pollution  Le Quotidien du Médecin Charlène Catalifaud   | 22.06.2018

Crédit Photo : S. Toubon Zoom     Pollution de l’air Grossesse Génétique Environnement

La pollution atmosphérique induirait des modifications épigénétiques dans le génome du placenta, avec des risques pour le fœtus, selon des chercheurs de l’INSERM, du CNRS et de l’université Grenoble Alpes, dont les résultats sont parus dans « Environmental International ».

De précédentes études ont montré un lien entre pollution de l’air et petit poids de naissance. « Nous avons émis l’hypothèse que cette association était liée à des modifications des marqueurs épigénétiques dans le placenta, organe crucial pour la santé de la mère et le bon développement de l’enfant », indique au « Quotidien » Johanna Lepeule, co-auteur de l’étude et chercheuse INSERM. Nous nous sommes intéressés en particulier à la méthylation de l’ADN qui contribue à la régulation de l’expression des gènes. »

Une couverture du génome à large échelle

Alors que les études précédentes se sont intéressées à quelques gènes, « l’aspect novateur de notre étude réside dans le fait que nous avons réalisé une couverture du génome à large échelle, avec l’analyse de plus de 400 000 localisations épigénétiques, souligne Johanna Lepeule. Ce qui permet de découvrir de nouveaux liens entre pollution atmosphérique et niveau de méthylation de gènes encore non explorés jusque-là. »

La cohorte EDEN a inclus 668 femmes recrutées pendant leur grossesse entre 2003 et 2006. Les chercheurs ont étudié les effets d’une exposition au dioxyde d’azote (NO2), aux particules fines PM10, à la température et à l’humidité. « Ces deux derniers paramètres ont été étudiés, car ils régissent en partie la dispersion des polluants », explique Johanna Lepeule. Les niveaux d’exposition étaient tels que ceux auxquels nous sommes confrontés en Europe.

« Nous avons mis en évidence une association robuste entre exposition au NO2 et méthylation de l’ADN du gène ADORA2B », résume la chercheuse, des défauts dans l’expression de ce gène étant associés à la prééclampsie et l’hypoxie fœtale dans d’autres études. « Nous pensons que la prééclampsie pourrait expliquer, au moins en partie, l’effet des polluants de l’air sur le poids de naissance », précise-t-elle. Quatre autres gènes (CD81, DAXX, NOTCH3 et P2RX4), également impliqués précédemment dans les phénomènes d’hypoxie et de prééclampsie, présentaient des modifications de méthylation liées à l’exposition au NO2, marqueur de la pollution, mais le lien était moins marqué qu’avec ADORA2B.

Les conséquences sur la santé doivent être confirmées

Par ailleurs, des associations entre la méthylation de certains gènes et les PM10, la température et l’humidité ont également été pointées, mais « restent largement à confirmer », selon Johanna Lepeule.

« Nous avons mis à jour un lien entre pollution atmosphérique et méthylation de l’ADN, reste à déterminer si ces modifications épigénétiques ont des conséquences sur la santé de la mère et de l’enfant », poursuit-elle. Si ce lien est avéré, des moyens de prévention et thérapeutiques pourraient être envisagés à long terme.

« Cette étude de grande ampleur a été permise grâce à la collaboration et au dialogue entre épidémiologistes et épigénéticiens », souligne la chercheuse.

Source : Lequotidiendumedecin.fr