• Val-de-Marne - Conseil départemental (aller à l'accueil) mis à jour le 13/02/2020

Question(s) ouverte(s) aux encadrants, aux structures et au monde du sport

Le mouvement est au cœur de l’activité des sportifs. L’amélioration de celui-ci focalise l’attention des entraîneurs. Ceux-ci usent de situations, de stratagèmes, certains font preuve de génie parfois, pour améliorer la gestuelle, les capacités motrices, que ce soit pour performer ou tout simplement progresser.

Mais connaissons-nous les mécanismes qui structurent la genèse du mouvement, sa capacité à se répéter, à se corriger de manière interne ou externe ? Quid par ailleurs de celui qui ne progresse pas ? Bon nombre dirait : « il n’est pas fait pour ce sport » ; « il n’est pas doué » … Au-delà des différences entre les individus (génétique, environnemental, social, éducationnel…), on est en droit de se demander pourquoi certains stagnent là où d’autres progressent ?

Si la charge d’entraînement, les infrastructures, l’encadrement peuvent être questionnés, d’autres pistes de réflexions méritent d’être explorées car le mouvement est une affaire éminemment complexe.

Alors, le mouvement c’est quoi ?

Avant toute chose, nous devons partir de la définition du mouvement, relatif au corps de l’homme, donner par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) :

« Fait de déplacer dans l’espace son corps ou certaines parties de son corps »

« La faculté de se mouvoir ; l’usage que l’on fait de cette faculté ».

En fait, le mouvement est avant tout la capacité à interagir avec son environnement plus ou moins proche. D’un point de vue purement évolutionniste, on peut avancer l’hypothèse qu’un groupe d’individus ayant des capacités motrices meilleures qu’un autre, aura une probabilité plus grande de survie.

Ainsi, selon les principes du Darwinisme, ceux qui bougeaient mieux pouvaient à la fois optimiser leurs ressources internes (optimisation de la dépense énergétique et de leur réserve d’énergie) et les ressources externes (gestion des ressources et donc mieux gérer la disponibilité des calories).

Au-delà des stratégies collectives notamment durant la chasse, ces principes soulignent l’idée que l’efficience motrice (en fonction de son environnement) peut être un facteur explicatif de la capacité de survie d’un groupe d’individus.

Dans nos sociétés modernes, où les problèmes de survie ont disparu, l’efficience motrice revêt avant tout un aspect de santé/bien-être. En effet, l’allongement de l’espérance de vie doit être accompagné d’une augmentation de la vie en bonne santé et de la plus grande autonomie possible.

L’efficience motrice : but de tout processus d’entraînement et de l’activité physique ?

Quel que soit le niveau des sportifs auxquels on s’adresse, la recherche de l’efficience gestuelle doit être une préoccupation de chaque instant. Dès lors, la question que doit se poser l’encadrant est : « Ai-je réellement mis les éléments en place afin de conduire à la meilleure réponse motrice possible ? » La réponse est probablement non. La plupart des processus d’entraînement sont plus ou moins guidés à la fois par le vécu de l’entraîneur, sa formation, sa capacité à s’informer ou à se former, mais aussi du temps dont il dispose pour individualiser les contenus de séance.

Sans qu’il soit question de remettre en cause totalement les processus d’entraînement classiques, nous invitons les entraîneurs à s’inscrire dans une démarche réflexive afin de transformer leurs pratiques et améliorer ainsi les prises en charge. »

Vers une prise en compte de nouveaux (pas si nouveaux) paradigmes

A vrai dire, le postulat de base sur lequel repose le système actuel est le suivant : « le sportif (quel que soit son âge) a les prérequis nécessaires à une bonne pratique et à la future maîtrise de l’activité support. » Mais est-ce vrai ? Est-ce que les briques élémentaires, permettant de construire une base saine, sont présentes ?

L’expérience, l’entraînement ou encore les faiblesses et forces de son adversaire sont des variables qui vont faire varier la probabilité a priori de la meilleure réponse motrice… mais également, le contexte, l’enjeu, le moment du point, le stade de la compétition (1er vs Finale), les consignes de l’entraîneur, les entraînements qui ont permis d’ouvrir ou non les capacités de réponses motrices influent sur la probabilité de la meilleure réponse motrice. Cependant, cette énumération fait part de considérations externes au sportif.

En effet, la capacité à donner la meilleure réponse motrice dépend avant tout de ressources internes au sportif : la capacité à capter les informations à la fois internes et externes est primordiale. C’est ici qu’entre en jeu le sensoriel et le sensori-moteur. En effet, la plupart des encadrants considèrent que le mouvement est avant tout une question de volonté, et que le but de l’entraînement est la reproduction de ce dernier en dehors de tout contexte.

