Publié le 21/02/2022
Le protoxyde d’azote est un gaz ininflammable, inodore et incolore utilisé principalement comme agent anesthésique, pour ses propriétés euphorisantes associées à l’inhalation.
Produit par l’industrie alimentaire dans des aérosols type bonbonne de chantilly, il est facilement disponible et à un coût relativement faible.
Ces dernières années, sa consommation à des fins récréatives s’est de plus en plus répandue et en particulier depuis la pandémie et lors des confinements, aboutissant parfois à des comportements addictifs.
Or, son usage est loin d’être anodin, la toxicité du N2O inhalé commençant à être de plus en plus fréquemment rapportée.
Les cas décrits comportent principalement des atteintes neurologiques, les patients pouvant présenter une dégénérescence combinée subaiguë de la moelle épinière, et psychologiques/neuropsychologiques.
Dans la plupart des cas, les symptômes sont liés à une carence en vitamine B12, avec des taux sanguins réduits.
Face à ce phénomène en pleine expansion, une étude a cherché à explorer la corrélation entre la gravité clinique des symptômes, les biomarqueurs et les anomalies médullaires à l’IRM.
Ceci, afin d’identifier les facteurs associés à l’atteinte médullaire et de déterminer les facteurs affectant la dépression/l’anxiété chez les patients atteints de troubles neurologiques liés au N2O.
Troubles neurologiques, sensoriels et mentaux
Soixante‐trois patients atteints de troubles neurologiques liés au N2O (38 hommes, 25 femmes) âgés de 15 à 33 ans ont été recrutés rétrospectivement entre février 2017 et juillet 2020.
L’exposition des patients au N2O était liée à l’inhalation d’ampoules/ballons (7,5 g/10 ml/ampoule) ou de cartouches plus grandes (1 000 ml/cartouche) ; 2 patients avaient également pris du N2O sous forme solide.
La quantité de N2O consommée par session était en moyenne de 4 000 (2 400−7 000) ml, et la fréquence de consommation était de 3,33 ± 1,69 fois par semaine.
L’intervalle de temps entre la consommation initiale de N2O et l’hospitalisation était de 6 mois en moyenne.
Au total, 96,83 % des patients ont eu des troubles de la marche, avec préservation de l’autonomie sans aide technique pour 42,86 % d’entre eux.
Tous les patients (100 %) se sont plaints de troubles sensoriels, notamment d’hypoesthésie, de dysesthésie et d’une altération de la pallesthésie (sensibilité aux vibrations) et de la sensibilité proprioceptive (sensation positionnement et mouvement).
Sur le plan topographique, les troubles sensoriels affectaient les bras et les jambes bilatéralement chez la plupart des patients (71,43 %).
Par ailleurs, des troubles cognitifs ont été observés chez 19 patients (30,15 %), parmi lesquels « une déficience légère sans besoin de soutien social » (22,22 %).
Trente patients (47,62 %) atteints de neuropathie ont présenté une perte ou une réduction des réflexes tendineux profonds pour le rotulien et le bicipital, et 36 patients (57,14 %) ont présenté des signes cliniques de lésions des voies pyramidales.
Corrélation négative avec le taux de vitamine B 12
A l’analyse des données, une corrélation négative significative a été retrouvée entre les taux sériques de vitamine B 12 et la sévérité clinique (r = −0,309, p = 0,014).
Un intervalle de moins de 6 mois entre l’abus initial de N2O et l’hospitalisation était associé à des anomalies médullaires à l’IRM indépendamment des autres facteurs (39,47 % contre 72,00 %, respectivement ; p = 0,01).
Trente‐huit (60,32 %) et 40 (63,49 %) patients ont respectivement souffert d’anxiété et de dépression.
De plus, plus les scores cliniques/taux d’homocystéine sérique étaient élevés, plus la gravité de l’anxiété/de la dépression était prégnante (p < 0,01).
En somme, les principales manifestations cliniques des troubles neurologiques liés au N2O objectivées sont des troubles sensoriels (à type de dysesthésies, troubles de la pallesthésie et de la proprioception), ainsi que des troubles de la marche et une atteinte des réflexes.
L’analyse des données de l’étude suggèrent une corrélation inverse significative entre les niveaux initiaux de vitamine B 12 et la gravité clinique, ce qui pourrait aider à prédire le pronostic chez les patients atteints de troubles neurologiques liés au N2O
Les anomalies médullaires à l’IRM ne semblent pas être liées à la gravité clinique mais plutôt dépendantes de l’intervalle de temps entre l’abus initial de N2O et l’hospitalisation.
L’anxiété et la dépression, comorbidités courantes chez ces patients, semblent se majorer avec l’intensité de l’altération clinique et/ou les taux sériques d’homocystéine.
Anne-Céline Rigaud
RÉFÉRENCE: Jiwei Jiang and coll.: Nitrous oxide‐related neurological disorders: Clinical, laboratory, neuroimaging, and electrophysiological findings. Brain Behav. 2021; 11(12): e2402. doi: 10.1002/brb3.2402
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