Publié le 04/10/2019
Les perturbations de l’écosystème intestinal qui inclut le microbiote auraient des répercussions sur l’inflammation systémique, lesquelles passeraient par l’élévation des taux circulants de liposaccharide (LPS). Ces désordres participeraient à la pathogénie de maladies intestinales et extra-intestinales, en partie de nature inflammatoire. En premier lieu figurent les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), le syndrome du côlon irritable ou encore la maladie coeliaque voire le cancer colorectal, pour ce qui est affections intestinales.
Le syndrome métabolique, l’obésité ou encore la maladie cardiovasculaire seraient les maladies extra-intestinales favorisées ou aggravées par les perturbations du microbiote intestinal, mais ce ne sont que des hypothèses loin d’être confirmées. Quoi qu’il en soit, il semble bon de prendre soin de son microbiote, même s’il ne faut pas en attendre des miracles ou une protection contre toutes les maladies évoquées. La première mesure pour ménager ce précieux écosystème et l’homéostasie intestinale passe par l’alimentation qui doit être équilibrée et convenir aux bonnes bactéries, en tant qu’élément régulateur du microbiome.
A cet égard, les acides gras polyinsaturés à longue chaîne, dits oméga-3 sont-ils les bienvenus, dans la mesure où ils sont capables de moduler l’activité de la LBP (LBP) et du sCD14 (soluble CD14) qui sont deux biomarqueurs de l’inflammation intestinale, par ailleurs potentiellement impliqués dans la pathogénie et les complications de la maladie cardiovasculaire (MCV)?
Un essai randomisé, mené à double insu contre placebo, d’une durée de 36 mois, permet de répondre au moins en partie à cette question. Ont été inclus 484 patients âgés (65-75 ans), tous des hommes, par ailleurs considérés comme à haut risque cardiovasculaire. Dans les groupes traités, une intervention diététique a été couplée ou non à une supplémentation en acides oméga-3, alors que les groupes non traités ont reçu ou non un placebo. Les biomarqueurs précédents ont été dosés à l’état basal et au terme de l’étude. Le pronostic cardiovasculaire a été évalué sous la forme d’une combinaison des évènements cardiovasculaires majeurs et de la mortalité cardiovasculaire à 36 mois.
Risque d’événements CV doublé quand les taux des biomarqueurs d’inflammation intestinale sont élevés
Aucune différence intergroupe significative n’a été mise en évidence concernant les variations des taux deLBP ou de sCD14 entre l’état basal et la fin de l’étude. Dans le groupe caractérisé par une élévation des taux de LBP (> médiane), le risque d’évènements cardiovasculaires a été plus que doublé, le hazard ratio (HR) étant en effet estimé à 2,22 (intervalle de confiance à 95 %, IC95% 1,25-3,96 ; p = 0,01).
Une tendance similaire a été observée avec l’autre biomarqueur, le sCD14, avec un HR de 1,72 (IC95% 0,97-3,03) sans que le seuil de signification statistique soit atteint (p = 0,06).
Après ajustement selon les facteurs de confusion potentiels comme autant de covariables, l’association entre LBP et risque cardiovasculaire n’a pas été modifiée, le HR restant identique, cependant que l’association avec le sCD14 atteignait le seuil de signification statistique pour repasser au-dessous après prise en compte des taux de hs-CRP.
Cet essai randomisé plaide en faveur d’une association significative entre l’inflammation intestinale et le risque cardiovasculaire chez des patients de sexe masculin au terme d’un suivi de 36 mois, ce qui reste à confirmer. Par ailleurs, la supplémentation en acides oméga-3 n’a aucun effet sur les taux des biomarqueurs de l’inflammation intestinale et il en serait de même pour les interventions diététiques ciblées.
Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCE: Awoyemi A et coll. : Effects of dietary intervention and n-3 PUFA supplementation on markers of gut-related inflammation and their association with cardiovascular events in a high-risk population. Atherosclerosis. 2019 ; 286:53-59.
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