Actualités – publiée le 19/05/2019 par Équipe de rédaction Santélog
PLOS Neglected Tropical Diseases
D’ici 2050, 1 milliard de personnes pourraient se trouver exposées aux maladies vectorielles telles que la dengue avec l’augmentation des températures dans le monde, conclut cette étude prospective de l’Université de Georgetown (Washington) basée sur des relevés mensuels de température effectués partout dans le monde. « Les nouvelles sont mauvaises », écrivent les scientifiques dans la revue PLOS Neglected Tropical Diseases, « même dans les zones où il n’y a que très peu de risque d’avoir un climat propice aux moustiques. Les virus transportés peuvent déclenche des épidémies explosives quand ils rencontrent les bonnes conditions, au bon endroit ».
« Le changement climatique est la menace la plus importante pour la sécurité sanitaire mondiale », alerte l’auteur principal, Colin J. Carlson, biologiste à l’Université de Georgetown : « Les moustiques ne sont qu’une partie du défi, mais après l’épidémie de Zika au Brésil en 2015, nous nous inquiétons particulièrement de la suite des événements ». Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les moustiques sont l’un des vecteurs les plus mortels au monde, porteurs de maladies qui causent des millions de morts chaque année. Aedes aegypti et Aedes albopictus peuvent toutes deux être infectés par les virus de la dengue, du Chikunguyna et Zika, ainsi que par au moins une douzaine d’autres maladies émergentes qui, selon les chercheurs, pourraient constituer une menace considérable dans les 50 prochaines années.
L’équipe a regardé ce qui se passerait si ces 2 vecteurs les plus courants – Aedes aegypti et Aedes albopictus – se déplaçaient en fonction des changements de température et d’humidité au fil des décennies. En analysant les températures pour prévoir les risques entre 2050 et 2080, leur modélisation n’a pas permis de prédire quel type de moustique migrerait mais a permis de préciser les climats propices à leur propagation. Ils montrent qu’avec le réchauffement climatique, la quasi-totalité de la population mondiale pourrait être exposée à un moment donné au cours des 50 prochaines années. À mesure que la température augmente, les scientifiques s’attendent en effet à des transmissions toute l’année dans les zones tropicales et à des risques saisonniers presque partout ailleurs dans le monde. L’intensité des infections serait également à la hausse. Enfin, aujourd’hui déjà, ces maladies, que nous considérons pourtant comme « tropicales », se manifestent déjà dans des régions au climat favorable, comme la Floride, en particulier parce que les humains contribuent, par leurs déplacements et leurs voyages, à transporter aussi les insectes et leurs agents pathogènes dans le monde entier. Enfin, une propagation importante des deux types d’insectes, en particulier Aedes aegypti, est également attendue dans les environnements urbains.
Le risque de transmission de la maladie est élevé et il ne fera qu’empirer au cours des prochaines décennies, avec des variantes cependant, selon les régions du monde. Les scientifiques prévoient que des régions comme l’Europe, l’Amérique du Nord et les régions à hautes altitudes, aujourd’hui trop froides pour le virus, pourraient elles-aussi être confrontées à de nouvelles maladies comme la dengue. La poursuite du réchauffement climatique entraînera une exposition proportionnellement moins forte de la population au moustique Aedes aegypti. Toutefois, dans les régions connaissant la plus forte augmentation des températures, notamment l’Afrique de l’Ouest et l’Asie du Sud-Est, le moustique Aedes albopictus devrait se retrouver menacé, notamment en Asie du Sud-Est et en Afrique de l’Ouest. Or ce moustique est porteur de la dengue, du chikunguyna et du zika.
Parvenir à mettre les risques en perspective : ces estimations tiennent donc compte de réchauffements, dans certains pays, propices au développement de ces vecteurs, mais aussi de températures devenues trop élevées pour que les moustiques puissent survivre. Bonne et mauvaise nouvelle ? Pour les auteurs, cela dépend aussi du scenario, c’est-à-dire de notre capacité à juguler le réchauffement climatique : « Tout scénario dans lequel une région devient trop chaude pour transmettre la dengue en est un où la région devient confrontée à des menaces différentes mais tout aussi graves pour d’autres aspects de la santé ».
« Cette étude permet juste d’entrevoir la pointe de l’iceberg et l’ampleur des défis à relever face au réchauffement de la planète. La tâche est herculéenne : nous devons déterminer agent pathogène par agent pathogène et région par région, où est la menace, de manière à pouvoir planifier une action mondiale et coordonnée en matière de santé ».
Source: PLOS Neglected Tropical Diseases March 28, 2019 DOI : 10.1371/journal.pntd.0007213 Global expansion and redistribution of Aedes-borne virus transmission risk with climate change