Par Denis Méthot

Tatiana Vukobrat, physiothérapeute en GMF Profession Santé logo 04/05/2022

Tatiana Vukobrat, physiothérapeute au GMF-U des Faubourgs, à Montréal

Avec leur expertise en matière de problèmes musculosquelettiques, qui représentent environ le quart des motifs de consultations en médecine, les physiothérapeutes bataillent actuellement pour faire partie de la réforme du système de santé et trouver leur place au sein des GMF au même rang que les IPS, les psychologues, les pharmaciens et les nutritionnistes.

Bien qu’il y ait un peu plus de 5600 physiothérapeutes au Québec, à peine une vingtaine d’entre eux pratiquent actuellement en GMF.

C’est le cas de Tatiana Vukobrat, qui est membre depuis 2018 de l’équipe du GMF-U des Faubourgs, à Montréal.

Celle-ci est profondément convaincue que les physiothérapeutes représentent une énorme valeur ajoutée pour les GMF, et elle n’est pas la seule à en témoigner.

Le Dr René Wittmer, médecin de famille au même GMF, a tenu le même discours en entrevue à ProfessionSanté.ca.

« On sait qu’une rapide prise en charge des problèmes musculosquelettiques diminue le risque que ces blessures se chronicisent et mènent à des états d’invalidité, dit-il.

Avoir facilement accès à un physiothérapeute – qui peut recevoir des patients, les évaluer et orienter le traitement ici même au GMF – est extrêmement précieux.

Ce ne sont pas tous les patients qui peuvent s’offrir des traitements en physiothérapie même si c’est un soin essentiel pour leur santé.

Nous sommes très contents de pouvoir offrir ce service à notre clientèle vulnérable du Centre-Sud. »

Interpellée par le défi en GMF

Tatiana Vukobrat a postulé dès qu’un poste de physiothérapeute à temps partiel au GMF des Faubourgs a été affiché, il y a quatre ans.

Ce débouché étant alors très nouveau dans son champ de pratique, elle s’est sentie interpellée par ce défi.

« Dans le réseau public, il y a une conception assez conventionnelle de la physiothérapie: on va “faire de la physiothérapie” comme si ce n’était qu’une modalité de traitements au lieu de la voir comme une profession à part entière. »

Elle constate aussi une méconnaissance du milieu de la santé quant à l’expertise des physiothérapeutes, bien que les médecins en prennent la pleine mesure dès qu’ils travaillent en interdisciplinarité avec eux.

En effet, en plus du système musculosquelettique, les physiothérapeutes étudient également les systèmes neurologique, cardiovasculaire, pulmonaire et vestibulaire lors de leur maîtrise.

Par ailleurs, certains choisissent ensuite de se spécialiser dans des branches comme le plancher pelvien, la pédiatrie ou la douleur chronique.

Le rôle de consultation en GMF

Au GMF-U des Faubourgs, Tatiana Vukobrat joue d’abord un rôle de consultante.

Les patients lui sont référés par les médecins ou d’autres professionnels pour évaluer un trouble musculosquelettique (TMS), élaborer un plan de traitement, traiter la blessure et assurer les suivis.

« Travailler en première ligne en GMF et en interdisciplinarité me parlait énormément», raconte-t-elle. D’abord embauchée à temps partiel, elle y travaille désormais quatre jours par semaine, et consacre la cinquième à la recherche.

Dans le réseau public, un patient doit souvent attendre de cinq à six mois pour être traité en physiothérapie.

À son GMF, elle a pour mandat de les voir rapidement, idéalement en moins de deux semaines.

Un maximum de cinq consultations par patient par problème est prévu, mais Mme Vukobrat souligne que la majorité des cas sont réglés en deux visites et demie.

En plus des consultations, elle offre des activités éducatives sur l’appareil locomoteur aux résidents en médecine et parfois aux médecins, et participe également à des projets d’amélioration.

L’été dernier, par exemple, elle a fait partie d’un projet pilote de physiothérapeute au sans rendez-vous du GMF.

Elle a reçu des patients souffrant d’un TMS qui ont souhaité la consulter directement, sans passer par un médecin.

Ce projet d’accès adapté en physiothérapie, tenu dans plusieurs cliniques, a connu un vif succès et pourrait déboucher sur la mise en place dans le futur d’un service du genre dans des GMF.

Le Dr René Wittmer, médecin de famille au GMF-U des Faubourgs, à MontréalLe Dr René Wittmer, médecin de famille au GMF-U des Faubourgs, à Montréal

Une demande de l’équipe médicale

Ce sont les médecins d’un GMF qui décident, en fonction de leur enveloppe budgétaire, quels seront les professionnels embauchés dans leur clinique.

Au GMF-U des Faubourgs, le Dr René Wittmer précise que le recrutement d’un physiothérapeute était une demande de l’équipe médicale et qu’elle avait fait l’unanimité au sein de l’équipe interdisciplinaire.

« Sa présence au GMF est extrêmement appréciée, décrit-il.

Nos patients arrivent parfois avec une liste d’épicerie de problématiques.

S’il y a un TMS que l’on n’a pas eu le temps d’aborder, on peut déléguer cette évaluation au physiothérapeute, ce qui nous permet de dégager du temps pour traiter d’autres problèmes cliniques ou d’autres patients. »

Le Dr Wittmer rappelle que souvent, les blessures évoluent plus favorablement lorsque les patients ont accès à quelques séances de physiothérapie.

« Ça nous permet d’avoir de meilleurs suivis cliniques et d’éviter que des cas se chronicisent, nous obligeant à revoir ces patients pendant des semaines, voire des mois. »

Il ajoute que la présence d’un physiothérapeute dans un GMF a un autre effet positif: réduire la demande de tests d’imagerie et de radiographies pour des blessures musculosquelettiques, ou les utiliser plus judicieusement.

« Les patients qui évoluent mieux et plus rapidement ont moins de risques de glisser vers des traitements de douleur chronique.

On peut ainsi leur offrir une prise en charge qui ne repose pas uniquement sur la médication. »

La présence d’un physiothérapeute dans un GMF assure également des canaux de communications plus rapides avec les médecins, ce qui permet d’établir plus facilement un plan de traitement, d’évaluer les progrès du patient et de déterminer si une réévaluation médicale est nécessaire.

Depuis la fin du projet pilote, les patients du GMF référés en physiothérapie sont d’abord vu par un médecin, mais le Dr Wittmer reconnaît qu’il pourrait être bénéfique que les patients souffrant d’un TMS soient vus en première ligne par les physiothérapeutes sans passer par le médecin.

Ce médecin de famille affirme ouvertement qu’il ne serait plus capable de se priver d’un physiothérapeute à son GMF, car sa présence a une énorme valeur ajoutée.

« Est-ce mieux depuis que nous avons une physiothérapeute? Définitivement, répond-il.

J’encourage les autres GMF qui ont la possibilité d’en recruter un grâce aux programmes à faire le saut.»

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