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PUBLIÉ LE 27/04/2022
La prescription d’activité physique adaptée (APA) est possible en France depuis 2017. Et pourtant bien peu de médecins ont recours à cette pratique. Le Pr François Carré, cardiologue du sport au CHU de Rennes, l’a rappelé au cours d’un Live chat avec les lecteurs du « Quotidien ».
Il a insisté sur les bénéfices démontrés de l’activité physique, plus particulièrement pour les patients atteints de maladie chronique. : « Ne pas prescrire d’activité physique à un malade chronique stable, c’est une perte de chance pour lui », a rappelé le Pr Carré. L’APA a également démontré son intérêt en traitement de première de première intention dans les dépressions minimes ou modérées. Elle est également en cours d’évaluation dans le Covid long.
Comment convaincre les patients parfois rétifs à l’activité physique ? Les médecins doivent eux-mêmes adhérer à cette démarche pour convaincre leurs malades, avant de les guider pour trouver dans l’offre locale celle qui leur plaira. La collaboration entre le praticien, les enseignants en APA et les éducateurs sportifs formés est également capitale pour la réussite de la démarche.
L’enjeu pour les années à venir est d’introduire davantage d’activités physique dès le plus jeune âge pour éviter que les futurs adultes ne viennent grossir les rangs des patients atteints de maladie chronique. « Nous sommes face à une bombe à retardement sanitaire. À nous, médecins, d’essayer de changer ces mauvaises habitudes ! », alerte le Pr Carré.
Journaliste QDM (SL)
C’est parti pour les premières questions
Est-ce que tous les généralistes peuvent prescrire ? Y a-t-il des prérequis ? Merci !
-Pr Tournesol
Le médecin prescripteur doit il avoir obligatoirement une formation pour prescrire?
-Kary
Pr François Carré
Tous les médecins généralistes ou d’autres spécialités peuvent prescrire. Lors de la première version de la loi en 2016 appelée Sport sur ordonnance, seuls les médecins généralistes, traitants, pouvaient prescrire, ce qui a beaucoup surpris, parce que beaucoup de spécialistes prescrivaient déjà l’activité physique. Dans la nouvelle version proposée en mars, il est bien précisé que tous les médecins peuvent dans le cadre du parcours de soins de leurs patients prescrire l’activité physique adaptée, c’est-à-dire adaptée aux capacités et aux limites du patient. Il n’y a donc pas de prérequis pour cela. Concernant la nécessité ou non d’une formation, elle n’est pas obligatoire mais je la recommande grandement car, malheureusement, notre médecine en France est basée à 99 % sur le curatif et à peine 1 % sur le préventif. Ce qui fait que dans les études de médecine il n’y a actuellement pas un mot sur la prescription de l’activité physique et quelques mots sur la nutrition.
Pr François Carré
Ce point de la formation est très important car il apparaît que c’est un frein majeur de la part de beaucoup médecins pour prescrire l’activité physique, qui expriment clairement « Je ne sais pas prescrire l’activité physique donc je ne fais pas de prescription ». Dans ce cadre, en quelques mots, bien rappeler que l’activité physique, ce n’est pas du sport. Donc ne jamais dire à un patient « Je vous conseille de faire du sport », c’est le meilleur moyen de le faire fuir car il va être apeuré. Donc, bien se limiter à l’activité physique. Autre chose d’important dans cette prescription, c’est la connaissance de l’entretien motivationnel auquel il faut se former si on n’est pas très habitué à l’utiliser. En effet, pour bien faire un entretien motivationnel, il faut d’abord que le médecin soit parfaitement convaincu des bienfaits de l’activité physique. Pour être convaincant, il faut d’abord être convaincu. Or aujourd’hui, malheureusement, je me rends compte que beaucoup de médecins ne croient pas aux bienfaits de l’activité physique, qui est, je le rappelle, une thérapeutique non médicamenteuse validée par la HAS depuis 2011.
Pr François Carré
De plus, dans la majorité des maladies chroniques, les recommandations des sociétés savantes rappellent que l’activité physique doit faire partie du traitement des patients avec le plus haut niveau de preuve, c’est-à-dire les recommandations de niveau 1A. En d’autres termes, comme nous l’avions dit dans l’expertise Inserm 2019, ne pas prescrire l’activité physique à un malade chronique stable, c’est une perte de chance pour le patient.
- fleurbasmati@hotmail.com
Quel est l’intérêt de prescrire par ordonnance puisqu’il n y a aucune prise en charge par la Sécurité sociale ni pour les séances données par un APA ni pour les transports bien qu’handicapée à 80 % ?
Pr François Carré
L’intérêt de prescrire par ordonnance, c’est qu’il est prouvé que les conseils oraux qui restent indispensables sont bien moins efficaces que lorsqu’on les associe à une prescription écrite. Quant à la prise en charge par la Sécurité sociale, c’est vrai qu’actuellement les séances données par un enseignant en activité physique adaptée (APA) ne sont pas remboursées. Mais les choses avancent sur ce point et il est programmé au début du mois de septembre 2022 une proposition de la Cnam au niveau du Parlement pour un mode que je ne peux pas préciser de prise en charge de l’APA.
- MPJ
Quelle activité physique ? Qui décide ? le patient, l’offre locale ou le Dr ?
Pr François Carré
Le choix de l’activité physique repose sur une décision partagée entre le médecin et le patient. Pour espérer qu’un patient adhère avec une bonne observance à l’activité physique, il y a deux choses à respecter : le désir de faire cette activité et le plaisir que l’on prend à la poursuivre. Donc, le médecin a un rôle essentiel d’abord pour convaincre le patient de l’importance de ce nouveau traitement et ensuite pour immédiatement quand le patient se dit décidé, le guider pour trouver dans l’offre locale l’activité qui lui plaira.
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Source : lequotidiendumedecin.fr