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Stéphanie Lavaud  AUTEURS ET DÉCLARATIONS  10 janvier 2022

Virtuel – Certains aliments – dits alicaments – ou nutriments peuvent-ils avoir un rôle thérapeutique dans l’hypertension artérielle ?

C’est la question sur laquelle s’est penché le Pr Xavier Girerd lors des Journées de l’hypertension artérielle (JHTA) 2021[1].

Il a découvert, à cette occasion, que « beaucoup d’articles intéressants » avait été publiés sur la question et notamment une revue de la littérature publiée en 2017 [2].

Il en ressort que s’il existe des preuves de l’effet de certains aliments/nutriments sur la baisse de la pression artérielle, et notamment l’ail, en revanche, la démonstration de leur bénéfice sur la prévention des maladies cardiovasculaires est inexistante, ce qui les différencie des médicaments.

Quels alicaments ? Pour quels effets ?

Les aliments/nutriments qui ont fait la preuve de leur efficacité sur la pression artérielle dans des articles scientifiques ne sont pas forcément ceux auquel on pense, a affirmé l’hypertensiologue parisien, qui a dressé la liste retenue : l’ail âgé – ail noir très prisé des japonais –, le jus de betterave, le magnésium chélaté, le cacao du chocolat, le coenzyme Q10 (ubiquinone), les acides gras polyinsaturés, les isoflavones, la L-arginine, les lactotripeptides de certains yaourts, le lycopène de la tomate, le potassium, les probiotiques, le resvératrol, la vitamine C…

Par quels mécanismes agissent-ils ?

« D’abord, la production de NO, a considéré le Pr Girerd.

Certains de ces produits sont des vasodilatateurs, ce qui participerait à leur effet anti-hypertenseur (ail noir, jus de betterave, L-arginine…).

L’autre clé de leur action serait un rôle sur le système rénine/angiotensine (SRA) avec un petit effet inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (isoflavones…) ».

Des effets anti-oxydants sont aussi évoqués pour le cacao ou le lycopène, par exemple.

« Donc on peut dire que lorsque l’on propose ce type de médication, on a dans l’idée que c’est l’équivalent d’un blocage du SRA ou d’un stimulateur du NO » conclut l’orateur.

« Pour autant, lorsque l’on rentre dans les détails concernant leur efficacité, aliment par aliment, on connait une certaine déception, modère l’hypertensiologue.

La raison en est que si les méta-analyses sont positives, les études individuelles, elles, ne le sont pas toujours.

Et quand bien même les études sont positives, les chiffres de réduction de la pression artérielle sont relativement faibles.

De plus, la grande majorité d’entre eux ont été obtenus par la méthode de mesure « traditionnelle » au cabinet, et qu’il faudrait globalement les diviser par 2 pour obtenir l’équivalent en MAPA. »

Le Pr Girerd a passé en revue différents aliments, en notant que si effet il y avait, celui-ci était toutefois souvent extrêmement modéré (voir tableau ci-dessous).

Il a souligné toutefois l’intérêt d’une augmentation de la consommation du potassium, qui couplé à une baisse du sodium, qui pourrait se rapprocher – « dans les protocoles les plus favorables – des bénéfices de l’activité physique ».

Il a reconnu avoir découvert dans la méta-analyse que la vitamine C pourrait avoir un rôle sur la PAS, mais sans action sur la PAD, et a avoué « n’avoir aucune explication à cela » [2].

Le coenzyme Q10, mal connu des cardiologues – sinon que certains le donnent en accompagnement des statines – aurait, lui, un effet plus conséquent.

Enfin, l’ail en particulier âgé, semble le plus intéressant.

Huile d’olive dans le cadre du régime méditerranéen PAS (réduction moyenne – 4,4 (95%, IC : -5,9,-2,8) mmHg ; P<0,001]
Cacao PAS (différence moyenne -2,8 (IC95% : 4,7, -0,8) mmHg ; P = 0,005 ; PAD (différence moyenne : – 2,2 (IC : -3,5, -0,9)mmHg, P = 0,006
Thés (vert ou noir pendant 4 à 24 semaines à raison de 2 à 5 tasses par jour) Thé vert réduit la PAS de -2,1% (IC : -2,9, -1,2)mmHg et la PAD de -1,7 (IC : -2,9, -0,5)mmHg

Thé noir réduit la PAS de -1,4 (IC : -2,4, -0,4)mmHg et la PAD de –1,1 (IC : -1,9, -0,2)mmHg

Oméga-3 polyinsaturés (PUFAs) à raison d’une consommation de 0,3-15g/jour pendant 4 à 36 semaines Réduit la PAS de -1,5(IC : -2,2, -0,8)mmHg et la PAD de -1,0 (IC : -1,5, -0,4)mmHg
Potassium, magnésium et autres minéraux : le ratio Na+/K+ plus fortement associé à un effet sur la PA que le Na+ ou K+ seul dans une population hypertendue Un repas équilibré devrait contenir 4700 mg quotidien (120 mmol jour) de Na+, avec un ratio K+/Na+ d’environ 4-5/1. Doubler la prise de K+ est associé à une réduction d’environ 4-8 mmHg de la PAS et 2,5-4 mmHg de la PAD chez les sujets hypertendus.
Vitamine C Avec une dose de vitamine C de 500 mg par jour pendant une période médiane de 8 semaines chez les patients hypertendus, la PAS était réduite de -4,8 + 1,2 mmHg (P<0,01) mais la PAD n’a pas été réduite, et ce, pour des doses quotidiennes de vitamine C de 500mg à 1 g.
Resvératrol et extraits de pépins de raisin Les extraits de pépin de raisin (contenant des quantités variables de resvératrol réduisent légèrement mais significativement la PAS avec une différence moyenne de -1,5 (IC -2,8, -0,2)mmHg mais pas sur la PAD
Coenzyme Q10 Baisse moyenne de la PAS de 11 (IC 8, 14)mmHg et de la PAD de 7 (IC 5-8)mmHg, généralement après 4 semaines de traitement
Extrait d’ail âgé japonais (ou ail noir) Différence moyenne pour la PAS de – 9,1 (IC -12,7,-5,4)mmHg et pour la PAD de -3,8 (IC -6,7,-1,0)mmHg ; Cet effet semble s’additionner à celui des thérapeutiques antihypertensives standards.

