Le Télégramme ROUTE DU RHUM2022 – Guadeloupe

Pourquoi la météo du départ de la Route du Rhum préoccupe

Philippe Eliès  Publié par Philippe Eliès le 04 novembre 2022 à 12h18

(Capture d’écran Windy)

Pourquoi la météo du départ de la Route du Rhum préoccupe – Route du Rhum – Le Télégramme (letelegramme.fr)

Les conditions météo musclées du départ et des 48 premières heures de course inquiètent plusieurs skippers. Certaines classes envisagent de prendre le départ et de s’abriter rapidement ensuite. D’autres estiment qu’il faut carrément reporter le départ. Il y a très peu de chances que ça arrive.

Route du Rhum – Destination Guadeloupe, départ le 6 novembre (13 h 02)

  • 1 Pourquoi le départ s’annonce tendu ?

Parce qu’il y aura du vent de face, de l’ouest – sud-ouest 20-25 nœuds avec des rafales à 30 nœuds. Entre la pointe du Grouin et le cap Fréhel, les 138 bateaux vont devoir tirer des bords, au près, face au vent. Ce qui signifie qu’il y aura beaucoup de croisements, donc potentiellement des risques de collisions, dans des conditions toniques. Autre problème, certaines zones au départ sont interdites aux concurrents. « On peut aller virer dans la zone vedettes à passagers au nord du corridor mais on ne pas aller virer dans la zone bateaux de plaisance au sud », explique Fabrice Amedeo, concurrent en Imoca.

À lire sur le sujetMauvaise météo sur la Route du Rhum : certains amateurs envisagent une escale commune

  • 2 La météo est-elle si mauvaise ?

C’est un schéma assez classique d’un début de mois de novembre où les dépressions commencent à balayer les côtes françaises. Rien d’anormal pour des pros comme François Gabart : « Quand on part de Saint-Malo au mois de novembre, il est rare qu’il ne se passe rien ». Même si les Ultimes risquent d’en baver pendant une bonne dizaine d’heures, ils sont conçus pour affronter de telles conditions. Idem pour les Imoca, monocoques du Vendée Globe, pensés pour affronter les mers du sud. La situation météo de 2022 ressemble d’ailleurs comme deux gouttes d’eau à celle de 2018, avec quelques nœuds en plus. On attend 40 à 50 nœuds la première nuit et jusqu’à 8 mètres de creux.

  • 3 Pourquoi les Rhum Multi ne veulent pas y aller ?

Dans cette catégorie, on trouve des anciens skippers pros comme Roland Jourdain ou Marc Guillemot mais aussi beaucoup d‘ amateurs sur des bateaux parfois anciens, bas sur l’eau. C’est le cas de Charlie Capelle sur son trimaran jaune Acapella : « Avec ces conditions-là, soit je m’arrête à Roscoff si j’arrive à aller jusque-là, soit c’est un retour à l’écurie après le départ ». Et Capelle de soulever un autre point important : l’assurance. Sur les courses en solitaire, les bateaux ne sont pas assurés : « Je suis propriétaire de mon petit trimaran et je ne suis pas assuré pour la transat ». En cas de casse ou, pire, de perte totale…

  • 4 D’autres classes sont-elles concernées ?

Oui, les Ocean Fifty sont en pleine réflexion sur le sujet : sur les huit engagés, la grande majorité penche pour une solution intermédiaire, soit un report, soit un départ et un retour au chaud à Saint-Malo. Les Class40 en parlaient déjà jeudi soir et les discussions étaient toujours en cours ce vendredi. « On va attendre samedi et les derniers fichiers mais ce n‘ est pas parce qu’on est des professionnels que l’on doit faire n’importe quoi : on ne va pas aller casser nos bateaux et les laisser en mer. Ce qui est sûr, c’est que tous les bateaux ne passeront pas », estime Erwan Le Roux, skipper et président de la classe Ocean Fifty.

À lire sur le sujetJusqu’à quelle force de vent peut-on donner le départ de la Route du Rhum ?

  • 5 Le départ peut-il être reporté ?

C’est toujours possible et c’est prévu dans l’avis de course. La décision appartient au directeur de course et à lui seul. Francis Le Goff a l’habitude de gérer ce genre de situation : rien ne l’empêche de donner le top départ dimanche 6 novembre à 13 h 02. Bien entendu, le directeur de course, qui est entouré d’une solide équipe, écoute et tient compte de l’avis des marins. Francis Le Goff sait très bien que sur les 138 concurrents, tous n’ont pas le même niveau : il y a des pros, des amateurs, des bateaux préparés par des équipes de 15-20 personnes, d’autres qui ont bossé seuls ou avec des copains…

  • 6 Faut-il faire comme les Anglais qui appliquent toujours la même règle : « la ligne est ouverte, à vous d’y aller ou pas » ?

Les Anglais ont pris l’habitude de ne jamais se prendre la tête avec la météo : le jour J, la ligne est ouverte, quelles que soient les conditions, libre aux concurrents d’y aller ou pas. Sur ce sujet-là, Michel Desjoyeaux, vainqueur de la Route du Rhum et de deux éditions du Vendée Globe, a toujours été très clair : « La direction de course est souveraine. Si elle donne le départ, les concurrents sont libres de partir, puis de se mettre à l’abri, c’est leur responsabilité, leur choix ! Ça reste la Route du Rhum, pas une traversée de baignoire ! », écrivait-il sur Twitter il y a une semaine.

  • 7 Qu’en pense le directeur de course ?

Qu‘ à ce jour, il n’y a aucune raison de reporter le coup d’envoi : ce vendredi, Francis Le Goff maintient le départ le dimanche 6 novembre, à 13 h 02 : « Ce sont des conditions soutenues, viriles mais correctes pour le départ », dit le directeur de course qui sait que les conditions vont se muscler au fil des heures. Que certains skippers envisagent déjà de s’arrêter : « Ce n’est pas au directeur de course de dire à un skipper s’il doit y aller ou pas ». Les organisateurs travaillent avec les ports de la Manche en mesure d’accueillir des concurrents, en sachant que dans un rayon de 150 milles, toute escale n’est pas pénalisante. S’ils ne se sentent pas d’y aller, ils peuvent se mettre à l’abri en bon marin et cela ne gâche pas leur Route du Rhum. Il y a quatre ans, on avait déjà conseillé cela aux concurrents ».

En 2018, le front était passé après le passage de la pointe bretonne et plusieurs marins avaient pu s‘ arrêter à Brest, Bénodet, Concarneau et Lorient. Là, tous ne passeront pas et les arrêts au stand se feront dans les ports de la Manche, à Roscoff, Saint-Quay-Portrieux, voire à Saint-Malo. « C’est une possibilité que les skippers prennent le départ, passent la première bouée et reviennent s’abriter à Saint-Malo », explique Francis Le Goff.

Toute l’actualité de la Route du Rhum