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Vincent Richeux AUTEURS ET DÉCLARATIONS  20 février 2024

Prévention du risque cardiovasculaire : l’arsenal thérapeutique s’élargit (medscape.com)

Paris, France — Acide bempédoïque, anticorps anti-ANGPTL3 (evinacumab), esther éthylique d’acide oméga-3 (icosapent ethyl) : trois médicaments hypolipémiants ont récemment attiré l’attention en montrant leur intérêt clinique en prévention primaire et secondaire du risque cardiovasculaire, en particulier chez les patients à haut risque.

Au cours des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC 2024), une session a été dédiée à ces nouvelles stratégies thérapeutiques.

Si l’evinacumab (Evkeeza®) est déjà disponible en France dans le traitement de l’hypercholestérolémie homozygote familiale, l’acide bempédoïque (Nilemdo®, Nustendi®) devrait bientôt arriver sur le marché en prévention primaire en cas d’intolérance ou de contre-indications aux statines, tandis que l’icosapent éthyl (Vazkepa®) a reçu un avis favorable à son remboursement en prévention secondaire.

Acide bempédoïque : intérêt majeur en prévention primaire

Parmi ces nouveaux hypolipémiants à avoir récemment marqué les esprits, l’acide bempédoïque figure en bonne place, en raison d’un nouveau mode d’action et de résultats très intéressants en prévention primaire chez les patients à haut risque cardiovasculaire, dont une majorité de diabétiques de type 2.

L’acide bempédoïque est un inhibiteur de l’ATP-citrate lyase, une enzyme qui intervient dans le métabolisme du cholestérol « bien en amont de l’étape bloquée par les statines », a rappelé le Dr Antonio Gallo (Hôpital Pitié-Salpetrière, AP-HP, Paris) [1].

Etant donné qu’il est activé au niveau du foie, il n’y a pas de risque de symptômes musculaires contrairement aux statines.

L’acide bempédoïque pourrait être un traitement de troisième ligne à placer après les statines et l’ézétimibe, un inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol.

En Europe, l’acide bempédoïque en monothérapie (Nilemdo®) ou en association fixe à l’ézétimibe (Nustendi®) a reçu une AMM en 2020 sur la base des résultats de quatre études pivots, qui ont démontré son effet hypocholestérolémiant. Il n’est pas encore commercialisé en France.

« Il pourrait être le traitement idéal chez les patients intolérants ou ayant une contre-indication aux statines et chez ceux qui ont des difficultés à atteindre les objectifs de LDL cholestérol », a commenté le lipidologue.

L’acide bempédoïque pourrait ainsi être un traitement de troisième ligne à placer après les statines et l’ézétimibe, un inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol.

Hausse de l’acide urique et de la créatinine

Dans l’essai de phase 3 CLEAR Outcomes, ce nouvel agent hypolipémiant a montré une réduction de 13% des évènements cardiovasculaires majeurs (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou revascularisation coronaire) chez les patients à haut risque, intolérants aux statines [2

En prévention primaire uniquement, le bénéfice est encore plus marquant puisque le risque cardiovasculaire établi sur les mêmes critères est réduit de 30%, selon une sous-analyse[3]. Plus précisément, le risque relatif de décès cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde est réduit de 39 %. Les patients étaient majoritairement diabétiques (67% des cas).

Dans l’étude principale, le taux moyen de LDL-c à l’inclusion était de 139 mg/dL.

Après six mois de traitement, les patients sous acide bempedoïque avaient un taux moyen abaissé de 29,2 mg/dL, par rapport au groupe placebo, soit une diminution de 21,1% du LDL-c.

Le taux de protéine C-réactive (CRP) était également réduit de 22% avec le traitement hypolipémiant.

Si l’acide bempedoïque est bien toléré, il a l’inconvénient d’augmenter le taux d’acide urique par inhibition d’un transporteur rénal impliqué dans son élimination.

« Il faut donc être prudent avec les patients avec des antécédents de goutte ».

Il est aussi associé à une hausse transitoire de la créatine sérique.

Evinacumab anti-ANGPTL3 : baisse de 50% du LDL-c

Autre nouveau hypolipémiant évoqué au cours de cette session : l’anticorps humain évicanumab (Evkeeza, Ultragenyx), qui permet une baisse très significative des lipides dans l’hypercholestérolémie homozygote familiale ou résistante.

Il s’agit d’un inhibiteur de l’ANGPTL3 (angiopoïetine like 3), une protéine impliquée dans le catabolisme des lipoprotéines.

En France, ce médicament a obtenu en juin 2023 une autorisation d’accès précoce.

