Publié le 06/08/2018
Une fièvre sans signe clinique de localisation chez un nourrisson de moins de 3 mois impose un bilan infectieux parce que les infections bactériennes graves sont plus fréquentes qu’après 3 mois et plus difficiles à séparer des infections bénignes. Pour ce faire, le nourrisson est en général conduit aux Urgences d’un hôpital… où la fièvre n’est pas toujours retrouvée. Dans ce cas, peut-on alléger le bilan infectieux, surtout si l’état général est rassurant ? Une étude prospective, qui a comparé la prévalence des infections bactériennes graves selon que la fièvre était retrouvée aux Urgences ou pas, apporte des éléments de réponse.
De 2003 à 2016, 2 470 nourrissons ont consulté aux Urgences d’un hôpital pédiatrique espagnol pour une température axillaire/rectale ≥ 38°C au domicile, sans signe clinique de localisation (pas d’otite, auscultation pulmonaire normale, pas de signes ostéo-articulaires, etc.). La température rectale de 678 d’entre eux (27,4 %) était descendue sous 38°C alors que « la plupart » n’avaient pas reçu d’antipyrétiques auparavant.
Un bilan infectieux a été effectué chez tous les nourrissons : hémogramme, CRP et PCT – à partir de 2007 -, hémocultures, bandelette urinaire et examen cytobactériologique des urines, et, de façon non systématique, ponction lombaire. Les nourrissons à bas risque d’infection bactérienne ont été gardés en observation ≤ 24 h, sans antibiothérapie, dans une Unité d’Hospitalisation de Courte de Durée [UHCD]. Les nourrissons à haut risque et les nourrissons qui présentaient en UHCD des signes évoquant une infection bactérienne ont été hospitalisés.
Les nourrissons apyrétiques aux Urgences (n = 678) et les nourrissons fébriles aux Urgences (n = 1 792) étaient comparables, à ceci près que l’état général des premiers était plus souvent rassurant que celui des seconds.
Les résultats montrent que la prévalence des infections bactériennes graves était similaire dans les 2 groupes de nourrissons.
Pour les infections bactériennes invasives (sepsis, méningites, bactériémies avec un point de départ identifié, type infection urinaire, ou pas), la prévalence était de 2,4 % dans le groupe apyrétique aux Urgences (16 cas ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 1,4 à 3,8 %) ainsi que dans le groupe fébrile aux Urgences (43 cas ; IC95 de 1,8 à 3,2 %). Il faut noter que, parmi les 16 enfants infectés mais apyrétiques aux Urgences, 14 avaient un état général conservé et aucun ne présentait de méningite.
Pour les infections bactériennes non invasives (infections urinaires, gastro-entérites avec une coproculture positive), la prévalence était de 15,5 % dans le groupe apyrétique aux Urgences (105 cas ; IC95 de 12,9 à 18,4 %) et de 16,7 % dans le groupe fébrile aux Urgences (300 cas ; IC95 de 15,1 à 18,5 %).
Les auteurs concluent qu’il n’y a donc pas de raison d’alléger le bilan infectieux des petits nourrissons fébriles dont la fièvre n’est pas retrouvée aux Urgences. « L’absence de fièvre aux Urgences ne place pas ces enfants dans un groupe à bas risque, même quand ils sont en bon état ». En toute rigueur, la conclusion aurait eu plus de poids avec des données précises sur l’administration d’antipyrétiques aux enfants n’ayant plus de fièvre aux Urgences !
Dr Jean-Marc Retbi
RÉFÉRENCE
Mintegi S et coll. : Invasive bacterial infections in young afebrile infants with a history of fever. Arch Dis Child 2018 ; 103 : 665-669.
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