Medscape Logo – lundi 6 février 2023

Actualités & Opinions > Actualités Medscape > JESFC 2023

Jean-Pierre Usdin – AUTEURS ET DÉCLARATIONS  – 30 janvier 2023

Prévention du risque cardiovasculaire : quels marqueurs utiliser chez les seniors ? (medscape.com)

Paris, France — Quelles sont les particularités de la prévention des maladies cardiovasculaires chez le patient âgé ?

Au cours des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2023), cette question a fait l’objet d’une session commune avec la Fédération Française de Cardiologie (FFC).

Après l’intérêt des statinesle traitement de l’hypertension et la déprescription chez le patient âgé, a été abordé le sujet des marqueurs du risque cardiovasculaire et de leur intérêt dans cette population [1].

Si l’évaluation du risque cardiovasculaire est très utilisée à un âge moyen de la vie, « chez les sujets âgés, cela devient un peu plus compliqué », a commenté le Dr François Paillard (Service cardiologie et maladies vasculaires, CHU de Rennes), au cours de sa présentation.

Cette évaluation fait notamment « l’objet de débats sur l’intérêt d’utiliser des équations de risque » dans cette population.

En effet, au-delà de 75 ans, chez la femme comme chez l’homme, « il y a une surestimation très importante du risque lorsque les comorbidités et les causes potentielles de mortalité ne sont pas prises en compte », a indiqué le cardiologue.

Le score de l’ESC encore imparfait

Pour faciliter la tâche, la Société européenne de cardiologie (ESC) propose depuis peu un score de risque adapté à la population âgée de plus de 70 ans : le SCORE2 Older Persons (OP), qui tient compte des comorbidités et des causes de mortalité.

Néanmoins, les patients de plus de 75 ans et en particulier les hommes sont en majorité classés d’emblée à risque très élevé, ce qui interroge sur la pertinence de ce score, souligne le cardiologue.

De plus, les études évaluant ce score pour le valider ne sont pas si concluantes, le risque étant même parfois sous-estimé, ajoute-t-il.

Le recul apparaît donc insuffisant avec ces scores.

« Ils peuvent avoir un intérêt à titre indicatif, mais ils ne sont pas parfaits ».

Ils omettent notamment « certains éléments qui ne sont pas faciles à évaluer, car eux-mêmes liés à d’autres facteurs de risque ».

Par ailleurs, la fonction rénale n’est pas prise en compte alors qu’il s’agit d’un marqueur majeur de sévérité chez le sujet âgé.

Des études ont pu montrer que l’âge et la fonction rénale « sont des prédicteurs encore plus importants que l’hypertension ou le cholestérol ».

Prendre en considération la fonction rénale

Selon les résultats d’une étude taïwanaise, le risque cardiovasculaire est multiplié par quatre chez les hommes âgés avec un débit de filtration glomérulaire (DFG) < 45 ml/min/1,73m2, comparativement à ceux ayant un DFG > 90 ml/min/1,73m2.

Chez les femmes, ce risque est multiplié par sept. Le risque est majoré en cas de microalbuminurie.

Par conséquent, dans l’objectif d’évaluer le risque cardiovasculaire d’un patient âgé, « il faut indiscutablement prendre en considération la fonction rénale », estime le Dr Paillard.

Il existe à l’inverse des facteurs associés à un plus faible risque cardiovasculaire, comme un score calcique coronaire proche de 0. Déterminé à partir d’un scanner thoracique, le score calcique permet de mesurer l’étendue des dépôts athéromateux calcifiés au niveau des artères coronaires. Le risque est minime pour des valeurs proches de 0 et élevé pour un score > 100.

« Le risque cardiovasculaire évolue de façon graduelle en fonction de l’âge et du score calcique coronaire ». Chez des patients de 70 ans et plus, déterminer le score calcique peut se justifier « lorsque se pose la question de l’utilité d’un traitement » en prévention du risque cardiovasculaire.

Risque faible avec un score calcique < 10

En cas de score calcique < 10, « il n’est pas nécessaire d’envisager un traitement préventif ».

Or, 38 % de la population de 60 à 80 ans présentent un score calcique < 10, qui est associé à une diminution de 80 % du risque coronaire et de 50 % du risque cardiovasculaire global, selon une étude danoise [2].

L’absence de plaque carotidienne est également apparue comme un élément favorable dans cette étude qui s’est intéressée aux marqueurs associés à une diminution du risque vasculaire.

Un faible niveau de la glycoprotéine galectine-3, « un marqueur biologique associé à la fibrose et à l’inflammation artérielle », est aussi associé à un risque cardiovasculaire plus faible.

Concernant le cholestérol, il reste un facteur de risque chez les plus âgés. Le bénéfice de la réduction du taux de cholestérol est bien établi en prévention secondaire chez les patients avec une maladie cardiovasculaire avérée. En revanche, un traitement par statine « ne doit pas être systématique » en prévention primaire en cas de cholestérol élevé chez les plus de 70 ans à haut risque, le bénéfice n’étant pas clairement démontré.

Les dernières recommandations européennes précisent que le traitement hypolipémiant peut être envisagé en prévention secondaire dans cette population, après une évaluation globale et en accord avec le patient (classe IIb) (Voir « Statines chez le sujet âgé: stop ou encore? »).

Impact fondamental du mode de vie

Le traitement de l’hypertension a également montré un bénéfice à un âge avancé en prévention du risque cardiovasculaire, a rappelé le praticien.

Il faut toutefois rester vigilant avec les effets secondaires, surtout chez les plus fragiles.

L’hypotension orthostatique doit notamment être dépistée pour adapter au mieux le traitement (Voir Hypertension: quelle prise en charge chez le sujet âgé?).

Pour finir, le cardiologue a rappelé l’impact du mode de vie sur le risque cardiovasculaire et ce, à tout âge.

Avoir un régime de type méditerranéen, pratiquer une activité physique régulière et ne pas fumer sont trois facteurs qui une fois combinés « sont associés à une réduction de deux tiers de la mortalité cardiovasculaire ».

L’arrêt du tabac est bénéfique même à un âge avancé.

« Entre 70 et 75 ans, on peut gagner chez l’homme plus de deux ans d’espérance de vie sans maladie cardiovasculaire et plus de trois ans chez la femme ».

Références

Références

  1. Paillard F, La prévention cardiovasculaire chez le sujet âgé. Les marqueurs de risque cardiovasculaires ont-ils un intérêt chez le sujet âgé ? JESFC2023, présentation du 11 janvier 2023, Paris, France.
  2. Mortensen MB, Fuster V, Muntendam P, Negative Risk Markers for Cardiovascular Events in the Elderly, Journal of the American College of Cardiology, juillet 2019, Vol 74, Issue 1, juillet 2019, pp 1-11.

Crédit de Une : Dreamstime

Actualités Medscape © 2023

Citer cet article: Prévention du risque cardiovasculaire : quels marqueurs utiliser chez les seniors? – Medscape – 30 janv 2023.