Il est indiqué dans le « traitement des patients adultes et adolescents âgés de 12 ans et plus atteints d’hypercholestérolémie homozygote familiale, en complément d’un régime alimentaire et d’autres thérapies réduisant le taux de cholestérol des lipoprotéines de basse densité (LDL-c). »

L’évinacumab est présenté comme un traitement de dernière intention.

Il vient en complément d’un régime alimentaire pauvre en graisses et en association à un traitement oral hypolipémiant optimisé, incluant au moins une statine, l’ézétimibe et un inhibiteur PCSK9 (evolocumab) avec ou sans LDL-aphérèse.

Indication étendue à la population pédiatrique

L’efficacité de l’évinacumab chez les patients d’hypercholestérolémie homozygote familiale a été démontrée dans ELIPSE HoFH, une petite étude randomisée qui a rapporté une baisse exceptionnelle de près de 50% du niveau de LDL-c [4].

Il s’agit d’un progrès spectaculaire pour cette population de patients

Dans cet essai, les 65 patients inclus étaient sous statines et également sous anti-PCSK9 pour la majorité d’entre eux.

Un tiers bénéficiaient d’une LDL-aphérèse afin d’extraire les lipoprotéines du sang.

Ils ont été randomisés pour recevoir une fois par mois en intraveineuse de l’évinacumab (15mg/kg) ou un placebo.

Malgré un traitement optimal, le niveau de LDL-c de ces patients à l’inclusion était en moyenne de 2,5 g/L.

Le traitement induit une chute rapide des LDL-c.

« Jamais une telle baisse de 50% des LDL-c n’avait été obtenue chez des patients avec une hypercholestérolémie homozygote », a affirmé le Dr Michel Farnier (Dijon) [5].

Une autre étude a depuis confirmé cette efficacité dans la population pédiatrique, ce qui a conduit récemment l’Agence européenne du médicament (EMA) à émettre un avis favorable pour étendre l’indication aux plus de 5 ans [6].

« Il s’agit d’un progrès spectaculaire pour cette population de patients ».

Icosapent éthyl : des oméga-3 efficaces à haute dose

La prévention du risque cardiovasculaire par l’utilisation des oméga-3 a également fait l’objet d’une présentation du Pr Philippe Gabriel Steg, (Hôpital Bichat, AP-HP, Paris), qui a participé à l’essai REDUCE-IT, en partie à l’origine de la validation en 2022 de l’icosapent éthyl (Vazkepa®) comme option de deuxième ligne dans la prévention secondaire [7,8].

L’icosapent éthyl est un esther éthylique de l’acide eicosapentaénoïque (EPA) de la famille des oméga-3.

Après plusieurs essais plutôt en défaveur de la supplémentation en oméga-3 en particulier en prévention primaire du risque cardiovasculaire, cet essai randomisé a misé sur le traitement de l’hypertriglycéridémie, apparue plus sensible à l’apport d’oméga-3, plus précisément de l’EPA, en utilisant la dose maximale.

L’étude de phase 3, randomisée en double aveugle, a inclus 8 179 patients à haut risque, dont une majorité (70%) étaient en prévention secondaire du risque cardiovasculaire.

Tous étaient déjà sous statines. A l’inclusion, la triglycéridémie était de 2,16 g/L en moyenne, tandis que le LDL-c moyen affichait 0,75 g/L.

Les patients ont été randomisés pour recevoir en plus, soit de l’EPA (2x2g/jour) à prendre avec de la nourriture, soit un placebo contenant de l’huile minérale pour mimer une substance riche en oméga-3.

Après un suivi médian de 4,9 ans, un événement cardiovasculaire majeur (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou AVC non fatal, revascularisation, hospitalisation pour angor instable) a été observé chez 17,2% des patients prenant l’omega-3, contre 22% dans le groupe placebo, soit une baisse du risque relatif de 25%.

Risque CV réduit de 37% en post-SCA

En considérant indépendamment ces événements chez ces patients à haut risque, « l’EPA réduit de manière significative la mortalité cardiovasculaire, les infarctus et les AVC », a noté le Pr Steg.

« Le bénéfice est homogène, que ce soit en prévention secondaire ou en prévention primaire ».

Un avis favorable au remboursement de l’icosapent éthyl été émis en 2022 par la Haute autorité de santé (HAS) uniquement « chez les patients adultes sous traitement par statine à dose maximale tolérée, à très haut risque cardiovasculaire en raison d’une maladie cardiovasculaire établie (prévention secondaire) et présentant une hypertriglycéridémie modérément élevée (≥ 150 et < 500 mg/dL). »

La HAS considère que le service médical rendu par ce médicament reste insuffisant dans les autres indications, notamment en prévention primaire, « compte tenu du risque d’événements cardiovasculaires nettement inférieur chez ces patients ».

