Qu’elle nous apaise ou nous pèse, nous avons souvent bien du mal à quitter notre zone de confort, car nous la connaissons et avons l’impression de la maîtriser. Pourtant, nous avons beaucoup à apprendre en dehors de celle-ci. Témoignages et conseils.
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Lucie, 34 ans, n’a pas les deux pieds dans le même sabot. Elle serait même plutôt du genre à porter des bottes de sept lieux, pour sauter d’un continent à l’autre. La jeune femme a la bougeotte et supporte trop mal l’ennui pour s’accommoder de sa zone de confort. Dès qu’elle a eu le bac en poche, elle a ressenti le besoin de partir découvrir le monde. Elle a quitté son Sud-Ouest natal pour une licence à Poitiers, puis divers contrats de travail dans les Alpes, à Djerba… Pour, à 24 ans, s’envoler vers le pacifique Sud, direction Nouméa. Elle y a – entre autres – monté une école d’apnée avant de devenir journaliste radio. Aujourd’hui, elle qui vit « dans le paysage accroché sur le frigo », l’affirme : « Je me sens en vie quand je me mets en danger. J’ai arrêté les sports extrêmes, mais je continue de me mettre dans des situations propices au changement ». Un bon moyen de croquer la vie à pleines dents ?
Faire face à nos peurs
Dans cette vidéo originale et ludique, le conférencier Nicolas Felger définit la zone de confort comme « celle où nous sommes lorsque nous évoluons dans un environnement que nous maîtrisons. Dans cette zone, les choses sont familières, qu’elles soient agréables ou non ». En sortir implique de prendre des risques. Même l’intrépide Lucie en convient. « Les peurs ont été nombreuses. Ne pas parvenir à être indépendante, me sentir coupable d’être partie loin de ma famille, décevoir mes parents en ne réussissant pas… »
Mais contrairement à Lucie, nous avons tendance à nous réfréner dans notre envie de plonger dans l’inconnu. Comment se fait-il que nous ayons même tendance à rester dans des situations que nous connaissons, alors qu’elles ne nous conviennent pas totalement, voire même que nous les ressentons comme néfastes ? Pour le thérapeute et coach Jean-Paul Sauzède, « bien souvent, l’inconfort d’une prise de décision ne l’emporte pas sur l’inconfort de la situation ». D’où le fait que nous pensions, la plupart du temps à tort, comme Al Pacino, que, « parfois, il vaut mieux être avec le diable qu’on connaît que l’ange qu’on ne connaît pas ».
Depuis qu’elle a changé de vie, Karine va mieux. Pourtant, il y a six mois, ce n’était pas la grande forme. En invalidité de travail car agoraphobe et bipolaire, elle était mariée à un homme et discutait régulièrement avec une femme sur un groupe Facebook. Jusqu’au jour où elles ont décidé de se rencontrer. Ce qu’elles pressentaient toutes deux s’est alors confirmé : elles sont tombées amoureuses. Karine a pris son courage à deux mains. « J’ai tout quitté du jour au lendemain pour la rejoindre. A la maison, j’avais vraiment l’impression de mourir. Depuis, j’ai réappris à conduire, à sortir. Avant, rien que l’idée de mettre les pieds dans un magasin me rendait dingue. Je recommence à vivre, elle m’a remise sur pieds ». « L’important, parfois, c’est de trouver la force d’oser !, affirme Jean-Paul Sauzède. Cette prise de risque est source de nouveauté et permet de faire des expériences nouvelles, de s’adapter. Bien souvent, cela vaut le coup de s’exposer, de prendre un risque pour exister ». Karine, 50 ans confirme : « C’est totalement effrayant et excitant à la fois ! »
Il arrive également que la vie nous oblige à réagir et à nous adapter. Ce fut le cas pour Gilles, ancien chauffeur routier-déménageur. Il ne pouvait plus supporter son métier, les conditions de travail, les sous-effectifs réguliers… « Je suis actuellement en arrêt, et je suis en train de changer d’orientation professionnelle dans l’urgence. J’attends la réponse à une demande de formation de mon employeur. Je suis bien accompagné, mais pour mon épouse, c’est très difficile. Nous n’étions pas préparés à vivre cette situation qui complique notre relation de couple, engendre des angoisses et des doutes ». Pour le thérapeute, « lorsque les changements sont subis, nous pouvons nous retrouver dans une « zone de panique », car nous n’étions pas préparés à la situation ». Malgré cela, il est parfois possible d’y voir une chance. Comme Gilles : « Cette période me permet de faire du rangement dans ma vie, de trouver de nouveaux points de repères et de savoir sur quels mes amis je peux compter ».
Lucie, la bourlingueuse, ne voulait pas « reproduire le schéma familial » et souhaitait « provoquer la chance de vivre autre chose ». Elle confesse avoir rencontré des difficultés, notamment logistiques et économiques. « Je me suis mise au système D. J’ai de la chance, cela correspond à mon caractère, mais il m’est arrivé de cumuler plusieurs emplois. En revanche, c’est aussi ce qui a créé des opportunités. Je ne regrette pas ! J’ai également pu développer mes capacités d’adaptation ! ».
Avant ce type de changement, une bonne préparation est indispensable. Stéphanie, 27 ans, a demandé une mutation et s’est installée à 170 km de sa ville pour évoluer professionnellement. « Pour faire face aux doutes, j’ai été accompagnée par une psy. C’est un cheminement. Aujourd’hui, la solitude est encore dure, même si je commence à nouer des relations, mais je ne regrette pas d’avoir franchi le pas ! »
A DÉCOUVRIR
Prendre des risques pour réussir : oser de nouvelles attitudes et manager autrement, de Myriam Ogier, Dunod.
Trouver la force d’oser, de Jean-Paul Sauzède et Daniel Grosjean, InterEditions.
Ce travail sur soi est impératif. « Il faut tout d’abord identifier ses forces, cerner ses limites, donc mieux se connaître pour envisager le changement et se mettre en mouvement en prenant des risques à la mesure de ses capacités », explique Myriam Ogier, coach. Pour Jean-Paul Sauzède, le plus important, c’est de prendreconfiance en soi. « C’est ainsi que l’on peut confronter nos peurs au réel, prendre conscience que ce sont des constructions fantasmagoriques et ainsi franchir le pas ». En outre, plus nous sortons de notre zone de confort, plus notre confiance en nous augmente. C’est un cercle vertueux.
« En milieu inconnu, je suis obligée de me référer à ce que je connais, à des situations déjà vécues ou d’innover, ce qui m’oblige à utiliser ma confiance dans mes capacités ! », confirme Lucie. Sans compter la fierté d’avoir réussi à s’adapter. Sans en faire une injonction systématique, oser prendre des risques (mesurés) nous permet d’apprendre et de grandir. « Quand on voyage, le monde devient plus petit, alors il fait moins peur », chante Youssoupha*. Un bon moyen de quitter sa zone de confort…
*Entourage, dans l’album NGRTD
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Dire oui à l’inconnu, aller à la rencontre de la différence, relever un défi, se risquer à choisir… Autant d’invitations à se dépasser pour un voyage vers soi plus intense. Au départ, nous sommes tous des aventuriers. L’enfant qui est dans l’ivresse de la vie, de ses mystères, de ses découvertes, ne cesse de risquer, de s’aventurer, de repousser ses limites. Et vous, êtes-vous un(e) aventurier(e)
Avril 2018