Les effets de l’ail âgé

L’orateur s’est donc intéressé, pour en savoir plus, à une revue d’études et de méta-analyses parue en 2020 consacrée aux effets de l’ail sur la pression artérielle des sujets hypertendus.

Il s’agit de 12 études essentiellement allemandes, russes, américaines et japonaise qui ont étudié pour la plupart la poudre d’ail (assaisonné au blanc d’œufs) et pour d’autres l’ail âgé (très prisé au Japon) – nombre de ces études ont d’ailleurs été financées par un fabricant japonais [3].

La méta-analyse de ces études – sur 553 adultes avec une HTA non contrôlée – montre une réduction de la PAS de – 8,32 (-10,25, 6,39) mmHg et de la PAD de – 5, 48 (-7,40, -3,55) mmHg, avec, il est vrai, une mesure au cabinet et non avec la MAPA, a commenté le Pr Girerd.

Dans la conclusion, l’auteur de cette revue indique que l’effet de l’ail n’est pas le même pour tous, et qu’il semblerait que certaines vitamines du groupe B jouent un rôle important de co-facteurs.

Le mécanisme sous-jacent serait la transformation de composants de l’ail en composés soufrés de type H2S, qui servirait de molécules capables d’entrainer le relâchement du muscle lisse et une vasodilatation, responsables de la baisse de la pression artérielle.

Néanmoins, « l’ail qui est le meilleur aliment restera 2 fois moins efficace que d’autres méthodes pharmacologiques que sont les médicaments antihypertenseurs », module le Pr Girerd.

Quoi de nouveau sur le sel ?

Quid du sel, un nutriment étudié depuis plus de 50 ans pour ses effets néfastes sur la PA ?

Le Pr Girerd a retenu un article scientifique paru en 2021 qui a quantifié, sous forme de méta-analyse, l’effet de la consommation de sel sur la PA, selon qu’on l’augmente ou qu’on la diminue chez les normotendus et chez les hypertendus [4].

Ses résultats montrent que lors d’une diminution des apports de sel de 5 g par jour, l’hypertendu a une baisse moyenne de sa tension systolique de -6 mmHg (voir tableau ci-dessous).

Cette baisse est plus importante que celle du normotendu qui est de -2.

En revanche, lors d’une augmentation des apports de sel de 5 à 15 g par jour, l’hypertendu augmente en moyenne sa tension systolique de +10 mmHg alors que le normotendu l’augmente de 4.

« Une analyse qui confirme que l’effet du sel sur la tension est différent chez l’hypertendu et chez le normotendu et qui montre, par ailleurs, qu’une consommation excessive de sel a plus d’effet sur la tension qu’un régime qui diminue le sel.

Un constat sans doute lié au fait qu’il est difficile de réduire de plus de 5 g par jour sa consommation de sel alors qu’il est facile d’avoir un excès de sel de plus de 10 g par jour » a indiqué l’orateur.

Effet de la consommation de sel sur la pression artérielle [4]

Hypertendu PAS (mmHg) IC (95%)
Diminution -6,5 -5,2 à -7,8
Augmentation +10,3 +7,9 à +12,7
Normotendu PAS (mmHg) IC (95%)
Diminution -2,3 -1,3 à -7,8
Augmentation +4,0 +0,8 à 7,2

En conclusion, le Pr Girerd a indiqué « certains aliments peuvent avoir un effet bénéfique sur la PA, l’ail semblant le plus avancé dans sa démonstration.

Mais ils sont, quoi qu’il en soit, moins efficaces que des traitements antihypertenseurs mais peuvent donner une efficacité supplémentaire aux traitements antihypertenseurs médicamenteux.

Ils sont donc à recommander chez la majorité des sujets hypertendus qui veulent faire un effort pour essayer de traiter leur hypertension artérielle ».
LIENS

Crédit de Une : Dreamstime

Références

  1. L’alimentation : ail, oignon, avocat, chocolat, patate douce, amande JHTA 2021.
  2. Borghi C, Cicero A F. Nutraceuticals with a clinically detectable blood pressure‐lowering effect: a review of available randomized clinical trials and their meta‐analyses, Br J Clin Pharmacol 2017, 83(1), 163-171
  3. Ried K. Garlic lowers blood pressure in hypertensive subjects, improves arterial stiffness and gut microbiota: a review and meta-analysis. Exp Ther Med 2020, 19: 1472-8.
  4. Filippini T, Malavolti M, Whelton PK, et al. Blood Pressure Effects of Sodium Reduction: Dose-Response Meta-Analysis of Experimental StudiesCirculation 2021 Apr 20;143(16):1542-1567.doi: 10.1161

Credits:
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Citer cet article: Peut-on gérer son hypertension grâce à l’alimentation ? – Medscape – 10 janv 2022.