Cependant, le système nerveux central a besoin de retours d’informations pour ajuster le geste et le corriger pour arriver à une réponse motrice correcte (ici, à posteriori). Et ces informations sont données par le système nerveux périphérique (SNP) : l’ensemble des récepteurs (mécanorécepteurs principalement) jouent un rôle primordial dans les réponses à priori possibles.

Si les capteurs du SNP sont mal calibrés, la pertinence de la réponse motrice s’en retrouve directement affectée. On diminue alors les chances de réussite, ou de facto on augmente les chances de blessures pour arriver à cette réponse motrice. En effet, des faisceaux neuromusculaires qui codent un mauvais profil force/longueur, d’un ou plusieurs faisceaux musculaires, vont faire jouer des processus réflexes (comme le réflexe myotatique) à mauvais escient.

La calibration sensorielle revêt dès lors une importance capitale : les informations qui remontent au niveau central doivent être le plus précis possible, codant la bonne information, au bon moment. La réduction de l’erreur est alors permise, permettant l’émergence du meilleur geste possible parmi le registre moteur de la personne.

L’histoire motrice : pour une meilleure considération du sportif

L’entraîneur ne sera pas donc uniquement un formateur d’un ou plusieurs gestes sportifs. Il doit prendre en considération la globalité de l’histoire motrice des sportifs qu’il encadre. En effet, le corps possède une capacité à mémoriser les gestes, même s’il y a une perte d’efficacité si celui-ci n’est pas reproduit. Bon nombre d’entre nous sommes capable de reproduire un geste, alors que nous ne le pratiquons pas ou peu depuis longtemps. Cela est d’autant plus vrai, que le geste a été répété. Cependant, un geste non-pratiqué ne peut être optimisé, même si des patrons moteurs commun à l’humanité existent. De ce constat, l’entraineur devrait se renseigner sur différents aspects de l’histoire motrice :

  • La petite enfance (0-3 ans)

Durant cette période, notamment entre la naissance et le début de la marche, il existe des étapes primordiales pour avoir un bon calibrage du SNP. Le passage de la position dos/ventre/dos, le rampé, le 4 pattes, la position assise puis la position debout, sont d’autant de passages nécessaires pour calibrer au mieux les capteurs sensoriels. Un enfant qui est passé directement de la position allongée à la position debout (que ce soit de manière naturelle ou est un enfant qui a limité ses expériences senso-motrices, et donc qui a freiné sa maturité sensorielle.

L'activité physique et sportive des enfants

  • L’enfance et l’adolescence

La pratique de plusieurs activités sportives de nature différente construit des compétences motrices transversales. Une personne ayant fait une seule activité physique dans sa vie, aura du mal à s’adapter et à progresser dans une nouvelle activité physique.

  • Arrêt de l’activité physique

Il faut savoir depuis combien de temps l’arrêt de l’activité physique a été fait, notamment chez l’adulte. Même s’il existe cette mémoire, il faut parfois repasser par des étapes antérieures sensorielles, pour réactiver les bons schémas moteurs.

  • Les dysfonctions

Savoir si une dysfonction cognitive (comme une dyslexie, dyspraxie…) donne des indices de la maturité sensori-motrice et peut être une réorientation vers des spécialistes formés à la rééducation des fonctions cognitives ou motrices (orthophoniste, orthoptiste, kinésithérapeute)…

Sans pour autant fermer la porte de l’activité, l’entraîneur anticipera avec une meilleure maîtrise les difficultés futures dans la progression de la personne encadrée. De plus, le conseil apporté par cette prise en compte de l’histoire motrice peut assoir une relation de confiance et donc jouer sur les facteurs psycho-émotionnels, qui amènent à une meilleure implication dans la pratique. On peut alors passer d’un cercle vicieux à un cercle vertueux : la pratique ne sera pas abandonnée et les perspectives de progression et d’engagement peuvent être pérennisées.

Conclusion

L’entraîneur n’est pas un simple guide pour reproduire un geste : il doit amener son sportif à considérer l’ensemble des informations à la fois internes et externes pour faire émerger le meilleur geste possible. Sans pour autant mettre de côté le travail de gammes techniques, il doit être capable de mettre en place des situations améliorant cette prise d’information, notamment via le système nerveux périphérique. Sur le plan interne, on peut se demander la conséquence d’une défaillance d’un ou plusieurs capteurs dans la capacité à apprendre un geste et à le faire émerger. Il s’agit donc d’explorer ici, des trajets d’entraînement amenant à une quasi-autonomie du sportif. Les prochains articles développeront ces aspects sensori-moteurs, permettant ainsi d’arriver à une meilleure réponse.

Benjamin DUMORTIER

Références