« Avant l’accident, la mer était tellement forte que mon réservoir de carburant avait cassé, et j’avais du gasoil à l’arrière du bateau.

J’étais un peu nauséeux à cause de ça dès que j’entrais dans le bateau pour faire ma navigation ou analyser les fichiers, il y avait une odeur terrible et du coup je n’avais pas bu ni mangé depuis 12 heures ».

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Quelques heures après le chavirage, un premier sauveteur espagnol est déposé sur la coque retournée. Il tape sur le fond et obtient des coups en réponse : le skipper est donc dedans et il est vivant ! | SALVAMENTO MARÍTIMO

Une situation que le retournement va empirer. Alors que le skipper arrive à récupérer et enfiler sa combinaison de survie dans l’eau qui a envahi l’habitacle retourné, puis à percuter ses balises de détresse – beaucoup de stress sans lunettes – l’eau est polluée par le gasoil et les émanations des batteries retournées.

Il trouve refuge au niveau de la descente, cramponné à une poignée de ballast : « C’est difficile de se rendre compte de ce que j’ai vécu à l’intérieur avec la force infernale du ressac. Au bout d’une heure, tout était arraché à l’intérieur : l’électronique, même ce qui était stratifié et pas assez solide. Tout se transforme en objets dangereux qui venaient sur moi avec force ».

Matériel de survie, VHF de secours, nourriture et eau : tous ces éléments flottants autour du skipper au moment du chavirage vont disparaître, faute de pouvoir les attacher où que ce soit, entraînant notamment une diète hydrique de plus de 16 heures.

Mes sauveteurs m’ont dit : « On a compris pourquoi tu étais vivant »

Mercredi, 12h30 : les plongeurs de la Salvamento Marítimo espagnole – qui a dépêché tous ses moyens sur zone dès le déclenchement du signal de détresse – arrivent sous le bateau qu’ils ont sécurisé à l’aide de ballons flottants. Dix-huit heures après le chavirage, dans des conditions météo toujours difficiles, ils réussissent à localiser et accompagner le navigateur jusqu’à la surface, avant qu’il ne soit hélitreuillé et amené à l’hôpital de La Corogne pour hypothermie (température corporelle à 34°) et déshydratation.

Le Class40 chaviré a été sécurisé par les sauveteurs espagnols avec des ballons d’air avant qu’ils ne plongent dessous à la recherche du skipper marseillais. | SALVAMENTO MARÍTIMO

« C’est fou ce que ça fait faire l’adrénaline. Les derniers mètres, je ne suis pas près de les oublier ! » avoue le navigateur doté d’une solide expérience de plongée et d’apnée qu’il pratique depuis des années en chasseur sous-marin.

« Quand j’ai débriefé avec mes sauveteurs – qui sont devenus mes amis – je leur ai dit que je m’attendais à ce qu’ils me donnent de l’air. Mais en fait, quand on m’a tiré la botte, j’ai mis toutes mes forces pour plonger dans l’eau malgré ma combinaison de survie qui a une forte flottabilité, et – à leur grande surprise – ils m’ont vu apparaître sous l’eau hirsute, le poing en forme de victoire ! Donner un embout à ce moment-là est effectivement hyper risqué parce que si je le rate, je peux me noyer. Ils m’ont donc rattrapé, et m’ont mis la main sur le nez et la bouche pour éviter que j’aie un mauvais réflexe jusqu’à la surface de l’eau ».

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Être au départ de la Route du Rhum

« Depuis vendredi soir, j’ai retrouvé ma famille et j’ai énormément échangé avec eux. Mon dernier fils, Paul, a trois mois, et j’avoue que de penser à lui m’a donné le plus de force pour tenir, car je ne me voyais pas l’abandonner… ».

Le bateau a été remorqué jusqu’à La Corogne et retourné, il faut maintenant le rapatrier vers un chantier breton.

La coque est intacte, mais le gréement et l’intérieur entièrement à reconstruire.

Pour mémoire, le bateau avait été préparé en 2022 à la Seyne-sur-Mer après une construction à Cape Town, en Afrique du Sud.

LA VIDÉO DU SAUVETAGE DE LAURENT CAMPRUBI PAR LES SAUVETEURS ESPAGNOLS CI-DESSOUS :

Crédit vidéo : Salvamento Marítimo

Tout en se démenant désormais avec son co-skipper, Edgard Vincens, pour que son bateau puisse être réparé afin de pouvoir prendre le départ de la prochaine Route du Rhum, Laurent Camprubi a décidé de partager au maximum son retour d’expérience auprès des autres skippers : « Je partage mes informations avec les coureurs parce que tout le monde s’est un peu mis en stand-by pour savoir ce qui s’est passé.

Tous ceux qui me connaissent savent que j’ai une certaine énergie. Je vais la mettre au service de la communauté pour qu’on arrête de jouer avec la vie des gens » (Source Service presse).

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