D’autres études ont également suggéré un bénéfice moindre   en comparaison à ce qui est observé en prévention secondaire.

Concernant les effets indésirables, il apparait un risque accru de fibrillation auriculaire (FA) avec un taux d’arythmie de 5,3%, contre 3,9% dans le groupe placebo.

De même, il a été observé un taux plus élevé de saignements sévères dans le groupe EPA (2,7% contre 2,1%), « en raison d’un effet antiagrégant plaquettaire modéré », précise le Pr Steg.

Le risque accru de FA a été confirmé dans d’autres études, ce qui a conduit l’EMA a considérer la FA comme un effet secondaire des esters éthyliques d’oméga-3 et à alerter les médecins.

« En cas de fibrillation auriculaire, le traitement doit être arrêté définitivement », précise l’agence européenne.

Malgré ces risques, le traitement reste bénéfice après un récent syndrome coronarien aigu (SCA), a indiqué le cardiologue.

C’est ce révèle une nouvelle analyse de l’essai REDUCE-IT qui montre une baisse de 37% des événements cardiovasculaires majeurs dans ce sous-groupe, qui semble donc à l’inverse bénéficier davantage de cette approche préventive [9].

« REDUCE-IT montre un bénéfice clinique majeur de l’EPA purifié », en particulier chez les patients à plus haut risque (antécédents de SCA, d’infarctus du myocarde ou d’intervention coronarienne percutanée).

Les oméga-3 disponibles en parapharmacie comme complément alimentaire ne sont pas assez concentrés pour garantir cet effet, a rappelé le Pr Steg.

  • Le Dr Gallo a déclaré des liens d’intérêt avec Amgen, Novartis, Sanofi, Akcea Therapeutics, Amarin Pharma, Servier, MSD Frane, Ultragenyx et Viatris.
  • Le Dr Farnier a déclaré des liens d’intérêt avec Abbott, Amarin, Amgen, Astrazeneca, Ajanta, Kowa, Merck and Co, Novartis, Organon, Recordaty, Sanofi, Servier, SMB, Ultragenix et Viatris.
  • Le Pr Steg a déclaré des liens d’intérêt avec Amarin, AstraZeneca, Bayer, BMS, Odorsia, janssen, Novartis, Pfizer, Sanofi, Amgen, Novo-Nordisk.

LIENS

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Références

  1. Gallo A, Nouvelles stratégies thérapeutiques du risque lipidique, Finérénone et inhibiteurs des SGLT2, JESFC 2024, présentation du 17 janvier 2024, Paris, France.
  2. Nissen SE, Lincoff M, Brennan D, Bempedoic Acid and Cardiovascular Outcomes in Statin-Intolerant Patients, NEJM, avril 2023; 388(15):1353-1364.
  3. Nissens SE, Menon V, Nicholis SJ, Bempedoic acid for primary prevention of cardiovascular events in statin-intolerant patients, JAMA, juillet 2023;330(2):131-140.
  4. Raal F, Rosenson R, Reeskamp MF, Evinacumab for Homozygous Familial Hypercholesterolemia, NEJM, août 2020, 383:711-720.
  5. Farnier M, Nouvelles stratégies thérapeutiques du risque lipidique, Evinacumab : quels effets pour quels patients ? JESFC 2024, présentation du 17 janvier 2024, Paris, France.
  6. Wiegman A, Greber-Platzer S, Ali S, Evinacumab for Pediatric Patients With Homozygous Familial Hypercholesterolemia, publication en ligne du 20 octobre 2023.
  7. Steg JP, Nouvelles stratégies thérapeutiques du risque lipidique, Ecosapent ethyl : chez qui en 2024 ? JESFC 2024, présentation du 17 janvier 2024, Paris, France.
  8. Bhatt D, Steg G, Miller M, Cardiovascular Risk Reduction with Icosapent Ethyl for Hypertriglyceridemia, NEJM, jan 2019, 380(1):11-22.
  9. Sayah N, Bhatt DL, Miller, Icosapent ethyl following acute coronary syndrome: the REDUCE-IT trial, European Heart Journal, publication en ligne du 22 janvier 2024.

Crédit de Une: Dreamstime

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Citer cet article: Prévention du risque cardiovasculaire : l’arsenal thérapeutique s’élargit – Medscape – 20 févr 2024.